Les Fleurs du Passé - Actualité manga
Dossier manga - Les Fleurs du Passé
Lecteurs
19/20

Veuvage


Nous avons vu jusqu’ici que les Fleurs du passé reprenait une thématique des plus classiques, à savoir le fameux triangle amoureux, mais l’auteure met celle-ci dans un point de vue des plus atypiques et pas des plus faciles à traiter pour un manga, il s’agit du veuvage. Quand on pense à ce sujet, on fait de manière générale implicitement le lien avec la tristesse, le drame ou encore la dépression. Ce qui n’est pas faux en soit et c’est pourquoi, il était d’autant plus un défi pour la mangaka d’aborder le veuvage de façon à la fois légère, cohérente ainsi qu’originale par l’intermédiaire du fantastique. Et nous verrons à quel point Haruka Kawachi a su exploiter ce thème dans toute sa complexité tout en gardant un ton juste et loin de la lourdeur.


Le champ de fleurs épanouies


Quand on parle de veuvage, la plupart des gens font directement référence à un futur triste et douloureux mais ils oublient souvent le fait qu’avant la rencontre de la mort, les personnes concernées ont vécu une période précédente des plus vivantes. Rokka et Shimao n’échappent pas non plus à la règle. Avant d’être séparés par la mort, ils ont vécu une période faite de joie et de peine, comme toute vie ici bas. Ainsi notre jeune couple s’était marié rapidement à cause de la maladie de Shimao. Un événement marquant qui entremêle ironiquement la vie présente et la mort à venir. Un moment de leur vie qui aurait pu faire croire à l’un comme à l’autre qu’ils étaient préparés à cette fatalité qu’était la mort future du mari. Pourtant, ils se rendront bien vite compte que toute personne n’est jamais réellement préparée quant au décès d’une autre personne...

Mais avant de mettre en avant cette fin inéluctable, les jeunes mariés profitent au maximum du moment présent et accumulent dès lors les périodes heureuses d’une vie qui, en fin de compte, est ce qu’il y a de plus banal mais beau. Et dans la monotonie du quotidien, chacun construit au fur et à mesure sa place en ce bas monde. Comme le dit si bien Shimao, « quand j’étais enfant, j’ai eu une forte fièvre. Depuis, j’entends mal de l’oreille droite. Alors, elle avait pris l’habitude de marcher sur ma gauche. Sans mot dire, c’était devenu sa place réservée ». Un train train de la vie de tous les jours qui érige des liens forts et indestructibles. Toutefois, malgré les moments d’un présent heureux, il arrive un moment donné où il devient difficile d’éluder totalement la mauvaise ombre de la faux, qui est prête à frapper à tout instant. C’est tellement vrai que Rokka se montrait positive et forte lorsque son mari était malade mais cachait ses faiblesses à celui-ci en tentant vainement de faire perdurer la chimère qu’est la vie.

Et puis... arrive un jour l’heure tant fatidique, qui détruit le peu de choses qui avait été bâti. Toutefois, le couple formé par Rokka et Shimao est le parfait exemple de celui qui a pu et su cueillir dès l’instant les roses de la vie car jamais le temps ne suspend son vol et cette fleur qui s’épanouit aujourd’hui, demain déjà sera flétrie. Il ne restera plus que la réminiscence de ces fleurs d’un temps révolu, tels des souvenirs qui seront choyés ou bien maudits. Rokka et Shimao ont donc bien profité de la période où le champ des fleurs était pleinement épanoui. Mais à présent, qu’en est-il lorsque vient le temps de la fanaison des fleurs ?
  
 
  
  
  

Quand les fleurs fanent


La mort est une chose qui laisse une trace indélébile pour toute personne l’ayant côtoyée. Rokka, à présent jeune veuve, se retrouve à se confronter à la vie en l’absence de son mari. Malgré le fait qu’elle savait que cette fatalité allait tomber à un moment ou à un autre, la veuve se rend bien vite compte que la disparition d’un être cher laisse un profond vide. Un vide dont il va falloir faire avec et s’accoutumer. Chaque personne fait face à sa manière. Dans le cas de Rokka, cette dernière restera une grande nostalgique de Shimao et pense qu’après son mari, elle ne rencontrera plus personne. Elle tente de remplir le vide en reprenant sa boutique de fleurs et en restant veuve, comme si c’était pour elle un moyen de commémorer la personne décédée.

Pourtant, « si on s’en tient à jusqu’à ce que la mort vous sépare... notre mariage est caduc », comme le dit si bien Shimao. D’une certaine façon, cela est vrai. A partir du moment où l’un des mariés décède, le mariage n’est censé ne plus s’appliquer et faire ainsi disparaître tout lien entre les deux individus. Mais comme nous le montre l’exemple de Rokka, même si la mort a tendance à tout emporter, si il y a bien une chose que celle-ci ne prend pas, c’est bel et bien les liens forts construits au fur et à mesure de l’existence. Est-ce un cadeau de consolation ou tout simplement un véritable poison ? Tout dépend de la façon dont les proches gèreront la pression. Il est néanmoins sûr que les souvenirs peuvent être dans un premier temps une véritable plaie, conduisant les personnes vivantes dans l’abîme de la mélancolie, de la tristesse carabinée, de la dépression. Un poison de départ dont Rokka en a bien fait l’expérimentation. Dès le décès de Shimao, cette dernière a été jusqu’à supplier son mari à ce qu’il reste auprès d’elle. Un appel qui serait d’ordinaire passé dans le vent, mais ce ne fut pas le cas dans les Fleurs du passé. Rokka ne pensait simplement qu’à une chose d’une certaine manière : « Je ne veux même pas choisir les fleurs funéraires, je veux juste rester près de toi ».

On pourrait dès lors se demander qui souffre le plus entre celui qui part et celui qui reste ? Par rapport à notre point de vue de personnes toujours en vie, on aurait tendance à dire, surtout après ce qui a été susmentionné, que c’est celui qui reste dont la souffrance est la plus à vive. Cependant, Haruka Kawachi nous démontre bien à travers son œuvre qu’il reste une équation qui sera, dans encore bien longtemps, irrésolue pour tout vivant, à moins de mourir en personne, à savoir le point de vue de la mort. Ainsi, l’auteure ne peut qu’imaginer quelle serait la réponse de celui qui part en nous montrant à quel point Shimao souffre en ne pouvant rien faire et laisser sa femme à sa propre douleur et solitude.
Cette période où les fleurs fanent est un moment tout ce qu’il y a de plus attristant et où le chagrin est le maître mot dans une vie qui vous est devenue bien fade. Pourtant, il existe un instant où les bourgeons ont la possibilité de refaire surface. Tout dépend néanmoins de la personne et des aléas de la vie ? La vie peut tout nous reprendre, tout comme elle peut nous donner un second souffle.
  
  
  
  
  

Le retour des bourgeons


La phase du renouveau est justement la question auquel le lecteur sera confronté tout au long de la parution des Fleurs du passé. L’arrivée d’Hazuki est-il celui qui fera renaître les bourgeons au sein du cœur-même de Rokka. Il est clair que dès le départ, il ne sera pas facile pour notre nouveau venu de faire revenir le printemps, surtout lorsque Rokka vit sa vie mais tout en laissant planer indéfiniment l’ombre de son mari sur elle.  Hazuki, de son côté, ne désespère pas. Il a eu le coup de foudre pour elle et travaille depuis quelques mois dans sa boutique de fleurs.

Notre héros fera donc tout pour essayer de gagner ce cœur meurtri et il sait qu’il devra redoubler d’efforts. Toutefois, la chose ne sera pas des plus aisées. La veuve a fini avec le temps par s’acclimater à sa condition de veuvage et s’est en restant occupé, notamment dans la boutique de son mari, qu’elle a su en partie se dépêtrer du poids de la perte, tout en restant enchaîné partiellement. Et c’est justement ce reste de chaînes qu’Hazuki tente de détruire et de libérer Rokka par la même occasion. Notre héros se rendra finalement vite compte hélas que tout dépendra de la jeune veuve. « Mes mains sont capables de labourer la terre. Elles peuvent planter des arbres et semer des graines. Elles peuvent aussi porter la chef. Mais à l’avenir, arriverai-je à la faire sourire ? »

Pourtant, Rokka ne semble pas être insensible au charme du jeune loup, même Miho (sa belle-sœur) la pousse à aller voir ailleurs et à profiter de la vie, comme il est si bien dit,  « La vie est courte, soyez amoureuses, jeunes filles (fleurs) ». Et ce sera au lecteur à poursuivre sa lecture pour pouvoir savoir si le retour des bourgeons aura bel et bien lieu.
 
 

© 2010 by Haruka Kawachi Original cover design / Nawata Kohei design office

Commentaires

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Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 10 Janvier 2015 à 15h09

19/20

Ah je n'avais pas réagi sur ce dossier alors que je l'ai lu il y a qqs mois, c'est là que je me dis que je devrais poster plus souvent sur ce site.

Une série sublime qui m'a ému comme rarement, et un dossier qui dans mon esprit lui rendait parfaitement hommage. La logique des parties était évidente et on sentait l'amour pour cette série de la personne qui a fait ce dossier !

matenki

De matenki, le 18 Février 2014 à 11h24

18/20

Dossier complet et agréable à lire ! Et il tombe à point nommé juste après la fin de la série. On cerne bien chaque personnage et leur implication dans la série. 

J'espere qu'on aura droit à d'autres séries de l'auteure dans le futur, ce serait bien ! ^o^

Tomoyochan

De Tomoyochan [1626 Pts], le 15 Février 2014 à 13h39

20/20

Tout à fait d'accord avec ce très bon dossier. La série pourtant courte développe une psychologie toute en finesse des personnages. Natsuyuki rendez-vous ne laisse pas indifférent. L'anime est également excellent, de mémoire 10 épisodes, et rend tout à fait justice à l'oeuvre dont elle est tirée. 

L'édition de Komikku est de plus de très bonne facture, notamment les couvertures. Un très bon choix pour cette nouvelle maison d'édition à suivre.

Merci pour ce dossier.

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