Mindgame - Actualité manga
Dossier manga - Mindgame

Petit guide de l'optimisme ordinaire

  
   
Malgré son côté surréaliste, Mindgame est loin d'être complètement déconnecté de la réalité. Tout d'abord de par son personnage principal, au début du manga. Nishi est un looser, et on aurait tôt fait de le dénigrer pour sa couardise, il est un peu ridicule. Et pourtant, si Nishi n'a rien du héros de manga habituel, il a au moins le mérite d'être humain, très semblable à la plupart de nos contemporains, ceux qui font bonne figure et qui tiennent des grands discours, ceux qui, au fond, sont exactement comme Nishi : des antihéros ordinaires. La plupart d’entre nous sommes condamnés à rester des antihéros du quotidien, un peu lâches, un peu pervers, un peu feignants. Le seul électrochoc suffisant pour faire en sorte que nous nous bougions enfin, ce serait la mort, seulement je ne vous apprends rien, une fois mort, difficile d'entreprendre quoi que ce soit (je la fais simple, pas le lieu pour un débat théologique). Mais Nishi a une chance que nous n'aurons probablement pas, il est autorisé à revenir à la vie pour une seconde chance, et autant dire qu'il en profite. L’électrochoc est en effet on ne peut plus efficace, et Nishi se sort d'une situation désespérée avec panache, pour se fourrer directement dans une situation encore plus inextricable. 
   
   
Un autre élément intéressant intervient alors. Nos trois compères, que sont Nishi, Myon et Yan, sont enfermés dans le ventre d'une énorme baleine. Situation peu enviable, admettons-le. N'importe qui, dans une telle situation (évidemment impossible, et à prendre comme la métaphore d'une situation vraiment, vraiment très désagréable), aurait tendance à baisser les bras et à déprimer, réaction qu'ont Myon et Yan dans un premier temps. Mais Nishi réagit différemment, car il est « éveillé », il sait qu'il faut voir les choses du bon côté quoiqu'il arrive, la situation étant telle qu'elle est, de toute façon. Et cet état d'esprit est communicatif, puisque Nishi, à l'aide de son tout nouveau talent d'orateur charismatique, parvient à redonner espoir aux deux jeunes filles. 
    
   
  
   
Un peu plus tard, nos comparses comprennent qu'ils pourraient fort bien être coincés ici pendant plusieurs années, voire dizaines d'années. Avec toute la bonne volonté du monde, difficile de ne pas à nouveau baisser les bras, même pour Nishi. En effet, dix, vingt ou trente ans dans le ventre d'une baleine, c'est dix, vingt ou trente ans de gâchés. Eh bien non. À l'aide de cette nouvelle métaphore, l'auteur explique qu'il est primordial de se libérer des carcans sociaux et sociétaux. On a tendance à voir la vie et le bonheur à travers le prisme de la réussite sociale, toujours basée sur les mêmes critères : avoir de bonnes notes, être populaire, sortir avec un/une joli(e) fille/garçon, gagner beaucoup d'argent, être propriétaire. C'est être très réducteur que de penser, comme beaucoup, qu'il est impossible d'être heureux autrement, dans un tout autre contexte, un contexte qui, si on se contente de voir le monde à travers les yeux des autres, peut sembler défavorable. 
Nos héros se retrouvent dans un espace de liberté absolue, et sont pourtant dans un premier temps incapables d'en jouir, tant leur nouvel environnement est éloigné de ce dont ils ont l'habitude. Après une étape introspective de rigueur, ils trouvent toutefois la volonté de vivre dans ce nouveau milieu, et décident de se lancer à corps perdu dans une passion quelconque, de ces passions que l'on a lorsque l'on est enfant, et que l'on abandonne en grandissant, car ils finissent par nous paraître irréalisables. En réalité, on ne se donne simplement pas les moyens de nos ambitions. 
    
  
À la fin, à l'instar d'un Mister Nobody, le manga de Robin Nishi nous présente des futurs multiples hypothétiques. Aucun de ses futurs n'est plus plausible qu'un autre (L’œuvre choisit toutefois de sélectionner un de ces futurs pour son final, un épilogue en forme d'espoir, plein de promesses pour l'avenir.), et tous sont très différents (certains sont même baignés dans une atmosphère de science-fiction), chacun démontre qu'avec de la motivation, on peut réussir à exaucer ses rêves d'enfants, même les plus inenvisageables. 
Cependant, on trouve ici une forme de contradiction. En effet, la plupart des rêves représentés correspondent à des standards sociétaux préétablis (devenir astronaute, fonder une famille...), et c'est contre ces mêmes standards que Mindgame encourageait à se rebeller quelques pages plus tôt. 
    
   

   
  
Enfin, voici les derniers mots de Mindgame : 
« Ce monde est parfait. Tout scintille, tout regorge de surprises, rien ne manque. La vie est un jeu de cartes qui ne comporte que des atouts. Chaque chose est une carte à jouer. Quelle que soit la carte que l'on tire, son envers cache un futur extraordinaire. Ô Dieu... Ce monde est sans limites, éternel et parfait... Il n'est peut-être qu'un reflet fugace luisant sur un caillou de ton jardin, à moins qu'il ne s'agisse du rêve éveillé de quelque troll... Mais peut-être ce rêve suffit-il à illuminer l'univers tout entier, peut-être ce songe est-il le seul spectacle qui s'y joue. ».
  
Un message vraiment intéressant, au-delà de son côté poétique, puisqu'il prend un recul monstre pour faire l'apologie d'absolument tout. L'apologie de la vie, du mouvement, de l'existence, de tout ce qui Est, quoi que ce soit. Un message déshumanisant, puisqu'il considère toute chose comme étant merveilleuse tant qu'elle n'est pas le néant (ce qui inclut forcément des choses traditionnellement considérées comme « mauvaises »), et à la fois très humain puisqu'il incite à vivre à fond toute expérience qui s'offre à nous. Une fin qui a tout d'un début, un début en apothéose. 
   
  

© by NISHI Robin / Asukashinsha

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Minkunette

De Minkunette [6811 Pts], le 17 Février 2015 à 09h37

Merci pour le dossier.

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