Kei Toume - Actualité manga
Dossier manga - Kei Toume
Lecteurs
20/20

Une farandole de portraits

 
Maintenant que l'on a pu se familiariser avec les grandes lignes directrices que suit Kei Toume dans la réalisation de ces différentes oeuvres, nous allons nous pencher plus en détail sur les protagonistes qui les peuplent. Et, étant donné l'aspect très tranche de vie de ses récits, ils sont diablement importants. Si j'ai déjà largement parlé des actions et des réactions de certains d'entre eux, je vais cette fois-ci m'attarder davantage sur les caractéristiques de tous ces personnages, sur leur origine, l'évolution très marquée de l'auteur dans sa capacité à leur donner une réelle profondeur au fur et à mesure de sa carrière, et la diversité dont elle fait preuve.
 
 

Mon rêve d'antistar

L'un des principaux traits de caractère qu'elle se plait à donner et dont on prend conscience très rapidement est évident le grand réalisme dont font preuve chacun et chacune. Il n'y a pas de génies dans l'univers de Kei Toume, pas de personne éprise d'une soudaine grandiloquence, d'une exacerbation démesurée de soi-même. Chacun connait ses limites, ne se lance pas dans des entreprises où la réussite n'est qu'illusoire. Qu'il s'agisse de Rikuo, de Kazuna, ou encore d'Haruka, aucun d'entre eux ne cherche à imposer au lecteur son statut de personnage central à grands coups de surenchère et de beaux discours. Ils restent simplement eux-mêmes, des gens comme vous et moi. Ordinaires. Pire, ils ont même tendance à se laisser aller, se marginaliser. En ne cherchant pas à réussir sa vie, en se dé-scolarisant, en restant très en retrait de la société qui les entoure. Mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises précédemment, on en vient tout de même à s'attacher, à s'identifier avec une facilité déconcertante à chaque existence qui sort de la plume de Toume. Ne serait-ce qu'en partie, chacune d'entre elle vient nous renvoyer à un moment ou un autre notre propre image en pleine face. Ou alors, et c'est quelque part encore plus tragique sans doute, on en vient de temps à autre à les envier, les jalouser. On les aime, on les déteste, mais jamais on n'en viendra à les vénérer pour autant. Comme toujours, c'est l'aspect authentique, l'absence totale de caricature et la sobriété dont fait preuve Kei Toume, et que je développerai par la suite, qui permet ce tour de force supplémentaire.
 
 
  
   
 

Du tâtonnement au réalisme absolu

Mais cette qualité dans les personnages dépeints, elle n'en a pas toujours fait preuve pour autant. C'est notamment très palpable dans ses tous premiers récits que l'on peut retrouver dans Déviances ou dans Zero. Là, on sent encore le manque, tout à fait légitime et logique, d'expérience faire surface. L'héroïne de Zero, par exemple, a au départ tout pour plaire. Forte personnalité, passé trouble, mystère à revendre. Toutefois, passé quelques pages, on se rend compte qu'elle ressemble plus à une coquille vide qu'autre chose. Il en va de même pour ses opposants dans le récit. Entre geste héroïque bateau au possible et réactions risibles, il y a moyen de faire beaucoup, beaucoup mieux. Les mêmes problèmes se retrouvent aussi dans Déviances même si la succession d'histoires plus courtes permet déjà de constater qu'elle est capable de très bonne choses. Il lui manque juste une certaine stabilité et de la constance au niveau qualitatif dans ce qu'elle produit. On la voit aussi tenter de mélanger des éléments à priori hétérogènes. Elle introduit, entre autres et à plusieurs reprises, des robots dans des récits qui prennent place dans un monde fort contemporain. Bien mal lui en pris car c'était le plus souvent un échec cuisant. Mais, au moins, elle a appris de ses erreurs puisqu'il est plutôt rare de voir ça dans ses séries plus récentes.

    Ce qui est par contre très étonnant, c'est le fossé qu'on trouve entre Zero et Les lamentations de l'agneau. Deux histoires qu'elle a imaginé dans un intervalle de temps relativement court et dont la qualité diffère pourtant énormément. Elle aura sans doute eu un brin de chance en créant les personnages qui allaient servir de base inébranlable à la seconde mais toujours est-il qu'elle n'a pratiquement plus baissé de régime par la suite même si, c'est indéniable, on ressent une empathie moindre pour les protagonistes d'une série comme Les mystères du Taisho par rapport à Sing "Yesterday" for me par exemple.
 
 
   
 
 

Une variété sans commune mesure

En plus d'être généralement plus que réussis, les personnages à qui donne vie Kei Toume sont aussi très variés. Bien entendu, il arrive de retrouver certaines similitudes somme toute inévitables vu le nombre de tête que l'on aura l'occasion de croiser. Mais, la plupart du temps, chaque nouvelle rencontre qui nous est donné de faire lors de la lecture d'un Toume revient à découvrir une nouvelle facette de la personnalité humaine, peu importe qu'elle soit positive ou négative. Rikuo dans le rôle du grincheux, Haru dans celui de la bonne humeur, Shinako pour jouer la timide et réservée, Rui en impulsif, Shizuka en représentation de la froideur protectrice. Bref, vous l'aurez compris, il y a de quoi faire. D'autant plus que, souvent, ces attitudes apparentes ne sont finalement que des masques là pour cacher une personnalité bien plus complexe et torturée. Et si je n'ai évoqué ici que des figures emblématiques des récits de Toume, cela ne veut pas dire pour autant que les personnages un peu plus secondaires bénéficient d'un traitement moins favorable. Ils sont même essentiels à l'épanouissement des premiers cités. On notera aussi que l'auteur apprécie tout particulièrement faire se rencontrer deux personnes aux caractères en totale opposition. Certes, ce n'est pas ce qu'il y a de plus original comme manière de fonctionner mais, d'un autre côté, c'est peut-être le meilleur moyen de tirer pleinement profit du potentiel offert par chacune de ces deux entités en les poussant dans leurs derniers retranchements.

Dans la continuité de sa volonté de proposer des portraits extrêmement plausibles de notre société actuelle, Toume parvient donc également à peupler ces récits de personnages plus vrais que nature. Quand on y regarde de plus près, il n'y en a aucun qui est entièrement ordinaire. Mais, après tout, personne n'est totalement ordinaire non plus dans notre monde. Heureusement d'ailleurs. Et c'est ces petites différences qui rendent l'ensemble encore meilleur, encore plus consistant. Enfin, ces histoires ne se cantonnent jamais dans un endroit et à une époque bien définie, au contraire. Du début du XXème siècle pour Les mystères de Taisho à nos jours sous oublier le temps des samourais pour Kuro Gane, passant d'un milieu très traditionnel à un autre beaucoup plus moderne, cela donne également l'occasion à Kei Toume de changer de registre dans la manière de faire de ses personnages sans grande difficulté.
    
     

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Commentaires

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asami

De asami [1111 Pts], le 14 Avril 2012 à 23h24

Très bon dossier ! J'ai adoré les lamentations de l'agneau, et maintenant je commence à lire Sing Yesterday for me que j'aime aussi.

JohnDoe

De JohnDoe [598 Pts], le 06 Septembre 2011 à 20h05

20/20

Superbe dossier qui expose bien les très grandes qualités de Kei Toume, mangaka dont j'apprécie les oeuvres de plus en plus.

Mimisao

De Mimisao [119 Pts], le 24 Février 2011 à 21h59

Un excellent dossier, sur une mangaka peu connue, et un genre qui n'est pas le plus apprecié et le plus édité : je me souviens encore la galère que j'ai vécue pour acheter les Sing Yesterday for Me ! Je n'ai lu que trois de ses oeuvres (SYFM, Luno et les Lamentations de l'Agneau), et je suis toujours aussi étonnée par sa capacité à transmettre autant d'émotions avec autant de simplicité. Et je salue son talent pour changer de cadre, d'époque, d'univers : une telle diversité est précieuse ^^ !

Merci encore pour ces analyses très intéressantes !

jojo81

De jojo81 [7209 Pts], le 05 Février 2011 à 01h58

20/20

Super dossier. Kei Toume est une auteure qui me tient particulièrement à coeur ne serait ce parce que la lecture de Kuro Gane dans le magazine Kameha est l'un de mes tous premiers souvenirs de lecteur de manga (avec Zed puis Dragon Ball évidemment ^^). J'ai particulièrement adoré Les lamentations de l'agneau. Une oeuvre remarquable, pas surjouée. Aucune scène n'est de trop. J'ai justement trouvé Déviances en occasion aujourd'hui et j'ai hésité à me prendre le one shot. La semaine prochaine devrait être la bonne ^^

Et je n'ai toujours pas lu Sing "Yesterday" for me... ><;

Bravo pour le dossier, et lisez Kei Toume !

Cag

De Cag, le 04 Février 2011 à 18h23

20/20

Sans doute l'une de mes auteure favorite. J'adore "Sing Yesterday for me"

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