Dossier manga - Misaeng - Incomplete Life

Une série témoignage


Avant d'être un drama, « Misaeng » est avant tout un webtoon créé par Yoon Tae Ho. Le webtoon est devenu rapidement populaire pour sa retranscription fidèle du mode de vie d'employés de bureau, et il n'est pas étonnant, au vu de sa popularité, de le voir adapté en drama. Le plus dur étant de conserver ce côté réaliste, on peut dire que le travail du réalisateur Kim Won Seok  a été remarquable. Il a gardé une réalisation très simple (excepté dans le premier quart d'heure de la série, assez étrange et déroutant), presque documentaire. Pas de plans trop travaillés avec des effets, se contentant seulement de montrer à l'image l'action. Même chose pour la bande son, assez simple et douce qui se permet quelquefois quelques envolées, notamment avec le personnage de Oh Sang Shik.
  
  
  
  
Et si de tels choix ont été faits, c'était pour retranscrire le plus fidèlement possible le monde du travail, notamment au sein d'une grande entreprise coréenne. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce monde du travail ne fait de cadeau à personne.
La société coréenne est basée sur de forts principes, notamment le patriarcat et le fait que l'individu passe après la société. Autant dire que ce sont deux des travers que l'on va retrouver dans cette société, des travers acceptés plus ou moins mais qui tendent à évoluer, même si ce n'est qu'un petit peu.
Et oui, le monde du travail est loin d'être rose en Corée. Difficile par exemple d'avoir une vie de famille à côté de son travail, les employés enchaînant souvent les soirées arrosées (pas forcément pour se détendre d'ailleurs), n'hésitant pas à rester travailler de nuit. Difficile également d'aménager ses horaires si besoin, c'est ce qui rend si difficile de travailler pour une femme. On voit ce genre de difficultés avec le personnage de Jin Young, chef d'équipe qui a du faire face au sexisme d'un de ses collègues à plusieurs reprises. Et oui, la vision de la femme tout le temps en congés maternité, comme si elle n'était bonne qu'à faire des enfants et rester chez elle est encore assez ancré chez certains protagonistes et amènera pas mal de soucis à cette chef d'équipe mais aussi à Young Gi, affectée à une des équipes les plus misogynes de l'entreprise. 7

Mais finalement, ce qui frappe le plus, c'est la manière dont la plupart des protagonistes sont dures avec eux-mêmes, se reprochant souvent à eux-mêmes ces travers de la société. Prenons par exemple le personnage de Geu Rae. Voici ce qu'il dit dans l'épisode 1 :

« Je ne veux pas entendre que j'ai perdu par manque de talent ou par malchance d'à peine une moitié de territoire. Ce n'est pas parce que jouais et que je travaillais à mi-temps, ni parce que mes parents étaient trop pauvres, ni parce que mon père est mort, ni parce que ma mère est tombée malade. Ces excuses me brisent le cœur. Je préfère dire que je n'ai pas assez travaillé. Ce n'est pas vrai, mais je préfère le penser. Je n'ai pas assez travaillé alors j'ai dû venir au monde. Je n'ai pas assez travaillé, alors j'ai été abandonné. […]
Mes efforts étaient médiocres, alors j'ai été abandonné. »

 
Ces paroles qui émaillent ses souvenirs douloureux et ses échecs au go sont extrêmement dures envers lui-même, car il ne peut pas se résoudre à en vouloir au destin ou à la société pour ce qui lui est arrivé. Et s'il connaît de telles difficultés aujourd'hui, il préférera s'en vouloir à lui-même, estimant qu'il en souffrira moins.
Quelque épisodes plus tard, il confiera également sa souffrance sur le fait qu'en se consacrant au go, il sera réduit à des boulots à temps partiel et donc des horaires décalés et en donc en marge de la société. Geu Rae exprime ici sa joie de faire partie d'une d'une entreprise, du fait que, comme le reste de la société, il part travailler le matin et rentre le soir. Il se réjouit d'appartenir à un groupe, et cela se fera d'autant plus fort quand Oh Sang Sik utilisera, bien qu'émêché, le terme « notre petit » pour parler de Geu Rae.
On voit donc ici un paradoxe de cette société coréenne dans le personnage de Geu Rae : pour ce qui est des erreurs, la faute sera à incomber à l'individu, mais pour tout le reste, le groupe reste le plus important et passera avant cet individu.
  
  
  
  
Pour ma part, bien que ce soit une conception de la vie qui me navre car elle n'offre que peu d'échappatoire à l'individu, forcer de toujours se dépasser au point de s'oublier, il faut reconnaître que c'est une réalité en Corée du Sud. Alors oui, c'est sûr que ce pays fait rêver avec la K-Pop et les dramas, mais il ne faut pas oublier que ce n'est qu'une infime facette de cette société extrêmement dure envers sa population, notamment les femmes. Bien évidemment, les choses tendent vers le changement, mais celui-ci aura de la peine à s'installer dans un pays aussi conservateur. Et il aura également de la peine à s'installer car la société conditionne encore énormément ses individus, dès le plus jeune âge. Et il est au combien difficile de se détacher de toute une éducation...
  
  

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