Kahori Onozucca - Actualité manga
Dossier manga - Kahori Onozucca
Lecteurs
20/20

Portraits de femmes blessées : les ravages du passé

 
    C’est sur une note bien triste que Kahori Onozucca débute le recueil Jornada, avec Votre serviteur. L’érotisme est ici synonyme de mal être. La solitude, mais plus encore, le sentiment d’abandon, ou de n’avoir jamais existé pour quelqu’un, envahit totalement l’héroïne. Au début, l’on peut penser à une vulgaire histoire entre un professeur et son élève, mais c’est bien plus que cela. L’héroïne est totalement perdue, et veut retrouver ses années lycée, où elle changerait peut-être tout. La timidité n’est pas toujours très bonne conseillère. Mais même si l’on regrette ses choix, l’avenir nous réserve toujours des surprises. Kahori Onozucca nous offre le portrait d’une femme qui pourrait nous dégoûter au premier abord, mais qui, finalement, nous attriste. En effet, cela fait maintenant dix ans qu’elle pense à la même personne, lui qui ne l’a jamais regardé une seule fois, elle qui connaît tout de lui. Le sentiment de solitude de Kyôko est très grand. Tellement profond, que certains lecteurs ne réussirons sans doute pas à le comprendre. Malgré toute cette noirceur, l’auteure laisse une porte entrouverte au bonheur. L’homme, tout d’abord vu de manière très négative, devient petit-à-petit saisissable, à notre portée. Et surtout, il est doté d’un cœur, que Kyôko devra apprendre à écouter et à comprendre. Il faut réapprendre à croire en l’autre, à le côtoyer de manière normale, comme tout adulte se fréquente, et enfin, à vivre avec, d’égal à égal. Il est impressionnant de constater avec quelle aisance Kahori Onozucca illumine un monde auparavant si noir et sombre, où tout espoir semblait vain. Les personnages sourient très peu, leur regard est souvent perdu dans la peur, l’incompréhension, le doute, la crainte. Et les quelques instants positifs sont alors comme un rayon de soleil qui illumine les abysses les plus profondes. Votre serviteur est un bel exemple de récit dans lequel l’homme est réduit au plus vil état, pour finalement se voir être revu et corrigé. Lui qui faisait du quotidien de cette héroïne un cauchemar pourrait bien devenir la personne sur qui elle s’appuiera en toute confiance. L’élève devient un précepteur qu’il est parfois bon d’écouter.
    
    Tout aussi troublante que Votre serviteur, la première histoire par laquelle Nico Says commence a pour héroïne Maki, une jeune femme qui commence une nouvelle vie. Elle change d’établissement scolaire, et en profite alors pour changer de look, et plaire aux garçons. Le maquillage, sa façon de s’habiller et de se coiffer, sont désormais ses préoccupations principales. Mais Kahori Onozucca nous montre que tout cela peut très vite déraper. Le comportement de l’héroïne, choquant à plusieurs reprises, place la jeune femme dans une catégorie où très peu aimeraient figurer : celle des filles faciles. Elle ne semble plus avoir de limites, et c’est plutôt le sexe, à la place des sentiments, qui la guide. Ce personnage de femme qui se venge sur la vie, sur son passé qu’elle n’assume pas, est intéressant, car il pourrait correspondre à des camarades de classe que nous avons tous déjà abordés. Surnommée « bébé » à cause de ses nattes et de ses grosses lunettes, Maki parvient bien difficilement à oublier cette période de sa vie bien trop blessante pour elle. Le sexe est très présent, mais Kahori Onozucca aborde également l’amour, en filigrane, au travers d’un personnage masculin. Il est intéressant de voir qu’ici, c’est la femme est placée comme personnage déviant, et même si elle croise parfois des hommes malintentionnés, c’est tout de même un garçon qui prend soin d’elle, et la sort de la situation compliquée dans laquelle elle se trouve.
   
    A cause de blessures, ces femmes ont un comportement bien particulier, qui les met chaque jour en danger. De simples paroles, un regard, ou alors, l’absence, tout simplement, sont des éléments de quotidien qui peuvent profondément blesser un être, et faire naître en lui des comportements déviants, anormaux, qu’il ne peut s’empêcher d’effectuer, afin de se libérer et de se sentir mieux l’espace de quelques minutes. Ces femmes blessées sont des personnages clefs dans l’œuvre de Kahori Onozucca, que l’on rencontre fréquemment, à des degrés plus ou moins différents.



 

    Dans le manga érotique, il y a très souvent ces portraits de femmes à peine dépeints. Elles se montrent réticentes, pour finalement succomber bien vite au pécher de chair. Kahori Onozucca ne manque pas à la règle. Mais le lecteur a tout le loisir d’interpréter. Alors cessons de penser que l’héroïne de Séparation, dans Jornada, est une fille facile, mais plutôt, mettons-nous à sa place pendant une petite minute. Lorsqu’un amour n’est plus, effacé par le temps, n’est-il pas simple de se laisser aller à un suivant ? Certains sont surpris, dégoûtés ou outrés, car leur éducation leur a appris tout autre chose. Mais l’éducation est là pour roder les esprits, les obliger à marcher sur cette route droite sans avoir le droit de défaillir. Lorsque les hommes et les femmes osent écouter leur cœur et leur corps, le chemin qu’ils empruntent est parfois tout autre : plein d’embûches, mais finalement, le danger donne du piquant et pimente un quotidien qui laisse les sentiments et l’envie s’envoler bien vite.
  
    Il en va de même pour Cendrillon, dans Nico Says : l’amour ne se commande pas. C’est bien une des choses que nous montre la mangaka. Une fille qui se sent mal dans sa peau à cause de sa grande taille et de son poids ne croit pas une seule seconde qu’elle pourrait plaire à un garçon populaire. Cette histoire est belle, et bien qu’elle ait une fin prévisible, on aime la lire et la parcourir, du début à la fin. La sexualité est une fois de plus présente, au travers du personnage féminin. En effet, Yoko, qui ne trouve pas son bonheur en l’amour, se réfugie dans la masturbation. Elle en tire un plaisir qui la console, et tous ces hommes à qui elle aime parler au téléphone rose sont pour elle un moyen bien simple de ne pas se sentir seule pendant quelques minutes. Cette situation bien pathétique est malheureusement le quotidien de la jeune fille. L’entrée du jeune garçon est une lueur d’espoir, qui permet de passer outre les modèles de beauté, mais plutôt, d’écouter son cœur, et de prendre la liberté d’aimer sans complexe.
   
    Ces différents portraits de femmes blessées par un événement de leur vie sont mis en avant par Kahori Onozucca. Toutes présentent une déviance sexuelle, afin d’apaiser leur douleur, et de recouvrer la force d’affronter leur quotidien rempli de démons. Mais la mangaka ne termine pas ainsi, et va au-delà des choses : elle donne à ces femmes la force d’avancer, et pourquoi, de surpasser leur passé trop envahissant. Elle pointe le doigt sur ce qui leur fait le plus mal, afin qu’elles réalisent leur mal être, et par conséquent, qu’elles parviennent à prendre les mesures nécessaires pour se relever enfin. Encore une fois, le sexe n’est pas un moyen d’exhiber la femme, mais plutôt, ici, de montrer son mal de vivre, auquel il existe toujours une solution.
  
   

© Kahori ONOZUCCA - SHODENSHA Publishing CO., Ltd.

Commentaires

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LoveHina

De LoveHina [515 Pts], le 17 Mai 2012 à 22h26

Oh ça me fait plaisir :)
Il n'y a pas grand monde qui s'intéresse à ce genre de lecture. Et très peu de publications ont la chance de paraître en France :/

geoff

De geoff [1327 Pts], le 17 Avril 2012 à 23h26

20/20

Super dossier, merci pour la lecture ! Je voulais en apprendre un peu plus sur cette mangaka qui m'intrigué, et j'ai apprécié tomber sur ce dossier bien remplis.

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