Kei Toume - Actualité manga
Dossier manga - Kei Toume
Lecteurs
20/20

Un style à part

 

Modèle de sobriété

Le style graphique de Kei Toume se définit très facilement: sobriété, efficacité. Mais, s'il y a nombre de mangakas capables de rester sobres, ceux qui parviennent, sans user d'artifices, à transmettre des émotions folles aux lecteurs se comptent sur les doigts d'une main. Et Kei Toume fait bien évidemment partie de ceux-là. Elle ne s'encombre pas de fioritures et ne tente aucune fantaisie qui contrasterait d'ailleurs fortement avec le contenu de ses livres. A l'image de son découpage, toujours très simple et classique, elle sait ne jamais trop en faire, se contentant de plans souvent rapprochés sur les personnages, des quelques plongées ça et là histoire d'apporter un peu de variété, le décor disparait également de temps en temps afin d'appuyer les dialogues ou de focaliser l'attention sur une personne et puis c'est tout. Volonté de la part de Toume, très certainement. Maintenant, il faut aussi reconnaitre que des scènes d'action virevoltantes et électrisées, ce n'est franchement pas sa tasse de thé. Il suffit de lire Zero pour s'en convaincre. Elle y multiplie les courses poursuites sans âme et des affrontements entre humains et robots-ménagers devenus fous sans la moindre intensité. Heureusement pour elle, son talent s'oriente nettement plus vers des récits statiques que vers de grandes épopées épiques. Du coup, ces défauts n'ont qu'une importance toute relative.

Mais là où l'auteur fait vraiment fort, très fort, c'est dans la puissance qui se dégage de certaines scènes. Pourtant, encore une fois, son trait n'est pas des plus expressifs. Les visages des personnages sont souvent figés et maussades. Mais, malgré tout, il s'en dégage un raz-de-marée d'émotions absolument stupéfiant. Certains passages, je pense par exemple à la fin des volumes 4 et 5 de Sing "Yesterday" for me ou à la "vrai" fin des Lamentations de l'agneau ( ceux qui ont lu la série devraient aisément comprendre ce que je veux dire par là ), sont juste mémorables. Que dis-je, fabuleux ! Ces images, pourtant simples, viennent se graver au plus profond de notre être et rien ne pourra les en déloger. De même, il est vraiment difficile de sortir indemne de la lecture d'une de ses séries. Tant elles provoquent en nous des remous auxquels on ne s'attendaient pas et dont on ne se rend compte qu'une fois le livre refermé. C'est dans ces moments-là qu'on se dit que le manga en tant qu'art prend vraiment tout son sens.

Enfin, si Kei Toume se plait à apporter quelques touches de fantastique à certaines de ses histoires, cela reste toujours secondaire et n'entrave en rien la série quand il s'agit de nous offrir ce qu'elle a de mieux, à savoir l'aspect tranche-de-vie qui ressort systématiquement. Dans les lamentations de l'agneau, par exemple, on ne se retrouve pas du tout face à une histoire de vampires classique. Toume explique d'ailleurs qu'elle souhaitait à tout prix limiter au maximum des scènes incontournables du genre telles que les morsures. Dans les dessins non plus, cela ne se ressent pas outre mesure. Les Takashiro n'ont aucun signe distinctif par rapport à leur maladie, et certainement pas des canines acérées. Dans Luno, Zeta, une fois revenue à la vie, conserve son apparence humaine, elle ne se transforme pas en un zombie totalement improbable dans le contexte du récit. D'un autre côté, cela joue à son désavantage dans une série comme Les mystères de Taisho où, pour une fois, elle se place dans un genre policier qu'on ne lui connaissait pas. Si les phases posées sont toujours efficaces, cela manque cependant cruellement de rythme, de surprises et de retournements de situations que pour arriver à passionner.
    
   
  
   
 

Des détails récurrents

En se baladant d'une oeuvre à l'autre de Toume, on risque de rapidement retrouver certains points communs entre elles. S'il peut s'agir de petits détails relativement anecdotiques, ce n'est pas toujours le cas pour autant. Au niveau de l'apparence des personnages, notamment, on retrouve de nombreuses similitudes d'une série à l'autre. Zeta, par exemple, ressemble drôlement à Shizuna. Haru et Yo ont elles aussi tendance à se ressembler. Et je ne parle même pas des cas Kinoshita qui sont juste parfaitement semblables à quelques années près. Kei Toume dit d'ailleurs elle-même qu'ils sont frères. Dans le même ordre d'idée, on retrouvera généralement, parmi les principaux personnages, une jeune fille aux cheveux courts au caractère un brin particulier et une autre aux cheveux longs dégageant beaucoup d'élégance tout en restant plus discrète. Les parents archéologues sont également une constante.

Le milieu scolaire revient lui aussi très souvent, qu'il soit placé au premier plan ou non dans l'univers de la série. Et ce n'est en fait pas étonnant par rapport à tout ce que l'on a déjà pu expliquer précédemment. Autre environnement que l'on pourra voir et revoir : les espaces traditionnels japonais. L'auteur apprécie beaucoup les anciens bâtiments et ne s'en cache pas. En outre, elle n'hésite pas non plus à dessiner de nombreux yukatas lorsque l'occasion se présente, comme je l'avais déjà évoqué dans sa biographie. Dans les mystères de Taisho, cet amour pour les traditions est tangible de manière presque surfaite. J'ai bien dit presque car, en définitive, cela ne gâche en rien la lecture. Bref, voila toute une série de petits détails bénins s'ils sont pris individuellement mais qui, mis ensemble, donnent encore un peu plus d'âme aux oeuvres de Toume.
    
  
  
  
  

Mise en abyme perpétuelle

Enfin, dernier élément que l'on retrouve très souvent chez Toume: l'art. Yo dans Les lamentations de l'agneau est membre du club de peinture, pareil pour Rui dans Sing "Yesterday" for me. Dans les mystères de Taisho, plusieurs affaires sont liées de près ou de loin à la peinture ou au dessin également. Faut-il y voir là une volonté anodine de promouvoir encore un peu plus son métier de la part de l'auteur ou bien une certaine mise en abyme d'elle même à travers ces différents personnages ? En tous cas, il est certain que chacun de ceux-ci ont été tout particulièrement soignés et viennent souvent délivrer un message au lecteur. Quelque part, cela permet peut-être aussi à Toume de montrer qu'elle reste elle aussi humaine, qu'elle a ses périodes de doutes, ses périodes de gaieté. Et que, au final, l'art lui aura énormément apporté, quoi qu'il arrive par la suite.
  
 

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Commentaires

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asami

De asami [1111 Pts], le 14 Avril 2012 à 23h24

Très bon dossier ! J'ai adoré les lamentations de l'agneau, et maintenant je commence à lire Sing Yesterday for me que j'aime aussi.

JohnDoe

De JohnDoe [598 Pts], le 06 Septembre 2011 à 20h05

20/20

Superbe dossier qui expose bien les très grandes qualités de Kei Toume, mangaka dont j'apprécie les oeuvres de plus en plus.

Mimisao

De Mimisao [119 Pts], le 24 Février 2011 à 21h59

Un excellent dossier, sur une mangaka peu connue, et un genre qui n'est pas le plus apprecié et le plus édité : je me souviens encore la galère que j'ai vécue pour acheter les Sing Yesterday for Me ! Je n'ai lu que trois de ses oeuvres (SYFM, Luno et les Lamentations de l'Agneau), et je suis toujours aussi étonnée par sa capacité à transmettre autant d'émotions avec autant de simplicité. Et je salue son talent pour changer de cadre, d'époque, d'univers : une telle diversité est précieuse ^^ !

Merci encore pour ces analyses très intéressantes !

jojo81

De jojo81 [7209 Pts], le 05 Février 2011 à 01h58

20/20

Super dossier. Kei Toume est une auteure qui me tient particulièrement à coeur ne serait ce parce que la lecture de Kuro Gane dans le magazine Kameha est l'un de mes tous premiers souvenirs de lecteur de manga (avec Zed puis Dragon Ball évidemment ^^). J'ai particulièrement adoré Les lamentations de l'agneau. Une oeuvre remarquable, pas surjouée. Aucune scène n'est de trop. J'ai justement trouvé Déviances en occasion aujourd'hui et j'ai hésité à me prendre le one shot. La semaine prochaine devrait être la bonne ^^

Et je n'ai toujours pas lu Sing "Yesterday" for me... ><;

Bravo pour le dossier, et lisez Kei Toume !

Cag

De Cag, le 04 Février 2011 à 18h23

20/20

Sans doute l'une de mes auteure favorite. J'adore "Sing Yesterday for me"

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