Kahori Onozucca - Actualité manga
Dossier manga - Kahori Onozucca
Lecteurs
20/20

Amour & sexe, des mystères qui restent parfois bien sombres


    L’amitié n’est pas toujours chose facile. Dans Am stram gram d’Amours félines, entre les filles, les choses se compliquent à cause de l’adolescence. Des interrogations surgissent, et changent la perception du quotidien. Lorsque deux amies sont proches, et que l’une n’est pas fixée concernant sa sexualité, il lui est difficile de comprendre ce qu’elle ressent. Est-ce de l’amitié, ou alors plus ? Ressent-elle la même chose que moi ? Le personnage d’Akio est très réussi : elle est charismatique. Ceci n’est que mon avis bien entendu. Mais la jeune fille, malgré les questions qu’elle se pose, malgré le fait qu’elle soit indécise, ne laisse aucunement le lecteur indifférent. Kahori Onozucca la dessine avec classe et élégance, des qualités que le personnage lui-même ne se soupçonne pas. Le thème de l’amitié entre filles est toujours très intéressant à lire, surtout lorsqu’il y a eu trahison. Ici, on semble vouloir justifier ces actes, mais quelques soient les raisons, les faits sont là. En quelques pages, la scénariste Rika Harada réussit à mettre en place un petit monde. On a l’impression de connaître les personnages, mais en même temps, l’on se demande de quelle façon ils vont réagir. Kahori Onozucca, quant à elle, met très bien en images les faits et gestes que chaque protagoniste. La déception de l’une, l’incompréhension de l’autre, mais aussi, son admiration profonde pour celle qu’elle connaît depuis son enfance. Les histoires de filles sont parfois bien trop compliquées pour qu’on daigne avouer y comprendre quelque chose. Le cœur des filles est bien trop complexe, malheureusement. Mais bien heureusement, ces mystères existent ; sans eux, la vie serait trop facile, vous ne pensez pas ? La fin ouverte nous laisse choisir, et décider du degré de certitude d’Akio quant à sa sexualité.
   
    La question de l’homosexualité a une place importante dans les histoires de Kahori Onozucca. Dans Le Portrait (Nico Says), elle met en scène Ikenaga, une jeune fille amoureuse de Fujino, une camarade de classe. Cette dernière, très belle, a déjà un petit ami. Mais de fil en aiguille, les deux jeunes filles se rapprochent, et finissent par avoir une relation plus qu’amicale. Au-delà de l’homosexualité, c’est aussi la solitude que la mangaka aborde. Parfois, lorsque quelqu’un se sent seul, il ferait beaucoup pour se sentir mieux, avoir l’impression d’être choyé et d’être aimé par quelqu’un. L’égoïsme blesse néanmoins, et c’est toujours la personne qui aime le plus qui en pâti. On assiste ici aux ébats sexuels entre deux filles : l’une amoureuse, l’autre qui se laisse faire, désirant uniquement passer un bon moment. La scène est très bien amorcée, et le lecteur parcourt ces quelques pages sans gêne ni retenue, car Kahori Onozucca sait faire de ce moment intime un bel instant de complicité et de partage, qu’on se plaît à lire.
   
    Les interrogations des adolescents quant à leur sexualité les mettent parfois dans des situations embarrassantes. Ils ne savent plus sur quel pied danser, que penser de leurs sentiments, ni des réactions des autres. Ces personnages indécis mis en scène par la mangaka, mais aussi, tous les autres qui gravitent autour d’eux, complexifient ce petit monde qui n’est déjà pas si simple au départ. Les rapports entre filles, parfois ambigües, sont ici embellis. Les sentiments des unes envers les autres nous emblent sincères et justifiés. Akio, qui souffre beaucoup du fait d’amer son amie d’enfance, ne supporte pas le fait qu’un garçon prenne sa place. Elle en souffre, et ce manque de reconnaissance de la part de celle qu’elle aime est représenté avec beaucoup de dramatisme et de classe. Ces personnages souffrants font malheureusement le bonheur du lecteur, qui grâce à eux, dévore ces quelques pages où les héroïnes sont parfois condamnées à ne pas pouvoir s’épanouir.



 
 
    Melle Shinozaki fait sans doute partie des personnages qui nous choquent le plus. En effet, Dans Secret de vacances (Jornada), il est question de pédophilie, un sujet auquel nous sommes particulièrement sensibles en France. Toute cette petite histoire est un secret, comme toutes celles de ce genre. Ici, il s’agit d’une femme qui s’approche dangereusement d’un jeune garçon. La spontanéité est ce qu’elle aime chez les enfants. Plus spontané, elle ne trouvera pas, c’est certain. Elle s’amuse d’un plaisir malin et pervers, à faire découvrir les joies du sexe au plus jeune. L’on peut voir Melle Shinozaki comme un prédateur, qui choisit sa proie avec soin. Elle travaille dans un lieu qui lui permet d’avoir toutes les informations qu’elle souhaite sur chaque habitant du village, et connaît ainsi ses cibles. Dans la vie de tous les jours, à son travail de vacances par exemple, elle est considérée à la légère par ses collègues. Cela nous montre qu’a priori, même dans son comportement habituel, en société, un élément fait qu’elle n’attire pas forcément la sympathie. Cette gêne est peut-être ce qui la pousse à agir de la sorte, pour compenser un vide. Quoiqu’il en soit, Kahori Onozucca aborde ce semblant de relation avec beaucoup de subtilité. Le jeune garçon reste un gamin inexpérimenté, mais qui tout de même, ne regarde plus sous les jupes des filles. Ces histoires de femmes nues aperçues au travers d’une vitre, ou peu importe l’endroit, ne le fait plus rire du tout. Le voilà qui a grandi quelque peu, à son dépend. Et pendant ce temps Melle Shinozaki cherche peut-être une autre proie… Malgré tout, le jeune garçon ne semble pas si déstabilisé qu’on aurait pu le penser. Il repense à ce moment secret, peut-être avec l’envie de recommencer ; on ne sait pas. Mais ce qui est certain, c’est qu’une telle aventure lui a irrémédiablement retiré sa naïveté, et aussi, sa spontanéité d’enfant. Habituellement, ce sont des hommes qui sont mis en scène dans une telle situation, et non des femmes. L’on peut se demander pour quelle raison Kahori Onozucca a choisi d’inverser les rôles. Ce qu’on peut remarquer, par conséquent, c’est que dans un sens, la femme a, en quelques sortes, pris sa revanche sur l’homme. Lui qui est souvent la source de ses souffrances devient ici un objet, utile pour assouvir des désirs mal placés.
    
    Une fois de plus, il est question d’abus sexuel sur autrui. Le kidnapping est une façon bien facile pour un auteur de mettre en situation un soumis et un dominé. C’est exactement ce qu’il se passe dans l’histoire Dans la chaleur de l’été, dans Nico Says. Maiko, une élève un peu dissipée mais gentille est une énième fois convoquée. Mais c’est la fin des cours, et surtout, les vacances ! Néanmoins, M. Sakurai la retiendra pendant quatre jours, durant lesquels il fera découvrir à la jeune fille les plus grandes joies, mais aussi les plus grandes peines. Cette histoire est intéressante, car elle n’abuse pas des stéréotypes agaçants parfois propres à ce genre de récit. Car le ravisseur a l’air de souffrir autant que la jeune fille. Mais aussi, Kahori Onozucca laisse à l’héroïne tout le loisir de nous faire part de son expérience, et des sensations qui l’envahissent à chaque instant. Des émotions différentes se succèdent alors, la transportant dans un monde parallèle, où cette nouvelle vie à laquelle elle prend goût semble n’avoir aucune fin. Le mystère qui règne dans la relation des deux personnages est bien mené. Également, la mise en scène est dynamique, et la mangaka nous touche ainsi à plusieurs moments.
   
    La plus longue histoire de Kahori Onozucca, toutes publications françaises confondues jusqu’à aujourd’hui, est celle de Nico Says, dans le recueil du même nom. L’héroïne est éperdument amoureuse de son frère, mais plus encore, elle ne se remet pas d’un traumatisme qui l’affecte au plus haut point. Ce besoin d’amour, d’être aimée, chérie, la jeune fille semble ne pas pouvoir vivre sans l’assouvir. Mais la mangaka tourne tout cela en cauchemar oppressant, autant pour les personnages mis en scène, que pour le lecteur. Les choses se passent bien, mais un élément refait toujours surface. Il hante l’héroïne, nous poursuit, pour ne plus nous lâcher. L’envie de l’autre, de le posséder tout entier, mais aussi le sexe pour se rassurer et assouvir des envies perverses pour certains, sont des éléments omniprésents ici. L’attachement à l’autre, l’amour, la passion, l’obsession, parcourent ces quelques pages. L’inceste existe depuis toujours, et Kahori Onozucca nous montre que l’Homme est bien souvent attiré par ce qu’il n’a pas le droit de toucher. S’il ressent des sentiments, une attirance envers quelqu’un qui lui est interdit, il aura beaucoup de mal à lutter contre ces pulsions qu’il ne contrôle pas. On peut dire, très naïvement, que c’est comme mettre à la vue d’un enfant une sucette colorée et odorante, mais lui interdire d’y toucher. L’inceste, c’est cette même envie présente, contre laquelle certains essaient de lutter, mais perdent parfois.
    
    La sexualité est une chose difficile à comprendre, voire même impossible dans certains cas. Kahori Onozucca aborde l’homosexualité au travers de jeunes adolescentes perdues dans toutes ces nouvelles sensations qu’elles perçoivent en elle. L’amitié se complique alors, et le quotidien est rythmé par des interrogations, des observations de chacun des mouvements de l’autre, des interprétations bien souvent fausses. Plus encore, ce sont les pulsions sexuelles qui l’emportent parfois, ce qui aboutit à des actions choquantes, qui suscitent un nombre incalculable de questions, et des incompréhensions parfois persistantes.

© Kahori ONOZUCCA - SHODENSHA Publishing CO., Ltd.

Commentaires

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LoveHina

De LoveHina [515 Pts], le 17 Mai 2012 à 22h26

Oh ça me fait plaisir :)
Il n'y a pas grand monde qui s'intéresse à ce genre de lecture. Et très peu de publications ont la chance de paraître en France :/

geoff

De geoff [1327 Pts], le 17 Avril 2012 à 23h26

20/20

Super dossier, merci pour la lecture ! Je voulais en apprendre un peu plus sur cette mangaka qui m'intrigué, et j'ai apprécié tomber sur ce dossier bien remplis.

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