La vie avant la mort - Actualité manga
Dossier manga - La vie avant la mort

Le cas de l'immortalité


Je dois dire... Que l'immortalité est un sujet qui me pose beaucoup question. Cette dernière est souvent abordée de deux manières. La première : le personnage que l'on suit est immortel et il perçoit sa condition comme une sorte de malédiction car il est condamné à voir éternellement mourir son entourage avant lui. Deuxième cas de figure : le personnage souhaite devenir immortel, souvent pour acquérir du pouvoir, pour échapper à la mort... Dans le premier cas, ce sont souvent des protagonistes, tandis que dans le deuxième, ce sont plutôt des antagonistes. Petits exemples pour le premier : « Gilgamesh » chez Koyohan, « To your eternity » chez Pika ou encore « Frieren » chez Ki-oon. Et oui, je sais, Frieren n'est pas immortelle. Elle vieillit beaucoup plus lentement, ce qui fait qu'on se retrouve plus ou moins avec les mêmes problématiques. Frieren est un personnage presque apathique qui n'arrive pas vraiment à comprendre les émotions de ses compagnons. Et c'est la mort de l'un d'entre eux qui la poussera à se questionner sur la vie. Pour ce qui de l'immortel de « Gilgamesh », il fut obligé de fragmenter sa propre mémoire pour ne pas perdre ses connaissances et au début de l'histoire, on le retrouve simplement immobile sur un rocher. A attendre que le temps passe, coincé dans sa condition, à ne plus savoir quoi faire de sa vie infinie, qu'il vit comme une véritable malédiction. L'arrivée de l'héroïne le remettra en mouvement et le poussera à renouer avec son passé, mais pour quel résultat ? Un retour à son apathie une fois le travail accompli, un moyen d'achever sa vie ou tout simplement un nouveau départ ? Enfin, dans le cas de « To Your Eternity », Imm ne se posera pas ces questions tout de suite. Il finira par y arriver, mais c'est un personnage que l'on suit dès le début de son existence. Qui sera dans un premier temps dans une phase d'apprentissage, et qui apprendra à être humain avant d'apprendre à avoir peur de la mort et aussi de la vie. Cette vie qui le pousse à côtoyer toujours plus de personnes, mais aussi à leur dire adieu, sans cesse.


Frieren.


Passons maintenant au deuxième cas de figure : les personnages qui recherchent l'immortalité. Bon, on peut prendre l'antagoniste le plus célèbre dans ce cas : Orochimaru de Naruto. Celui qui a voulu transcender la mort en s'échappant de son enveloppe mortelle en se servant des arts ninjas et de quelques cobayes. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Voldemort en le revoyant. Mais dans ce genre d'antagoniste cherchant l'immortalité, on en a un autre qui n'est pas mal non plus. Oui, je vais devoir parler de la pire ordure tout manga confondu. Un antagoniste dont j'ai deviné très rapidement la nature. Je veux parler bien sûr de Howard Mckenzie de Lastman.


Alors lui... Comment le décrire ? Un petit c** arrogant qui n'hésitera pas à sacrifier son frère et sa protégée pour accéder au monde de magie dont il a toujours rêvé. Et ensuite, il rencontre Marianne, une jeune femme remarquable qui le choisira comme compagnon. Il deviendra le père de son fils, mais décidera que ses recherches magiques seront plus importantes que sa famille et il deviendra une sorte de mage corrompu bizarre. Enfin, alors qu'il revient des enfers (où je ne sais pas quoi), il découvre que la femme qu'il avait abandonnée est morte et il décide de détruire tout un royaume pour en pomper l'énergie, ressusciter Marianne et contrôler son fils Adrian pour reconstruire sa petite famille idéale.


Par où commencer ? Oui, peut-être par pourquoi je le déteste autant ? C'est simple, c'est un des antagonistes qui assume le moins ses actes. Il se sert de tout le monde pour corriger ses propres idioties, et c'est fou, mais ces gens meurent à cause de lui. Et est-ce qu'il se remet en question ? Non. Au contraire, la vie lui offre une seconde chance après qu'il ait réalisé sont rêve. Il se voit offrir une famille sur plateau d'argent et il décide de rester dans ses petits désirs égoïstes. Et quand môssieur se souvient qu'il a une famille... Ah, c'est bête, elle est détruite. Dans ce cas là, n'importe qui se remettrait en question mais pas lui. Il décide de pousser un peu plus la stupidité en détruisant un monde pour reconstruire ce qu'il avait délaissé pour ses petits plaisirs personnels. Je suis désolée, mais comment le respecter ? C'est impossible. Au moins, Orochimaru assumait le fait qu'il était un enfoiré. Howard est juste un lâche qui n'assume jamais rien.


Howard de Lastman.


Et j'avoue que là, moi j'ai du mal à saisir qu'on puisse vouloir devenir immortel. Je ne sais pas si c'est pour cela que la place de ce genre de personnages est souvent en tant qu'antagoniste du coup. Car vouloir devenir immortel pour transcender la mort est une drôle d'idée. Je vais prendre mon cas personnel pour exemple : je suis encore jeune et ne le cachons pas, j'ai une certaine peur de la mort par instant. Une petite angoisse qui va pointer de temps en temps. Mais c'est parce que je suis encore jeune, que je n'ai vécue grand chose. Mais je sais déjà que je ne serais plus dans le même état d'esprit dans 10, 20ans, tout comme je ne suis plus dans le même état d'esprit qu'il y a 10 ans sur cette question. Je sais déjà par avance qu'à un certain moment dans ma vie, je l'accueillerais avec plus de sérénité. Je ne sais pas si la peur aura disparu, mais atténuée, ça j'en suis quasiment sûr.


Et, autre petite chose... Si on peut profiter autant de la vie, n'est-ce pas justement parce que l'on a conscience que la mort existe ? Si l'on était immortel, est-ce que la vie ne perdrait pas de saveur ? Surtout en sachant qu'on serait condamner à une forme de solitude.


C'est pour ça que j'ai du mal à comprendre ce genre d'antagonistes. Je trouve leurs motivations assez fortes narrativement parlant mais ce ne sont pas du tout le genre d'antagonistes pour lesquels j'ai la moindre empathie.


Là où cela devient aussi intéressant, c'est dans les séries de science fiction où les personnages abandonnent leur corps d'humain pour migrer vers des corps robotiques, robotisés. Une certaine forme d’immortalité qui lie autant cette question à celle du progrès scientifique. Doit on chercher à tout pris le progrès ? Et comme je l'ai dit plus tôt, l'immortalité est-elle quelque chose que l'on doit chercher ? Eden - It's an Endless World ! posait un peu cette question au travers du personnage de Sofia. Elle a transféré son cerveau dans un corps robotique et on sait dès le début du récit qu'elle aura perdu de nombreux enfants.


Eden.


La question du progrès scientifique ici, pouvant apporter l'immortalité, sous entend que cette immortalité peut être démocratisée, c'est à dire qu'elle enlèverait l'éventualité d'être dans cette solitude du survivant. Ça ne résout pas toutes les questions posées par cette problématique, mais ça la rend plus acceptable sur certains points. En tout cas, ce sont des questions qui viendront tôt ou tard sur le tapis dans la réalité. On voit déjà de nombreux riches américains se cryogéniser (avec quelle efficacité, ça reste encore à prouver...) dans l'espoir de pouvoir se « réveiller » dans un futur pouvant transcender les maladies et autres faiblesses du corps... à voir donc !



Commentaires

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Hurleguerre

De Hurleguerre, le 11 Juin 2022 à 00h41

Le sujet est bien traité, sauf pour un point : l'immortalité est présenté de façon trés partial, comme quel chose d'obligatoirement négatif. C'est le cas dans ce dossier comme dans tout les mangas, sans exception (ou alors je n'en ai pas vue).

Nous trouvons des excuses à la mort parce qu'elle a toujours été là, tout comme nous trouvons des excuses à toutes sortes de traditions malsaines simplement parce qu'elles sont entrées dans les habitudes et que les gens n'aiment pas le changement. Accepter la fatalité a été l'excuse brandie par le christianisme pour rejeter la médecine pendant des siècles. Si l'immortalité est une possibilité accessible et qu'on mêne une vie satisfaisante, il n'y a rien de mal a vouloir la prolongée autant que possible.

Voq

De Voq [678 Pts], le 30 Mai 2022 à 23h58

Vaste sujet, qui induit de multiples pistes de réflexion, et qu'on retrouve très souvent dans les œuvres de fiction. Mais effectivement, certains types de récits le placent au centre de leurs préoccupations. J'ai beau ne connaître que les titres de la plupart des œuvres évoquées dans le dossier, les thématiques abordées sont universelles.

Rien que l'idée d'aimer la vie tant qu'on le peut touche tout un chacun. Mais pour en faire l'enjeu d'une histoire, le « tant qu'on le peut » devient une échéance concrète et dont le personnage a conscience plutôt qu'un futur indéterminé.
Cela peut venir d'un danger mortel, qui remet en cause la façon dont on a vécu jusque-là et ouvre la perspective de mieux profiter de la vie à l'avenir si jamais on arrive à s'en sortir, ou dans certains cas donne l'impression de vivre plus intensément lorsqu'on côtoie la mort. Ce sont des choses que l'on retrouve par exemple dans le genre survival.
Mais si l'on préfère aborder le sujet à travers le drame ou la romance, pour avoir une mort proche (qu'elle soit certaine ou non), c'est bien souvent le thème de la maladie qui va s'imposer. Mettons ça dans le cadre d'une œuvre à destination d'un public ado / jeune adulte, ajoutons le côté très codifié des mangas, et nous voilà face à des titres qui semblent avoir tous le même pitch de base, et un traitement très similaire. Avec une jeune fille dans le rôle-clé parce que... le public s'attache plus facilement à une fille ? (C'est une généralisation très grossière mais un lecteur masculin va plus facilement s'identifier au garçon lambda qui tombe amoureux de cette fille, et ainsi être touché par l'histoire, que si les rôles étaient inversés).
Pour ma part, ce type d'histoire ne fait pas spécialement ressortir mon côté troll, je vais juste passer mon chemin s'il n'y a pas au moins un élément pour m'intriguer / attirer mon attention. 300 jours avec toi, je ne suis pas allé plus loin que l'annonce du manga, je ne l'ai même pas feuilleté en librairie. En revanche, j'ai lu le light novel Ce qu'il reste de nos souvenirs, où l'affection touche la mémoire et donc où vivre une vie de lycéenne normale est un peu plus compliqué que de faire bonne figure devant les camarades, en plus de laisser le champ libre pour certaines révélations concernant le passé (même si le traitement de fond reste très classique). J'ai aussi acheté le LN Je veux manger ton pancréas juste parce que j'aimais bien le titre, haha (mais je ne l'ai pas encore lu).
Sinon, pour garder l'idée de vivre à fond avant une mort proche mais en évitant le coup de la maladie, j'ai trouvé beaucoup plus intéressant Pour trois jours de bonheur de Sugaru Miaki (Le prix du reste de ma vie pour la version manga) où, face à la perspective d'une existence dénuée de valeur, le héros choisit de vendre son espérance de vie pour n'en garder que trois mois. Bien qu'on entre là dans le domaine du fantastique, le fond de l'histoire ne repose pas du tout sur ce commerce d'espérance de vie mais bien sur le fait d'apprendre à profiter du peu de temps qu'il lui reste.

*

Concernant le thème de l'immortalité, s'il s'agit d'une immortalité individuelle, exceptionnelle, on a effectivement une distinction entre celle déjà en place et celle qui représente un but à atteindre.

Dans le premier cas, un personnage immortel et satisfait de son existence aura difficilement une grande valeur narrative, à moins qu'il s'agisse d'un ennemi à abattre, genre créature légendaire ou dieu maléfique. Un immortel satisfait de sa condition et bienveillant (ou indifférent) ferait plus office de divinité qui pourrait intervenir de manière sporadique, sans occuper de place centrale dans le récit, sinon où seraient les enjeux ?
À l'inverse, avec un personnage qui voit l'immortalité comme une malédiction (solitude, lassitude...), on peut véritablement mener une histoire ; c'est une idée que l'on retrouve parfois aussi associée au mythe du vampire : je pense par exemple au personnage de Kiss-Shot Acerola Orion Heart-under-Blade de la saga Bakemonogatari (plus spécifiquement Kizumonogatari). Avec ce traitement de l'immortalité, on bénéficie en plus d'une certaine valeur morale : la vie finit par perdre tout son sens si elle se poursuit indéfiniment (la vie avant la mort plutôt que la vie sans la mort) ; quelque part, là où l'humain peut voir sa mortalité comme une malédiction, il s'agit d'adopter un autre point de vue afin de renverser cette conception.
Après, certaines histoires ne s'encombrent pas d'une telle morale : dans la toute récente Anthologie 17-21 de Tatsuki Fujimoto, par exemple, on peut croiser un immortel qui n'aspire qu'à mourir au début du récit, une idée qu'il délaisse lorsque sont rompus la solitude et l'ennui.

Maintenant, si l'immortalité n'est plus une donnée mais un but à atteindre, les enjeux sont différents.
Tellement de choses à découvrir, à accomplir, comment une seule vie pourrait-elle suffire ? Tout en restant de l'ordre du pur fantasme, l'idée ne manque pas d'attrait à mes yeux... si l'on oublie de penser à très long terme (d'ailleurs, quand on pense aux personnages immortels qui voient leur condition comme un fardeau, c'est généralement après une très longue existence, l'équivalent de plusieurs vies humaines).
Partant de là, est-ce que j'ai envie de lire l'histoire d'une personne en quête de vie éternelle, qui réussit et qui vit éternellement heureuse ? Pas sûr que ce soit bien passionnant, ni satisfaisant du point de vue du lecteur. Non, les protagonistes sont plutôt du genre à renoncer à l'immortalité quand ils prennent conscience du prix à payer, et c'est effectivement l'apanage des antagonistes d'être prêts à tout pour atteindre ce but, surtout si la mégalomanie s'en mêle (quelque part, devenir immortel revient à devenir un dieu). C'est toujours assez ironique de voir des personnages gâcher leur vie dans un vain espoir de la prolonger.

Quant à l'idée d'une immortalité collective, démocratisée, c'est un peu l'aboutissement de la médecine : la mort n'est plus seulement repoussée, elle est véritablement vaincue. Ce qui mène à tout un tas d'autres problèmes. Je m'éloigne de la pop culture japonaise (ainsi que des romans américains ;-) ), mais je trouve fascinante la façon dont est traitée cette idée dans Futu.re de Dmitry Glukhovsky, notamment à travers la « loi du choix » imposée par la surpopulation : pour être autorisé à avoir un enfant, l'un des parents doit perdre son immortalité.

*

Avec le sujet de la médecine, on fait passer la vie avant la mort non plus d'un point de vue individuel, mais altruiste (enfin, dans la théorie, mais je ne vais pas commencer à m'attarder sur l'idée de soigner quelqu'un / sauver une vie par pur intérêt personnel).
Et là, je dois dire que je ne suis pas spécialement adepte des séries médicales, donc pas connaisseur non plus. Mais parfois, je trouve la position de médecin de certains personnages particulièrement intéressante. Alors oui, je pense aussi à un certain personnage quand il renoue avec son père chirurgien dans le quatrième tome d'une certaine série de romans, mais pour rester coté mangas (ou y revenir), je vais plutôt citer Monster où, au-delà de certaines décisions hiérarchiques contestables d'un point de vue humain, une vocation est remise en cause quand une vie sauvée se révèle un monstre qui répand la mort.

*

Et enfin à propos du suicide j'ai encore envie de faire encore un écart en évoquant Le magasin des suicides de Jean Teulé, mais je ne voudrais pas finir complètement hors-sujet vis-à-vis du site (et oui, c'est carrément un moyen détourné de le mentionner quand même).
Outre les appels de détresse de personnages qui finiront sauvés (on en trouve aussi dans GTO, qui n'oublie alors pas la gravité d'un tel acte malgré le ton humoristique de la série et l'exubérance de son protagoniste), on rencontre aussi des suicides réussis, qui, plus qu'un élément dramatique, font alors office de révélateur (d'un point de vue scénaristique). Dans Many Reasons Why, le suicide d'une collégienne qui semblait avoir tout pour elle est un point de départ qui va faire éclater les tensions et exposer les faux semblants qui jusqu'alors donnaient l'impression d'une existence paisible et heureuse. Dans un autre ordre d'idées, Parasites Amoureux (tiens, j'ai déjà parlé de Sugaru Miaki plus haut) nous interroge sur l'idée d'un bonheur de marionnette, induit par un parasite, et c'est paradoxalement un suicide qui va révéler la part de choix personnel, de réalité dans ce bonheur.


Bref, énormément de choses à dire sur tout ça, et rien d'étonnant à ce qu'autant d'œuvres de toutes origines abordent ce(s) sujet(s), même s'il ne faut pas oublier qu'elles répondent à des impératifs scénaristiques. En tout cas, chacun aura ses références en la matière, qui, aussi différentes qu'elles soient, pourront se rejoindre dans leurs interrogations ou dans les idées véhiculées.
Pour ma part, je vais m'arrêter sur cette citation hautement philosophique (et pas du tout japonaise, une fois de plus) :
Always look on the bright side of life *whistle*

Voq

De Voq [678 Pts], le 27 Mai 2022 à 09h57

Life before death.


Strength before weakness.
Journey before destination.

Excellente référence !
(Bon par contre je viendrai lire le dossier plus tard, là je n'ai pas le temps.)

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