Loveless - Actualité manga
Dossier manga - Loveless
Lecteurs
19/20

L’hégémonie des émotions

 
Le moteur de Loveless, c’est le lien sacrifice / combattant. C’est d’ailleurs ce que l’on a tendance à perdre de vue dans les derniers volumes parus, et qui explique la petite baisse de régime du manga. Mais la dimension affective entre un sacrifice et son combattant est flagrante. Les deux parties d’un même ensemble sont évidemment faites pour se retrouver, s’unir et partager leurs existences. C’est à travers le regard encore perdu et innocent du héros que l’on découvre plus ou moins ce que tout cela implique, notamment la relation parfois étrange de domination de l’un sur l’autre qui existe, le plus souvent dans le sens combattant > sacrifice, le contraire étant parfois possible notamment chez Nisei et Seimei ou Ritsuka et Sobi. Il existe aussi des couples parfaitement équilibrés, comme Ai et Midori (Breathless). En tous les cas, et surtout au début du titre, c’est ce qui induit le coté shonen-ai, notamment lorsque Sobi déclare son amour à un Ritsuka tout penaud. Mais pas seulement, puisqu’on relève des associations fille-garçon ou fille-fille. Ce n’est donc un shonen-ai auprès des lecteurs et lectrices que par le couple principal. De plus, ces éléments se limitent à quelques légers baisers volés et autres sous entendus : ils ne font que contribuer à une ambiance bien plus générale de tendresse qui règne dans le manga dans tous les couples sacrifice-combattant (excepté celui de Seimei …). Ainsi, la relation Sobi - Ritsuka avance doucement, avec autant de poésie que possible. Le jeune garçon aux oreilles de chat va peu à peu comprendre ce que signifie avoir un combattant, comment l’appeler, comment lui faire confiance et comment le dominer. Et pour reprendre l’image de la corde de violoncelle, c’est tout à fait ce qui caractérise le lien entre un combattant et son sacrifice, tant le lien moral dépasse la simple psychologie pour s’implanter dans une dimension physique.

Cependant, il n’y a pas qu’un seul schéma d’entente, et la complexité de la relation entre Sobi et Seimei est par exemple aussi dérangeante que passionnante, tant un lien ténu et secret se tisse entre eux, dans le plus grand dédain de Seimei et l’affection de l’autre. Comme un couple qui se serait trouvé tout en fonctionnant sur un mode très bancal, mais qui leur conviendrait. Tout comme Seimei et Nisei, même si ce dernier est radicalement loin du tendre respect que Sobi vouait à son ancien combattant. Le fait de partager un nom pour trois personnes est ici une hérésie, une aberration qui disperse les esprits et la raison des engagés. Et l’on se rend alors compte à quel point ce nom importe, et combien Loveless convient bien à un Ritsuka qui a ramassé ce dont son frère ne voulait plus … Ne peut être aimé, ne peut aimer. Chaque « couple » entretient ainsi un rapport tout particulier à l’autre, que ce soit l’amitié gracile du premier Zero, l’amour protecteur des second … Ou encore avec les autres, notamment les membres des sept lunes. L’auteur n’hésite pas à les inclure dans un schéma complexe d’émotions, les rendant ainsi bien plus proches que ne le laissait prévoir le début du manga. Pour ça, elle utilise des flashbacks toujours bien sentis, un présent auquel le lecteur reste souvent extérieur, et qui enferme les protagonistes dans une bulle d’intimité précieuse qu’il ne faudrait pas briser. Comme s’ils étaient tous inatteignables.



Si l’on parle de sentiments, on ne peut que placer Ritsuka au centre de cette farandole. Evidemment avec Seimei, qui correspond à son idéal, son but, sa souffrance et ses espoirs. Ritsuka est porté par la confiance de retrouver un frère vivant, qui aurait des raisons de ne lui avoir donné aucune nouvelle sur son état. De l’avoir laissé seul avec une mère psychotique. On y remarque toute l’ambivalence que peut avoir un personnage : Ritsuka se rend peu à peu compte à quel point Seimei était différent de l’image qu’il s’en faisait. Avec lui, il se montrait doux et attentionné, protecteur. Les personnalités de Seimei ne se ressemblant pas, Ritsuka en vient à douter de la véracité des moments passés avec son idole, ainsi que des circonstances de sa mort. C’est là que l’espoir renaît, malgré les affirmations catégoriques de Sobi, qui apparemment ne veut lui non plus pas voir le véritable visage de Seimei. La confiance aveugle d’un petit garçon envers celui qui remplace à la fois son père et sa mère est totale, et les désillusions sont d’autant plus meurtrières lorsque Ritsuka est bien obligé de voir en face que Seimei lui réservait un traitement de faveur, sans réellement se soucier de sa peine pendant la période où il l’a cru mort. D’ailleurs, pour élargir sur la famille de Ritsuka, celui-ci mérite d’autant plus son nom de sacrifice, tant sa situation sociale en fait un être sentimentalement amputé. Ayant perdu la mémoire depuis deux ans, il n’a plus aucun souvenir à lui avant ses dix ans, et se trouve obligé d’immortaliser chaque instant pour se créer une nouvelle vie, bien à lui. Cela déstabilise considérablement sa mère, qui a l’impression que son Ritsuka, son fils, se fait effacer par un étranger. Son père étant souvent absent, sa mère lui faisant subir les délires de ses affects perturbés, Ritsuka ne pouvait se fier qu’à Seimei, et il tombe de haut en comprenant que celui-ci est allé jusqu’à lui cacher le fait qu’il soit en vie … De quoi en troubler plus d’un.

De plus, son amnésie soudaine lui laisse l’angoisse de disparaitre à tout moment, faisant revenir le véritable Ritsuka. Ce qu’il aimerait, pour sa mère. Même si cela doit signifier, pour sa personnalité actuelle, disparaitre complètement. C’est d’ailleurs pour ça que le jeune homme est extrêmement renfermé sur lui, fuyant le bonheur d’une relation amicale qu’il devrait accepter de perdre s’il redevait le « vrai » Ritsuka. Cependant, un garçon de douze ans ne peut retenir longtemps ses inclinations, et finira bien par trouver du réconfort dans l’amitié proposée par Yuiko, puis Yayoi. Pas à pas, Ritsuka va découvrir divers sentiments dont il n’avait pas idée, s’ouvrant au monde extérieur avec bien plus de facilité de Sobi, qui reste particulièrement renfermé, hormis au contact de son sacrifice. Ce qui est intéressant, c’est que, à cause de son amnésie et comme un tout petit enfant, il ne connaît pas si bien que ça le monde qui l’entoure, et les relations avec les autres sont une découverte. C’est grâce à cela, à sa sensibilité latente, qu’il adopte une attitude totalement différente au quotidien et dans les bras de Sôbi, et ce pour notre plus grand plaisir. Ce qui fait la force de ce manga, c'est le sérieux de la psychologie des personnages et du but de Ritsuka combiné à des situations propres aux enfants que le héros et ses amis restent malgré tout. Cette insouciance, cette innocente pureté ne fait que mettre en valeur l'attachement que l'on porte aux protagonistes.
   
   
   
  
  

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Commentaires

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manga78

De manga78 [2146 Pts], le 02 Octobre 2010 à 13h36

Très bon dossier, qui m'a donné envie de me replonger dans le manga ^^

Gabi2109

De Gabi2109 [176 Pts], le 01 Octobre 2010 à 22h24

Après ce dossier sa me donne envie de lire ce manga. Merci de faire des dossiers d'aussi bonne qualitée!

Zyukkyu

De Zyukkyu, le 28 Septembre 2010 à 09h13

17/20

Merci pour les infos! Ca me permettra de retrouver ses manga V.O. (en occase)

Bien que grand amateur de "Hokuto no Ken" et "Berserk", je conseille vivement Earthian & Gestalt en version Américaine. La langue de Shakespeare s'avère plus lirique et mieux adaptée à ce genre d'histoire et à ce genre de manga en général.

lenalee34750

De lenalee34750, le 26 Septembre 2010 à 00h26

20/20

Tu as parfaitement résumer mes pensées ! Mis à part peu être pour le dessin, que je trouve, même après le 9ème tome, toujours aussi soigner et justement dosé. Effectivement, comme beaucoup de lecteurs à mon avis le penses, ce manga reste assez "trouble", et on à parfois l'impression qu'il se disperse quelque peu... Mais bon, peut être que tout ça va nous amener à un véritable final, et une suite d'aventure pleine de rebondissement. Espérons... Dans tous les cas, c'est toujours avec autant de plaisir que je lis loveless.

misae

De misae [1083 Pts], le 25 Septembre 2010 à 18h29

Il aurait fallu mentionner que l'auteur s'était occupée du chara-design de la série Gundam 00.

OscarFrancois

De OscarFrancois [111 Pts], le 25 Septembre 2010 à 16h16

20/20

Félicitations pour ton article, Nid !

Encore une fois, je suis d'accord avec toi (tu as TOUJOURS raison, owi !!)

Pour répondre à une des questions que tu poses (par rapport à cette ambiance poétique qui s'efface un peu, au fil des tomes) :

"Au final, ce manque de sérieux dans l’opposition malgré l’importance des combats n’est-elle pas préjudiciable au manga ?"

C'est vrai que plus on avance et plus (contrairement à ce "qu'il devrait se faire") on nage en plein brouillard. Les 7 Lunes, les combats... tout semble devenir prétexte à... A quoi ? On suit les persos dans leur vie quotidienne, au point d'oublier la "trame principale"

Mais justement, quelle est-elle, au juste ? Seimei est plus joueur que vilain; le gang lunaire aussi... J'apprécie cette absence de manichéisme, mais trouve qu'il y a trop de flou^^

Et enfin, petite exclamation... pourquoi Ristuka est-il si jeune ? On veut nous faire croire qu'il n'a que 12 ans, alors qu'il raisonne comme un trentenaire ! C'est comme Ciel, de Black butler : faudra qu'on m'explique pourquoi certain(e)s auteur(e)s aiment foutre des pré-pubères dans les bras de grands fous (Sôbi est comblétement maso, et Sebastian n'est même pas humain, lol !)

N'ayant aucun penchant shota, j'apprécie moyennement ce genre de suggestions... bien sûr, on ne dit pas clairement ce qu'il se trame entre Sôbi et Ritsu, mais on montre assez pour laisser imaginer... (des trucs !)

Je continue tout de même à suivre cette série, malgré les faiblesses (scénaristiques et graphiques) des derniers tomes^^

C'était Oscar, le pavé @_@ (oh là là !)

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