Une descente aux enfers où chaque balle précipite le chaos
On le comprend dès le départ : Détonations est un manga qui est destiné à être sombre et brutal, et Tsutomu Takahashi nous le fait bien comprendre à l'instant même où Genji est froidement abattu par Satoru.
Dès lors, on cerne que cette espèce de road-trip dans les bas-fonds nippons ne sera pas comme les autres voyages, et que l'évolution que le personnage principal va connaître ne sera pas forcément toujours la bonne.

Cette idée en tête, la cavale de Satoru et des compagnons de voyage qu'il va avoir l'occasion de se faire ne cessera alors de se poursuivre (et de s'achever) en faisant continuellement monter d'un cran, encore et encore, la brutalité et surtout la tragédie du récit. En effet, Tsutomu Takahashi n'épargnera rien dans les événements sombres et durs, et il le fait définitivement comprendre dans la première partie du tome 2, à la fin de la partie chez Shimaiko, qui marque tout d'abord pour le traitement atroce réservé au petit Kaiya, et plus encore pour les dernières pages terribles de la fin du chapitre 12, des pages marquant définitivement la suite du parcours de Satoru, ou son parcours fait de violence s'intensifie encore un prenant des allures de vengeance.

Plongée dans les bas-fonds de la société, entre violence et marginalisation
Evidemment, il s'avère que la violence est très loin d'être la seule chose que notre anti-héros va trouver au fil de son périple, car au fil des pages il va traverser nombre de lieux mal famés, croiser plusieurs personnages au destin pas toujours enviable, et se confronter à tout un monde de violence certes, mais surtout de misère.
On pense à ces yakuzas ultra brutaux et sans foi ni loi, à cette femme prostituée sombrant dans l'alcool pour oublier sa misère, à ce petit garçon voyant quasiment sa mère se tuer sous ses yeux par désespoir d'une vie misérable, à ce couple malsain et peu scrupuleux vivant marginalement et étant prêt à tous les coups bas, à toutes les horreurs pour se sortir un tant soit peu de sa situation... et surtout à Daigo, jeune homme qui se sent femme, qui s'habille en tant que telle, dont le parcours est très loin d'être enchanteur, et qui finira vite par accompagner Satoru dans son périple.
Ainsi, Tsutomu Takahashi dresse tout un portrait d'êtres marginalisés et/ou vivant dans la misère, au coeur d'un monde sombre qui ne leur a jamais fait de cadeau. Dépeindre ce genre d'êtres n'est pas du tout nouveau dans sa carrière, il a notamment pu le faire dans son œuvre semi-autobiographique Bakuon Rettô, où l'on suivait des bandes de motards où certains personnages étaient désoeuvrés. Mais peut-être n'a-t-il jamais autant insisté sur des personnages marginaux, écarté ou désoeuvrés que dans cette œuvre pourtant plus courte qu'est Détonations.
Ces personnages pourront-ils s'en sortir ? Trouver autre chose que la violence au fil de ce qui peut être un peu vu comme une quête initiatique ? On a envie de l'espérer pour eux, tant leurs actes parfois sombres et furieux semblent surtout cacher une rage de s'en sortir et d'exister. Mais le monde laisse rarement l'occasion à ceux qui ne sont pas dans le moule de s'en sortir, et l'issue de tout ce périple pourrait être encore bien plus dure qu'on ne le pense...

Cela amène Satoru, jusqu'au bout, à continuer son immersion dans certains lieux et auprès de certaines personnes en partie marginalisés, et dans le volume 2 la naissance de son désir de vengeance le fait passer essentiellement par une halte prolongée à Shinjuku-Nichôme, quartier LGBT de Tokyo. Une halte ayant un but bien précis pour lui et le poussant à faire certains choix pour parvenir à ses fins vengeresses.
Mais cette traversée de différents "bas-fonds", au fil de la série, n'a fait qu'accentuer encore la voie de la violence prise par Satoru, devenu réellement capable d'abattre de sang-froid, les détonations de son flingue sonnant surtout comme autant de preuves d'un désir de s'extirper du monde crasseux. On comprend bien que le jeune homme fait tout ça pour s'en sortir, et aussi pour aider Kaiya à s'en sortir lui-même, mais la violence semble vite être une spirale sans fin...
ZANKYO © 2015 Tsutomu TAKAHASHI / SHOGAKUKAN