Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 22 Décembre 2025
Avec les titres Labaradorescence en novembre 2016, Happy Birthday en mai 2018, Au revoir Héron en avril 2023 et Le temps des bulles de savon en juin de cette même année, ymz est une mangaka qui a assurément su trouver une place de choix sur le marché français du boy's love, en ayant à juste titre sa niche de fans, et en pouvant compter notamment sur la grande douceur de son trait, à défaut d'avoir toujours des histoires suffisamment abouties. C'est donc avec plaisir et curiosité qu'on la retrouve en cette fin d'année aux éditions Taifu Comics avec Keyring Lock, court manga dont le pitch de départ a de quoi interpeller.
Chronologiquement quatrième oeuvre de la carrière de l'autrice (après Au revoir Héron, Labradorescence et Happy Birthday), cette mini-série en six chapitres pour un peu moins de 150 pages a initialement été prépubliée au Japon en 2016-2017 dans le magazine numérique Honey Milk des éditions Kôdansha, avant d'avoir droit là-bas en octobre 2017 à un unique volume broché agrémenté d'un supplément de plus de 20 pages et d'un autre petit bonus inédit, pour un ensemble avoisinant les 190 pages.
On y découvre Yui, un jeune homme qui est souvent vu comme insouciant et qui vivote avec des petits boulots, mais qui n'a dans le fodn aucune attache particulière pour quoi que ce soit dans cette vie banale. Mais voila qu'un soir, il tombe dans la rue sur Toshiki, un écrivain affalé sur le trottoir, qui semble ivre et qui semble même heureux à l'idée de mourir. Ne pouvant pas se résoudre à le laisser comme ça, Yui le raccompagne jusque chez lui, même s'il sent que ce jeune homme doit être un aimant à problèmes... et il semblerait qu'il a pensé juste : le lendemain, après avoir dormi chez cet inconnu car il était déjà tard, il découvre que la porte d'entrée est verrouillée, que Toshiki ne compte pas le laisse partir comme ça, et qu'il a une proposition à lui faire...
Keyring Lock, c'est l'histoire d'une séquestration, mais d'une séquestration pas comme les autres. Car même si Toshiki affirme tout sourire qu'il "aime bien séquestrer", il ne donne pas d'ordre et ne force à rien: il prépare les repas et le couchage et achète tout ce qu'on lui demande tant que c'est dans ses capacités. La seule chose qui est refusée, c'est de sortir, mais le "séquestré" est libre de partir définitivement s'il le souhaite... et étant donné qu'il n' a aucune attache particulière à l'extérieur, Yui n'hésite pas longtemps à rester. Commence alors une étrange cohabitation au fil de laquelle ymz joue sur les normes: alors qu'il n'y a a priori rien de normal dans cette situation, les personnages semblent vite y trouver un certain équilibre, et même un équilibre qu'ils ne connaissaient pas forcément auparavant, entre Toshiki dont on découvrira bien assez vite les douleurs passées, et Yui qui était en grand manque d'attaches. Tout simplement, ces deux-là pourront, dans cette situation de "séquestration", trouver un remède face à leur solitude, ainsi qu'un certain point d'ancrage qui leur manquait. Peut-être aurait-on juste aimé un peu plus de consistance chez les rares personnages secondaires comme le responsable éditorial de Toshiki qui a autrefois refusé d'être séquestré et le lycéenne fugueuse Kokoro, car leur rôle reste somme toute peu impactant, même si Kokoro sera un peu plus à l'honneur dans le chapitre bonus.
Ce qui aurait pu devenir vite très glauque a alors une tout autre saveur sous la plume avisée et le dessin fin et doux d'ymz... mais cela suffit-il à rendre la lecture vraiment prenante ? Eh bien, cela risque de dépendre de la sensibilité de chaque personne, tant ce manga reste assez particulier dans sa construction. D'un côté, il y a de quoi être curieux face à ce que l'autrice fait de son étrange pitch de départ et rester attaché à son sujet, mais d'un autre côté le nombre très limité de pages (même pas 150 pages pour l'histoire principale) pousse ymz à aller à l'essentiel, à évoquer les tourments de ses protagonistes uniquement en surface et à faire appel à des ellipses tantôt bien dosées tantôt trop importantes. On aurait presque envie de dire que la mangaka offre avant tout une base et les clés pour que le lectorat approfondisse ensuite les choses comme il le souhaite en son for intérieur, ce qui plaira ou rebutera. Dans tous les cas, cette rapidité fait que, malheureusement, les personnages n'ont pas vraiment le temps de devenir attachants.
Keyring Lock est, en somme, un ouvrage difficile à appréhender mais qui ne devrait pas laisser son lectorat indifférent, qu'on y accroche ou non. Un seul conseil à donner face à ce type d'ouvrage: se faire son propre avis par soi-même, et ne pas trop se fier à la note qui est ici une appréciation très personnelle.
28/11/2025