Me and the Devil Blues - Actualité manga
Dossier manga - Me and the Devil Blues
Lecteurs
19.50/20

Crossroad Blues


Me and the Devil Blues est probablement la série qui représente à merveille la croisée des genres et la réunion d'éléments que tout opposait. Qui aurait pu, en effet,  imaginer qu'un auteur japonais, jusque là spécialisé dans le genre humoristique qui plus est, décide de s'intéresser à une légende musicale américaine qui sévit au début des années 30 ? A première vue, le choc culturel est grand et le défi à relever l'est tout autant. Pourtant, Akira Hiramoto va réussir à merveille là où tout portait à croire qu'il allait échouer. Dès les premières pages de son récit, il nous fait voyager 80 ans en arrière pour nous plonger dans une Amérique d'entre 2 guerres en plein bouleversement. L'ombre du mysticisme et du vaudou plane allègrement sur les premiers chapitres qui s'attachent à nous présenter la vie du peuple noir de l'époque. Si, dans un premier temps, l'auteur s'hasarde à quelques scènes quelque peu hors sujet comme lorsque Bessie se jette pieds en avant sur son frère, il oublie très rapidement ce genre de futilités déplacées pour se recentrer sur une ambiance extrèmement fidèle à la réalité. Et ce sera dès lors le cas pour tout ce qui suit. Outre le rendu général, Hiramoto a le soucis du détail et n'hésite pas à rendre chacune de ses cases plus authentique l'une que l'autre.

Dans le même ordre d'idées, ce dernier parvient également à mêler ce que l'on pensait au départ comme unique thème du manga, à savoir Robert Johnson et le blues, à un road movie avec pour principal composant le fugitif Clyde Barrow et, par la même occasion, ajouter une bonne dose de fiction à ce qui ressemblait jusque là à une authentique biographie. Le pari était osé mais non dénué d'intérêt. Et, au final, le résultat est absolument savoureux. La principale recette de ce succès est sans nul doute le fait que, malgré les libertés prises par l'auteur, l'ensemble reste parfaitement cohérent et tout à fait crédible. On ne se retrouve pas en présence d'une grotesque mascarade qui ne tient pas debout une seule seconde, tout du contraire. La rencontre entre les deux personnages, l'évolution de leur relation, les différents évènements qui vont se produire,... Rien ne semble déplacé ou mal amené. Mieux, on en vient à penser que tout cela a bel et bien pu se produire.

"Le samedi soir, je traine ma mélancolie au juke joint... Et le dimanche, je me lave de mes péchés à la messe. Puis, du lundi au vendredi... C'est mon blues, ma vie qui reprend..."

En restant trop hermétique à ce dernier point, on pourrait rapidement en venir à penser qu'Hiramoto délaisse un peu trop son sujet initial à partir du second tome. En réalité, ce n'est absolument pas le cas. Dans les premiers chapitres et au travers des différentes discussions entre RJ, Son House, et Willy au juke joint, ces derniers s'attachent à nous faire comprendre que le blues n'est pas simplement de la musique, n'est pas qu'une succession d'accords réalisés à l'aide d'un instrument. Le blues vient des tripes et représente bien plus que cela. Il représente un état d'âme, la condition d'un peuple, un cheminement personnel et collectif, des peurs, des doutes, des plaisirs et des rires. Synthèse d'une multitude d'éléments, le blues vient du plus profond de notre être et expose notre âme au grand jour. Hurlement, à qui veut l'entendre, de notre vie. Ainsi, le voyage qu'entreprend RJ et les rencontres qu'il provoque contribuent à mettre en oeuvre sa musique, il en est une composante à part entière. Evidemment, le fait que la musique ne se cantonne pas à sa condition de simple plaisir auditif peut s'extrapoler à tous les styles qui la composent, et pas seulement le blues.
  
 
  
  
 

Ramblin' on my mind

 
En parlant de mysticisme et de vaudou précédemment, je n'ai pas pour autant cité le fameux pacte démoniaque qu'effectue RJ. Et ce, pour une raison très simple. A aucun moment Akira Hiramoto ne nous plonge entièrement dans le surnaturel. Il n'est nulle part explicitement précisé que c'est le diable en personne que le bluesman rencontre. Pour le même prix, tout cela peut très bien être le fruit de son imagination, sa manière à lui d'oublier son abandon de Virginia et ce que cela a entrainé. Et l'auteur jouera sur cet aspect mystérieux pour embrumer notre esprit tout au long de l'aventure. Qui est Ike ? RJ a-t-il vraiment 10 doigts à la main droite ? On n'est sûr de rien. Et RJ ne l'est pas davantage. Certains éléments nous font pencher dans un sens, d'autres nous redressent instantanément. De plus, reste à savoir ce que l'on considère comme étant le diable. Lorsque notre homme cède à la tentation avec la trainée du juke joint, cela peut aussi être considéré comme une relation avec le démon. De même que de choisir le blues plutôt que sa famille, comme aurait dû le faire un bon futur père. Ou encore de fréquenter les juke joints au lieu de rester toute la soirée à la maison. Et après tout, le diable n'est-il pas Clyde tout simplement ? Entrainant RJ sur le chemin de l'auto-destruction sans même s'en rendre compte.

En fait, chacun reste libre de tirer ses propres conclusions et de se faire sa propre opinion concernant cet aspect de l'histoire. En cela, Hiramoto joue très habilement le coup puisque ça ne fait que renforcer encore plus la légende qui entoure notre bluesman de génie. Maintenant, il est clair que la confusion certaine qui règne dans notre esprit suite à cela risque de poser problème au lecteur. Heureusement, ce n'est aucunement le cas. L'auteur contourne en effet cet obstacle  en nous offrant une narration qui ne laisse aucun répit, aucune seconde d'ennui. Chaque chapitre est l'occasion de nouveaux rebondissements, chaque page nous tient un peu plus en haleine que la précédente. Ellipses temporelles, changements d'espaces effectués avec une fluidité hallucinante, le récit n'est en rien statique et vient nous happer dans sa folie plutôt que de nous laisser en simple spectateur. Pas de temps pour la réflexion, juste suffisamment pour la contemplation.

Tout cela, Hiramoto le réalise en donnant à sa série un aspect très cinématographique. Lorsque l'action est présente, les cases sont généralement amputées de tout dialogue inutile. Les plans choisis avec goût, les transitions entre personnages efficaces, chaque élément est mis en oeuvre de manière à ce que l'on puisse profiter pleinement du spectacle qui nous est offert. Sans temps mort, sans chipotages superflus. De plus, il faut bien l'avouer, les principaux protagonistes qui composent le récit ont tous un charisme monstrueux. Ils baignent littéralement dedans et viennent nous fasciner en permanence.
  
 
  
 
 

ORE TO AKUMA NO BLUES © 2005 Akira Hiramoto / KODANSHA Ltd.

Commentaires

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jojo81

De jojo81 [7209 Pts], le 28 Octobre 2010 à 19h02

20/20

Super dossier sur l'un des tout meilleurs manga parus en France. Je VEUX la suite !!! c'est trop dur...

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 23 Octobre 2010 à 13h20

Je garde un excellent souvenir de ce manga, unique en son genre !  Mais quel dommage qu'elle soit à l'abandon au Japon !

Je n'ai pas encore lu le dossier en entier, mais ça ne saurait tarder ^_^

le gritche

De le gritche, le 22 Octobre 2010 à 15h59

19/20

Il y a donc un 4ème tome, je sne savais pas...et j'ignorais d'autant plus que c'était le dernier ! Rien ajouter au dossier, que je n'ai pas lu, étant déjà un admirateur convaincu de ce manga.

Kakunoshin

De Kakunoshin [551 Pts], le 22 Octobre 2010 à 11h48

19/20

Comment résumé ce manga ? Une claque ! c'est tout.Je connaissais déjà un peu la légende R.L.Johnson avant et je me souviens avoir commencé la lecture un peu à reculons me demandant comment un Japonais pourrait retranscrire l'ambiance de l'Amérique de ces années la... Le résultat ? Une ambiance qui prend aux tripes ! Des bars crasseux aux grandes routes la nuit.La légende pouvait se suffire à elle même tant le vaudou et le mysticisme se mélange à cet univers.L'auteur évidemment va s'en servir et ajouter à cela d'autres pistes avec la rencontre de Bonnie Parker et Clyde Barrows.Le tout servit par un graphisme de malade ! Photo réaliste dans les décors, des visages criants de vérité parfait pour nous faire ressentir l'oeuvre et les affres de la vie du Bluesman.Hélas, mille fois hélas les bonnes choses ont une fin mais la c'est beaucoup trop tôt ! Pourquoi la série à fut-elle interrompue si précipitamment ? Manque de succès ? Problème de droits ? Un nouveau mystère qui mériterait d'être éclaircit tant cette oeuvre mérite un suite !

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