L'infirmerie après les cours - Actualité manga
Dossier manga - L'infirmerie après les cours
Lecteurs
19.50/20

Grandir à travers un récit fantastique

   
Un des points déterminant du manga, avec l’amour, bien évidemment, c’est le mystère dont Mizushiro gonfle chaque tome. Chaque révélation apporte une autre flopée de questions, nous faisant tourner en rond pendant longtemps. La première lecture de ce titre est un moment absolument déterminant, puisque c’est là où tout se joue. Bien sûr, il faudra le relire pour comprendre toutes les subtilités de l’auteur, se rendre compte que chaque détail a son importance et que les derniers tomes ne sortent pas de nulle part. Tout était prévu et calculé, à aucun moment on ne sent que les explications sont trop condensées ou vont trop vite, tant chaque élément de réponse se retrouve quelques tomes en amont, dans une parole anodine ou un plan un peu particulier. Le mystère qui règne sur le récit est donc inhérent au talent de conteuse de la mangaka, qui distille lorsqu’elle le souhaite des informations qui, à la première lecture, nous dépassent totalement. Que ce soient des questions vis-à-vis d’autres participants, sur l’infirmerie en elle-même où sur Mashiro, tout nous est donné pour croire à autre chose que la réalité, comme si l’auteur se jouait, jubilait en entendant nos réflexions du type « ça, c’est obligé, c’est trop évident … », pensées absolument incontournables lorsque l’on découvre ce manga. Nos postulats de départ sont constamment remis en question ou renforcés, pour un dénouement qui se défie de toute logique. La narration même du titre est une immense chasse au trésor, où la récompense n’est autre qu’une vérité bien relative sur des questions qui, finalement, n’ont pas de réponse si arrêtées. En fermant la dernière page, seules quelques certitudes demeurent : le lecteur a vu ses idées toutes démontées, l’auteur a maîtrisé son récit de bout en bout, excepté sur la fin où tous, auteur comme lecteurs, se sont retrouvés perdus face à une réalité qui n’a rien d’universel.
   
Le plus grand mystère reste bien évidemment ce qu’il se trame derrière la grande porte, une fois la clé ayant libéré le passage. On se demande ce qui conditionne cette traversée. Est-ce le même processus pour tous, ou bien est-ce en fonction des désirs de chacun, voire un peu des deux ? Car Mashiro vit la vie qu’il aurait du connaitre dès le début, une fois les doutes et les interrogations dues à sa naissance passées. Mais pour prendre l’exemple de Midori, on est en droit de se demander si elle a trouvé le bonheur ou si le « futur » n’a fait que réaliser son souhait muet, à savoir disparaitre ? Etant donné que les adolescents disparaissent peu à peu de la mémoire de ceux qui restent, on peut facilement faire un parallèle entre eux sans toutefois parvenir à savoir ce que symbolise la porte. De même, qu’advient il de ceux qui fuient l’épreuve et sa nécessité ? Mizushiro a certainement son idée, qu’elle n’expose qu’à demi mot, nous permettant à nous lecteurs d’imaginer seuls le sens qu’on veut donner à ce passage, avec la seule connaissance que l’on a du cas de Mashiro. Entre l’hypothèse d’une remise à zéro, d’un autre futur, d’une maturité et d’une stabilité acquises, on ne sait pas avec précision ce qu’il en est. L’imagination est cependant un merveilleux moyen d’expression, et c’est sur cette voie que nous invite l’auteur. De même que pour la porte revient le problème de la lune, qui en est une … ou pas. Est-ce encore une perception propre à chacun ou une vérité universelle ? Que signifie-t-elle ? Autant de questions qui ne trouvent leur réponse que dans notre manière d’appréhender le récit, d’accepter le fantastique ou d’idéaliser ou non l’adolescence comme une réalité ou une sorte de rêve confus. Enfin, à cause de cette notion d’oubli une fois le monde de l’infirmerie terminé, on se demande si les dix tomes réalisés par Mizushiro ne seraient pas qu’une vaste farce. En effet Mashiro continue l’école après la porte, dans une autre réalité. Alors finalement, ce rêve, cet univers empreint de magie et de fantastique, est-ce une face cachée du monde, ou simplement une manière d’imager un épisode de vie, une manière de justifier une réalité dérangeante ? Une échappatoire, une farce, une réalité ? On se fait littéralement mener par le bout du nez par Mizushiro durant tout le manga, et arrivés au bout, elle nous laisse tomber brutalement et nous oblige à nous faire notre propre opinion sur l’ensemble du récit. Un coup de maître, qui donne à la narration toute sa force et nous laisse dans le plus grand désarroi.
   

     
   
Dernier point à aborder dans cet exposé qui ne se prétend pas exhaustif : l’aspect fantastique, accolé à la violence insidieuse qui se dégage néanmoins de ce shojo. Si le monde du rêve n’a, en tant que décor, rien de particulier, il a une caractéristique qui change tout : personne ne peut s’y cacher. Ce qui en fait un révélateur de personnalités et de traumatismes, de doutes et de peurs. C’est uniquement là où se situe l’aspect fantasque du titre, aspect qui a toute son importance. Le système du collier, la clé qui ouvre une porte fictive, les apparences monstrueuses des rêveurs, tout est sorti de l’imagination de l’auteur. Mais ces mêmes idées permettent, on l’a vu, d’en faire passer de bien réelles et de mettre en exergue une étape de la vie qui a tout de primordial. Les rêves n’ont aucune logique, sont ponctués d’évènements nés de l’esprit d’un participant, de métaphores et de figures parfois effrayantes, mais au final, la réalité n’est pas si normale que cela, et la fin du manga le met parfaitement en évidence. Nos certitudes se sont déjà effondrées lors des tours de passe passe de Mizushiro pour nous embrouiller, mais elles se brisent une nouvelle fois quand la stabilité d’une réalité fictive se dissout complètement. Mais est-ce une réalité par le regard de Mashiro, ou bien une plus générale, qui s’effondre ? Un mystère de plus.
    
Toujours est-il que ce monde fantastique induit une certaine forme de violence. Ne serait-ce qu’en réduisant les lycéens à leurs tares. L’exemple de Midori est particulièrement pertinent, tant les trous creusés dans son corps sont significatifs et repoussants à la fois. Mais même pour tous, la violence de se découvrir dans une peau horrible et forcément plus réelle que leur apparence de tous les jours est une découverte des plus perturbantes … Dans les combats, l’auteur ne se dérange pas pour faire gicler le sang, pour tuer les protagonistes qui reviennent à chaque fois, pour les réduire parfois en miette. Bref, la violence visible n’est pas sans conséquence pour un shojo, qui se rapproche alors plus des œuvres marginales du genre. Mais la violence physique n’est pas tout. Rien que le fait de faire cohabiter des jeunes gens dans le lycée, sans autre ouverture sur le monde qu’un vague passage de Kuréha chez elle, est assez glauque. L’établissement scolaire se montre comme une entité immuable et inviolable, qui sanctionne si jamais les élèves ne reviennent pas. Une atmosphère étouffante, malsaine se met alors en place dans un lycée où quelques élèves passent leur temps à s’entretuer en rêves. De plus, ceux-ci se teintent souvent du point de vue des participants et se révèlent parfois oppressants, dangereux, offensifs, témoins de la perversité humaine. Toute cette violence est liée au passage qu’est l’adolescence, et si le tout tourne réellement en affrontement entre les « joueurs », ce n’est que le reflet d’une société où l’on prône le chacun pour soi. Mizushiro met en images les codes sociaux, bien qu’elle adoucisse le tout en justifiant les attitudes de chacun. La thématique de l’horreur n’a alors rien de bien fantastique, mais s’ancre dans une réalité quotidienne à laquelle on ne fait plus attention.
     
   
        
           
               

© Setona Mizushiro 2005-2007 (AKITASHOTEN JAPAN)

Commentaires

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maruna

De maruna [920 Pts], le 23 Janvier 2011 à 00h18

20/20

Une série parfaite au scénario des plus recherché ! Bref un petit bijoux. (dossier vraiment exelent ! j'aprouve ♥)

lenalee34750

De lenalee34750, le 26 Septembre 2010 à 00h44

20/20

Génial ! L'infirmerie est mon manga préféré ! Bourré de complexité, il m'a fait extrêmement réfléchir. Les destins de tous les protagonistes s'entrechoquent. On à mal pour eux, on en souffre tant ce qui leurs arrive nous prend du plus profond de notre être. on s'y retrouve tous un peu, finalement. Que se soit l'histoire de celle qui s'est toujours donner à fond pour arriver à un but précis, sans jamais l'atteindre, ou encore celui que ses parents forment pour qu'il rentre dans le moule, pour soulever des questions telles que : est-ce qu'on même pour ce que je suis, ou qui je suis ?", on à tous une petite part de nous. C'est vraiment une série géniale, bouleversant, et criante de vérité. Chaque personnage à un réalisme sidérant, et même le héros à des défauts désagréable et flagrant. dans tous les cas : un grand merci d'avoir fait la description !

NiDNiM

De NiDNiM [912 Pts], le 14 Mars 2010 à 13h30

*Ouvre les bras* D'acco Oscar, j'obéis :D Contente que ça plaise. Et je le dédicace à Loli dont c'était l'anniversaire le jour de la publication de ce dossier ^^'

Dam : Jette toi dessus !

OscarFrancois

De OscarFrancois [111 Pts], le 13 Mars 2010 à 16h36

20/20

Dans mes bras, Nid ! Ton dossier est excellent, complet, parfait !

Je mets 20 à l'Infirmerie; pour moi, c'est une oeuvre qui parle. Qui crie, même. Et qui crie fort ! Qui pleure parfois. Qui secoue beaucoup.

On plonge dans le monde lycéen, mais effectivement, on est bien loin des shojos classiques. Ici, le lycée, c'est la jungle, c'est l'oubli, la torture, et tous ces regards aujourd'hui connus, et anonymes demain. La violence est partout; dans les regards, les paroles, les non-dits. Mizushiro traite ça de manière très adulte. Elle a, d'ailleurs, une manière toute particulière de parler du Moi. J'aime vraiment sa manière de raconter, et de dessiner n_n ! Perfecto !!!

sakurai

De sakurai [24 Pts], le 13 Mars 2010 à 14h05

je les ai tous et je m'en lasse jamais de les lire . pour ce qui ne connaissent pas c'est à lire imperatif

 

Yoyo1

De Yoyo1 [0 Pts], le 13 Mars 2010 à 00h02

Je suis totalement d'accord avec ce dossier,  L'Infirmerie après les Cours est un manga exceptionnel, fouillé, complèxe, au sujet pertinent, sérieux, profond et original. Et pourtant, je garde quand même pas un souvenir impérissable de ma lecture. Pourtant, j'aime beaucoup les shôjo d'habitude, mais là l'ambiance est très différente. C'est peut-être un thème trop sérieux et abordé de manière trop sombre pour moi. Ne vous méprenez pas, j'ai quand même beaucoup apprécier ce manga, mais disons qu'il ne reste pas comme un de mes mangas préférés, malgré qu'objectivement, je ne peux que dire qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre. Pour cette raison, je conseille évidemment cette lecture à n'importe qui. Excellent dossier par ailleurs !

Blacksheep

De Blacksheep [535 Pts], le 12 Mars 2010 à 21h23

Bon dossier.

Koiwai

De Koiwai [12702 Pts], le 12 Mars 2010 à 17h49

19/20

Excellent dossier ! Pas encore tout lu, mais le début est sacrément intéressant et pertinent :)

Glacia

De Glacia, le 12 Mars 2010 à 15h59

19/20

Si je devrai faire une thèse d'examen ayant pour thème un manga se serait celui-ci^_^

Il est d'une profondeur et d'une complexité sans nul autre pareil.

Les thèmes abordés, les personnages, les actions qui s'y déroulent, les subtils détails qui nous échappent à la première lecture, que se soit au niveau du dessin, des tournures de phrases, des pensées, des visions des protagonistes...tout cela est mené de main de maître par l'auteur qui a eu des idées, qui pour moi, sont absolument géniales et uniques.

Une grande découverte manga qui ne peut décevoir (à mon sens :-D)

Et un dossier de bonne facture (je craignais qu'il en révèle trop ou se perdent dans les méandres de cet univers si particulier), j'en suis véritablement ravie.

L'infirmerie ne pourra que conquérir encore plus de coeusr^^

LIN

De LIN [235 Pts], le 12 Mars 2010 à 14h21

19/20

Ce dossier est bien expliquer moi qui connait bien se titre et qui l'ai déjà lu, je trouve que tu fais tu bon boulot, continu. L'infirmerie aprés les cours et sensasionel.

Dam

De Dam [637 Pts], le 12 Mars 2010 à 13h46

19/20

Excellent dossier. Tu as vraiment fait un travail formidable NiDNiM. Cela me donne très envie de lire ce titre, de toute façon j'acheterai tous les titres de Setona Mizushiro. =D

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