Le voyage dans les mangas - Actualité manga
Dossier manga - Le voyage dans les mangas

Du bonheur à la tragédie


Voyager serait synonyme de bonheur, quand bien même celui-ci est éphémère. Difficile de se prononcer, néanmoins il est certain que le voyage est un isolement pour les amoureux. Une façon de fuir leur quotidien, de se détacher de leurs problèmes et donc de s’en libérer, de prendre un nouveau départ. Cela ne s’applique pas qu’aux couples, c’est aussi le cas des départs en vacances entre amis ou en famille. Ou alors même du voyage scolaire que l’on retrouve dans beaucoup de mangas. Si cette routine scolaire brisée pour le plus grand plaisir des gamins peut être l’occasion de visiter une ville comme Kyoto, les élèves font souvent route vers les plages d’Okinawa comme c’est le cas dans GTO. Le voyage scolaire est donc l’occasion pour les personnages de passer du bon temps ensemble, d’oublier, ou presque, leurs soucis quotidiens et surtout de se rapprocher à travers des activités allant de la baignade aux jeux qui font peur. C’est de cette manière que Noboru se rapproche d’Anko, alors que celle-ci passait son temps à le harceler à l’école. Enfin seuls et donc isolés, les personnages se découvrent autrement jusqu’à se venir en aide. Le voyage leur permet de mettre de côté leurs a priori et leur image sociale en leur offrant un nouveau départ.



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MAIWAI @ MINETARO MOCHIZUKI / Kodansha Ltd.




Mais ce nouveau départ peut être de courte durée. Car les mangas racontent aussi des voyages scolaires qui tournent mal. C’est le cas de Dragon Head, auquel Nana Komatsu fait référence au début du manga d’Ai Yazawa lorsqu’elle rencontre justement Nana Ôsaki pour la première fois dans un train pour Tokyo. Au départ du manga de Minetarô Mochizuki, un train déraille dans un tunnel. À bord de celui-ci, on retrouve des élèves de Tokyo en excursion scolaire mais seuls trois ont survécu. Ils vivent coincés dans ce tunnel et gèrent à leur manière la peur. L’un se donne du courage, l’autre s’endort comme si c’était un mécanisme de défense et enfin le troisième sombre dans la folie. Penser à sa propre survie ou s’entraider, un choix moral s’impose dans cette situation extrême. C’est d’ailleurs quelque chose que l’on retrouve dans le manga Battle Royale adapté du roman éponyme. À la base de ce jeu de survie où des étudiants doivent s’entretuer jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, on trouve un voyage. Les élèves partent en excursion scolaire, ils sont censés vivre un moment fort de leur adolescence. Mais ils sont trompés. Du gaz les endort dans le bus alors qu’ils sont encore insouciants. Ils ne se réveillent que plus tard, enfermés dans une salle insalubre, face à la terrible réalité qu’est ce programme morbide symbolisant la compétitivité de la société instaurée dès l’école.

L’horreur et le voyage font bon ménage, et ce n’est pas étonnant que l’on retrouve ce thème dans de nombreux mangas de Junji Itô de Gyo à Spirale, en passant par Les fruits sanglants, La ville sans rue, Sensor, L'énigme de la faille d'Amigara et tant d’autres histoires d'épouvante. Un retour dans son village d’enfance, un séjour en amoureux, un déplacement vers un lieu qui nous attire étrangement, le basculement vers l’horreur peut surgir de partout chez Junji Itô, et surtout de l’inconnu. Dans un endroit que l’on ne connaît pas, ou alors que l’on aurait partiellement oublié, la peur est décuplée. En effet, le personnage n’a aucun repère connu où s’agripper dans sa chute, ce qui la rend d’autant plus vertigineuse. Ce manque de repère à la fois géographique et humain se reflète sur le lecteur subissant de plein fouet l’angoisse vécue par le protagoniste. Il s’agit d’un phénomène qui tend à rendre la peur encore plus palpable. De plus, le fait d’éloigner un personnage de chez lui permet une identification plus facile à ce dernier et par conséquent à ce qu’il s’apprête à vivre. L’auteur dessine cela tout en rendant l’étrangeté plus crédible lorsqu’elle se déroule loin du chemin quotidien. Les petits villages, la campagne, les forêts ou encore la montagne sont autant de lieux inhabituels mais à la portée de tous dans lesquels Junji Itô fait se dérouler ses plus terrifiants mangas.



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UZUMAKI by Junji ITO © 1998 by Junji ITO/SHOGAKUKAN Inc.




Le voyage est très présent dans les contes folkloriques japonais, de celui de la Princesse Kaguya à celui de Tarô Urashima. Des légendes qui inspirent des artistes les revisitant à travers des scènes précises comme dans Moonlight Act ou alors même au sein d’une œuvre complète comme c’est le cas de la série Princesse Kaguya de Reiko Shimizu. Dans Voyage à Uroshima, Yôji Fukuyama revisite très librement l’histoire de Tarô Urashima en dessinant le périple d’un homme arrivant dans un village où les habitants ont des mœurs légères. Un étrange voyage à mi-chemin entre le folklore et l’onirisme, mettant de côté tout esprit de pudeur, dans lequel le protagoniste se laisse peu à peu aspirer jusqu’à devenir prisonnier de ses pulsions primaires. En découle une fable vers l’irréel à travers laquelle l’auteur parle de notre société, de sexualité ou encore du temps qui passe. Sans aller du côté du voyage dans le temps comme dans Quartier Lointain ou du changement d’univers à la Inu-Yasha tant ils abordent des problématiques différentes, le voyage dans le manga permet aussi de questionner notre monde à travers le prisme de l’imaginaire.
  


Commentaires

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Cm17

De Cm17, le 25 Février 2023 à 18h34

Bravo jojo81 pour ce dossier qui m'a fait voyager au travers des mangas cités, des idées qu'ils transportent ou veulent suggérées .

Le voyage comme un but, un moyen, un lien ou une opportunité !

Beau travail! Bravo! 👍

🤗

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