Jojo's Bizarre Adventure : Phantom Blood - Actualité manga
Dossier manga - Jojo's Bizarre Adventure : Phantom Blood

Le bizarre sous toutes ses formes



Si Hirohiko Araki a choisi pour titre Jojo's Bizarre Adventure comme titre international et Jojo no Kimyo na Bôken (qui a littéralement le même sens) comme titre original, ce n'est pas pour rien. Rapidement, avec cette première partie du manga qu'est Phantom Blood, le mangaka avait pour ambition de dessiner une œuvre d'action, d'aventure et de fantastique, certes, mais qui ne ressemblerait à aucune autre, de par la bizarrerie qui s'en dégage à tous les instants.

Et cette étrangeté apparaît sous bien des formes dans Phantom Blood, à commencer par une introduction originale du récit sur plus d'un tome, dans une Angleterre victorienne. Pour un lecteur japonais du Shônen Jump, il y avait déjà de quoi dépayser quand les autres mangas du genre entraient assez rapidement dans le vif du sujet. Si Son Gokû rencontre immédiatement Bulma et que leur quête des dragon ball commence aussitôt, Araki ne va pas aussi simplement à l'essentiel dans Jojo. Il nous présente ses deux personnages clés, Jojo et Dio, raconte les déboires du héros lié à l'opposition avec l'antagoniste dans un contexte d'époque, ceci en nous présentant un étrange masque de pierre, et après un prologue montrant un sacrifice aztèque lié à l'artefact. Difficile de faire plus étrange comme entrée en matière, et ce n'est pas la suite du récit qui contredira l'ambiance de cette amorce.

Ce qui marque rapidement, en terme d'étrangeté, c'est bien le dessin de Hirohiko Araki. Celui-ci ne ressemble aucunement à celui qu'on connaît aujourd'hui, on aura alors rarement vu un auteur avec une si grande marge de manœuvre dans l'évolution de son style. Sur ces premiers tomes de Jojo, les personnages sont d'abord grands, et surtout costauds. Une patte qui répond d'une certaine manière aux standards d'époque et qui durera jusqu'aux débuts de la partie quatre, Diamond is Unbreakable. Là aussi, le mangaka se démarque visuellement, et de bien des manières. Il y a régulièrement un sens maîtrisé du grotesque dans Phantom Blood, et sa représentation la plus vive dans le premier tome est sans doute l'arrivée de Dio, sautant de la calèche comme s'il bondissait. Le ton visuel est donné, et Araki jouera en permanence avec ces proportions et les mouvements des personnages, parfois irréalistes, au même titre que leurs physionomies totalement exagérées. Le chétif enfant qu'était Jonathan Joestar devient alors un colosse, et il ne sera pas le seul a arborer un tel physique. Citons alors Dio, costaud à sa manière, ou les géants Tarkus et Bruford, deux des plus incroyables adversaires de Jojo au cours de cette première partie.

Dans sa démarche artistique du bizarre et de l'improbable, Hirohiko Araki dépeint aussi toute une aura horrifique que les amateurs de cinéma fantastique des années 80 et de nanars connaissent bien. En faisant de Dio un vampire capable de transformer morts et vivants en zombie, l'auteur ouvre une porte donnant accès à d'infinies possibilités. Si certains personnages tels que Tarkus et Bruford conservent leurs apparences humaines, d'autres sont transformés en monstres qui semblent provenir tout droit de ces films. Pourquoi ? Qu'importe, voir Jonathan faire fondre de manière peu ragoutante ces monstres difformes et hideux avec son pouvoir de l'Onde a quelque chose de jouissif. On sait maintenant que Araki puise dans toutes cultures pour créer son œuvre, et cette sensation des séries B d'époque se fait magnifiquement ressentir dans Phantom Blood, ce qui contribue à la bizarrerie de cette première partie.


JOJO'S BIZARRE ADVENTURE © 1986 by Hirohiko Araki / SHUEISHA Inc.

Enfin, il est difficile de ne pas évoquer les dialogues qui apportent une aura dramatique théâtrale à ce premier arc, chose qui s'effacera peu à peu de la série. Ou du moins, elle prendra une autre forme afin de véhiculer une tonalité différente.
Dans Phantom Blood, les dialogues sont d'un kitsch délicieux. Les personnages, secondaires surtout, s'expriment avec une grandiloquence particulièrement perchée, donnant l'impression que chaque scène est située dans l'excès. Les déclarations de Speedwagon sont particulièrement désopilantes, et l'auteur aime accompagner ces échanges de quelques mimiques graphiques qui appuient un peu plus cette dimension théâtrale. Dans Phantom Blood, les personnages versent leur larmes de manière exagérée, fait sans doute volontaire de la part de l'auteur. Les dialogues, eux, pourraient voir leur origine d'une volonté de retranscrire les parler d'époque, mais l'effet est plutôt de l'ordre du grotesque, ce qui donne à Phantom Blood son aura si particulière.

A noter qu'on pourrait expliquer, pour chaque partie, la manière qu'a le mangaka d'expliquer le « Bizarre » du titre. En effet, chaque saison de Jojo a ses propres codes comme son propre contexte, et ses propres personnages. L'excentricité est toujours présente mais n'est jamais la même, symbole du renouveau de Jojo en tant que force de la saga.


L'Onde, l'énergie vitale made in Jojo


Dans le shônen d'action et de combat d'ordre fantastique, il est courant que chaque série développe une énergie qui lui est propre, afin de créer ses propres codes, ses propres mécaniques, pour permettre un développement cohérent des pouvoirs, en suivant une certaine logique. Ce type de concept n'est pas né avec Naruto et son chakra, ou avec Bleach et son énergie spirituelle. Bien avant ça, Saint Seiya proposait le cosmos, et Dragon Ball le ki. Hunter X Hunter suivra avec le nen, Reborn ! avec les flammes...

Jojo's Bizarre Adventure ne déroge pas à la règle, et s'est même payé le luxe d'intégrer deux concepts particuliers au sein de la série. Le plus connu est celui des Stand, une énergie qui se matérialise sous forme d'entité dotée de pouvoirs bien spécifiques, et qui dépendent de la psyché de son manieur. Le concept est né avec Stardust Crusaders, la troisième partie, et se poursuit actuellement avec Jojolion, huitième partie de la saga. Entre temps, le concept a énormément évolué, les designs des Stand se sont affinés et les pouvoirs se sont complexifiés, mais c'est un autre sujet qui mériterait d'être abordé dans un dossier sur une partie concernée.

Mais avant Stardust Crusaders, Hirohiko Araki a inventé un autre concept, plus en phase avec l'énergie classique qu'on retrouve dans bon nombre de nekketsu. C'est donc l'Onde qui est utilisé dans les combats de Phantom Blood, mais aussi de Battle Tendency. Toujours dans une volonté de représenter la série comme une ôde à la vie, Araki fait de l'Onde une énergie provenant de la vie elle-même, et s'active pas une respiration particulière. Une métaphore pour symboliser les victoires des personnages par leur manière de maîtriser et respecter la vie qui colle totalement aux thèmes que nous avons évoqués précédemment.


JOJO'S BIZARRE ADVENTURE © 1986 by Hirohiko Araki / SHUEISHA Inc.

Mais au-delà de ça, qu'apport l'Onde dans Phantom Blood, et de quelle manière est-elle utilisée ? Répondre à ces questions nous permet de relier ce concept à la bizarrerie du titre. Avec l'Onde, Araki est en roue libre totale, du moins dans cette première partie, et se sert de ce concept abstrait pour créer bon nombre de techniques, et des rebondissements improbables. L'Onde est capable d'agir sur la nature et sur la vie, en rendant un étang suffisament solide pour qu'on le traverse à pied, ou en magnétisant des éléments naturels entre eux, de manière à relier des feuilles pour en faire un deltaplane. Assez saugrenu, et les effets sont différents en combats. L'Onde permet alors de se déboiter des membres sans douleur pour allonger son bras, ou impacter une partie des éléments touchés par l'attaque... C'est un peu fourre-tout, mais ce n'est pas dérangeant dans Phantom Blood qui va à cent à l'heure, et ne nous laisse pas vraiment le temps de nous questionner sur tous ces effets. Il faut dire que les réactions des personnes, extravagantes, nous font croire à une logique dans l'utilisation de cette mécanique. Ca n'a parfois pas grand sens, mais on est tentés d'y croire. Reste néanmoins un effet de l'Onde qui a du sens : son efficacité contre les zombies et les vampire, ce qui nous renvoie à notre partie précédente du dossier. Ces créatures incarnant la mort, l'Onde, l'énergie de la vie, est le pouvoir le plus efficace pour les terrasser. Pour le coup, rien d'illogique.

Une précision s'impose toutefois : si l'Onde paraît abstraite dans Phantom Blood, Battle Tendency viendra énormément développer les concept, de manière à l'ancrer dans quelque chose de plus cadré et de plus classique, à l'image des grands shônen que nous connaissons. Cette idée méritera qu'on s'y intéresse dans un dossier consacré à la deuxième partie de Jojo's Bizarre Adventure. De même, c'est à ce moment que nous pourrons parler du devenir de l'Onde qui ne disparaît pas totalement de la série. Stardust Crusaders réutilise de manière ponctuelle le concept, et on pourrait croire que Steel Ball Run le réinterprète purement et simplement, avec la mécanique de la rotation.
  
 

Commentaires

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Crackmaniak

De Crackmaniak, le 03 Janvier 2019 à 12h39

Super analyse ! Surtout sur la dualité de Dio et Jojo ^^

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