Dossier manga - Les Fleurs du Passé
Lecteurs
19/20

Quand Dieu se rit de la réalité

  
En prenant le pari de mettre en scène le mari décédé de Rokka, l’auteure instaure d’emblée une note de fantastique à son récit. Et pendant un moment, cela se limitera à cette situation de triangle amoureux tout à fait unique en son genre. Puis, au fil de la série, cet aspect du titre apparaitra de manière plus prononcée. La chose pourrait se contenter d’être amusante et juste là pour apporter une touche d’originalité mais ça ne sera absolument pas le cas. Au contraire, le côté fantastique des Fleurs du passé sera un élément essentiel à l’auteure pour la mise en place de son intrigue et le développement de ses personnages. En effet, la composante surnaturelle du récit sera avant tout là pour permettre à Haruka Kawachi de mettre au mieux en avant les différentes thématiques de son œuvre et plus particulièrement celle du veuvage. En prenant à la fois le point de vue des vivants et celui des morts, l’auteure offre au lecteur la possibilité d’avoir une vision particulièrement globale de son intrigue et lui donne par la même occasion la chance de pousser la réflexion aussi loin qu’il le désire. Par exemple, là où on reste d’ordinaire dans l’inconnu lorsqu’il est question de la volonté des défunts par rapport à ceux qui subsistent, on aura ici une réponse donnée. Dans le même ordre d’idée, il sera intéressant de constater le décalage qu’il y a entre ce que les vivants ont à dire au sujet de Shimao et la vision qu’en a Hazuki qui a ici la faculté de comparer les deux. Bref, cet aspect fantastique ne sera absolument pas gratuit et offrira des horizons nouveaux à la série, lui permettant de se démarquer des autres récits du même genre de manière encore plus marquée.

Ceci étant, même si les divagations d’Hazuki dans ce monde irréel permettent avant tout de suivre son cheminent intérieur et de prendre pleinement conscience de ce qu’il ressent à l’égard de Rokka, de ce qu’elle même éprouve et des sentiments de Shimao, l’auteure ne va pour autant se priver d’un petit plaisir de temps à autre. Haruka Kawachi va, en effet, mettre en place un monde qui restera relativement simple en apparence mais qui ne manquera pas d’une certaine poésie et qui va aller piocher à gauche à droite dans les mythes et contes populaires pour créer des paysages et des scènes étonnantes et amusantes. Elles viendront égayer le récit et de temps à autre amuser le lecteur mais, par contre, à aucun moment elles le perdront. Et c’est bien là le principal, en réalité. L’ensemble se révélera assez onirique et, par l’intermédiaire d’Hazuki, souvent un poil décalé, le tout pour un résultat la plupart du temps assez savoureux et affichant un charme certain.  Ce côté inattendu de l’œuvre ne fera dès lors que renforcer l’attrait que l’on pourra avoir pour la série en nous offrant quelques surprises, en suscitant notre curiosité et en permettant à chaque protagoniste d’être exploité sous toutes les coutures. Finalement, c’est précisément cela qui rend le côté surnaturel des Fleurs du passé indispensable puisqu’en alliant divertissement et utilité sans jamais prendre le pas sur les thématiques mises en exergue mais, au contraire, en les magnifiant, il aura un rôle majeur dans la réussite globale de l’œuvre.


  
  
  

Graphisme et édition

  
Si la série brillera d’un point de vue scénaristique, elle en fera tout autant au niveau de ses dessins. Avec énormément de sobriété, certes, mais aussi et surtout avec beaucoup d’efficacité. Le trait d’Haruka Kawachi n’est sans doute pas ce qui se fait de mieux en terme de talent pur, mais il convient merveilleusement bien à l’ambiance instaurée dans son récit. D’une certaine manière, il y contribue même grandement. Il s’en dégage une sorte de fragilité qui entre parfaitement en résonance avec les différents personnages qui sont mis en scène, et plus particulièrement avec Rokka. D’ailleurs, pour rester sur les personnages, ceux-ci, bien qu’assez quelconques au niveau de leur apparence, auront chacun un petit quelque chose qui leur donnera un côté unique, immédiatement identifiable. Cela leur permettra d’apparaitre de manière sérieuse, mais non sans être dénués d’un certain cachet. Et l’auteure usera en outre à de nombreuses reprises de gros plans, souvent à propos, pour mettre en avant ses protagonistes et les émotions qui les traversent.

A côté de ça, Haruka Kawachi utilise un style relativement simple et ses planches se veulent la plupart du temps assez épurées, ne se perdant pas dans une multitude de détails qui n’auraient ici aucune valeur ajoutée. Cependant, de temps à autre on retrouve aussi certaines cases plus travaillées, notamment lorsque les compositions florales, toujours très réussies, ou la nature de manière plus générale, sont mises en avant. Et même lorsque le fantastique sera de mise, l’auteure ne se perdra pas dans des fioritures. Tout reste clair et accessible, ne jouant jamais dans la démesure mais plutôt dans l’intimité du moment, ne montrant que l’essentiel et se concentrant toujours et avant tout sur les figures de proue de son récit. Et cela rend, en définitive, les quelques moments davantage contemplatifs encore plus plaisants.

Au niveau de l’édition, Komikku se révèle être tout à fait irréprochable. Le jeune éditeur fournit un travail d’excellente qualité et offre un rapport qualité/prix tout à fait louable. Les couvertures sont du plus bel effet, le papier de bonne qualité et la traduction est de très bonne facture elle aussi. Bref, si l’on prend également en compte leur nez fin grâce auquel ils ont pu dénicher cette petite perle du genre, l’éditeur fait un sans-faute. On sent l’envie de produire quelque chose de qualité et l’objectif est totalement atteint.
  
  

© 2010 by Haruka Kawachi Original cover design / Nawata Kohei design office

Commentaires

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Karakuri

De Karakuri [3516 Pts], le 10 Janvier 2015 à 15h09

19/20

Ah je n'avais pas réagi sur ce dossier alors que je l'ai lu il y a qqs mois, c'est là que je me dis que je devrais poster plus souvent sur ce site.

Une série sublime qui m'a ému comme rarement, et un dossier qui dans mon esprit lui rendait parfaitement hommage. La logique des parties était évidente et on sentait l'amour pour cette série de la personne qui a fait ce dossier !

matenki

De matenki, le 18 Février 2014 à 11h24

18/20

Dossier complet et agréable à lire ! Et il tombe à point nommé juste après la fin de la série. On cerne bien chaque personnage et leur implication dans la série. 

J'espere qu'on aura droit à d'autres séries de l'auteure dans le futur, ce serait bien ! ^o^

Tomoyochan

De Tomoyochan [1700 Pts], le 15 Février 2014 à 13h39

20/20

Tout à fait d'accord avec ce très bon dossier. La série pourtant courte développe une psychologie toute en finesse des personnages. Natsuyuki rendez-vous ne laisse pas indifférent. L'anime est également excellent, de mémoire 10 épisodes, et rend tout à fait justice à l'oeuvre dont elle est tirée. 

L'édition de Komikku est de plus de très bonne facture, notamment les couvertures. Un très bon choix pour cette nouvelle maison d'édition à suivre.

Merci pour ce dossier.

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