Cosmo Police Justy - Actualité manga
Dossier manga - Cosmo Police Justy

Un space-opéra transpirant les années 80


Parmi les mangas de la fin des années 70 et du début des années 80 bien connus chez nous, on peut citer aisément Albator (ou Harlock) de Leiji Matsumoto, ou encore Cobra de Buichi Terasawa. Deux titres popularisés chez nous par leurs adaptations animées, mais dont les récits papiers originaux ont su trouver place dans nos librairies dès années plus tard. Seconde série de Tsuguo Okazaki, Cosmo Police Justy fut lancé en 1981 au Japon, soit peu après les deux premières séries citées. Par ces dates, il n'était pas étonnant que la série conserve un certain attrait de cette époque, que ce soit par son schéma ou son esthétique. Mais la série de Tsuguo Okazaki a été publiée tardivement chez nous, en 2018, aux éditions Black Box. Aussi, elle présente logiquement un côté daté, ce qui contribue aussi à lui donner un petit charme indéniable. Il semble alors intéressant de se pencher sur ce côté très 80's, voire sur l'héritage de grandes séries sur Cosmo Police Justy.

Un schéma narratif d'époque

Sur le plan scénaristique, il y a bien un élément qui surprend dès le premier tome de la série : son découpage. En effet, les premiers opus sont divisés en différentes histoires, globalement indépendantes les unes des autres. Certaines apportent parfois des éléments qui resteront au sein de la série, par exemple l'introduction du personnage d'Astaris, mais le lecteur pourrait finalement démarrer sa lecture au second tome sans être perdu plus que ça. Cet effet est aussi renforcé par l'insertion des données au fil du récit, Tsuguo Okazaki ne prenant pas vraiment la peine de contextualiser son œuvre dans les premiers chapitres. Les mécaniques de Cosmo Police Justy, c'est au lecteur de s'en imprégner, chose qui n'a rien de trop compliqué étant donné l'intrigue plutôt épurée, le mangaka privilégiant davantage le rythme et le drame plutôt qu'un scénario hautement complexe.

Cette facette, elle rappelle sans mal des titres que nous pouvions lire surtout avant les années 90. Cette période privilégiait bien plus le genre du space-opéra qu'aujourd'hui, preuve en est que les auteurs majeurs du genre sont ceux des années 70 et 80, tels que Leiji Matsumoto, Buichi Terasawa et pourquoi pas Go Nagai si on étend le registre jusqu'à la science fiction en générale. Et on ne parle là que du manga, car inclure l'animation reviendrait à citer Yoshiyuki Tomino pour Gundam, et Shôji Kawamori pour Macross. Dans beaucoup de ces récits, nous trouvions une mécanique scénaristique similaire à celle de Cosmo Police Justy : une grande partie de l'histoire était façonnée par un format épisodique et des histoires stand-alone en apparence, plutôt qu'une continuité plus fluide qui est omniprésente aujourd'hui. En terme de pur divertissement, ce schéma se révèle efficace. Car plutôt que de lire un tome d'une traite, s'arrêter en cours de route pouvant amener une confusion dans la reprise du récit, le lecteur peut simplement lire une histoire par-ci par-là, sans être avoir à se recontextualiser les chapitres précédent lors de la reprise du tome entre les mains. Cette manière se faire se révèle d'ailleurs cohérente par rapport à la prépublication de l’œuvre, chapitre par chapitre, avec une semaine d'attente entre deux épisodes. On retrouvait souvent ce format dans les œuvres des années 80. On peut alors citer Cobra dont les tomes sont divisées en aventures plutôt indépendantes, puisque chaque récit misait sur l'inventivité de Buichi Terasawa pour présenter un nouvel univers, des planètes inédites, et des enjeux novateurs à chaque fois. Certes, quelques histoires impactaient certains personnages ou le protagoniste, mais rien qui empêchait un non-initié de prendre l’œuvre en cours de route.


Pourtant, ce schéma narratif évolue progressivement au cours de Cosmo Police Justy. Si les deux premiers tomes misent énormément sur cette idées d'histoire stand-alone, la continuité se révèle beaucoup plus forte très le tome 3, dont le rythme s'accélère jusqu'à boucler la première partie du manga. Prendre le train en marche se révèle alors plus difficile, car il y a désormais besoin de comprendre le passé des personnages pour être impacté par les drames présentés. Commencer la série par le troisième tome serait alors une grave erreur car c'est bien lui qui portera le tragique au plus fort au sein de la courte série, et sera un élément majeur pour comprendre l'état d'esprit sur les deux opus finaux. D'ailleurs, ces derniers ne peuvent définitivement pas être lus en tant que première découverte de la série. L'intrigue du deuxième arc résulte de la finalité de la première tout en s'appuyant sur le tout premier chapitre de l’œuvre, aussi choisir de se lancer dans Cosmo Police Justy par les tomes 4 et 5 reviendrait à se priver de la finalité du personnage de Justy, rendu bien plus dense après les événements du troisième volet.

Il est donc intéressant de noter que le schéma narratif de Cosmo Police Justy ne se repose pas sur son état initial, mais progresse en même temps que l'auteur. Il faut dire que l'idée d'histoires indépendantes semble idéal pour prendre ses marques, même si cela contraint le mangaka à chercher de nouvelles idées et des enjeux inédits à chaque fois, plutôt que de développer une intrigue sur le long terme. Une fois ces repères pris, Tsuguo Okazaki part donc sur un récit plus ambitieux, de telle sorte à faire véritablement évoluer les personnages au sein de l’œuvre et à rendre le ton, souvent sombre, beaucoup plus pertinent et impactant. Pour ces raisons, il ne faudrait pas juger la série sur un tome, voir un seul chapitre, car celle-ci sait prendre des risques au fil de sa progression.

Un côté aguicheur vintage

Lorsqu'on compare les côté frivoles des mangées d'avant et d'après années 90, c'est deux manières de faire qu'on semble observer. Aujourd'hui, il ne serait pas exagérer de dire que le fan-service tourne très souvent autour de la sexualisation de personnages féminins assez jeunes, ce qui peut s'avérer dérangeant pour beaucoup. Il suffit de jeter un œil sur certaines comédies romantiques très populaires, citons un certain To Love qui a toujours su s'enfoncer dans le malsain, ou la surabondance d’œuvre isekai et fantasy qui misent énormément sur des filles jeunes et sexualisées.

Si on regarde les récits des années 70 à 90, on constate que l'approche de l'érotisme était bien différente. Il est possible que celui-ci ait évolué avec les codes d'époques, puisqu'on distingue des manières différentes de représenter les personnages. Ceux-ci apparaissaient sous des apparences plus adultes, là où les auteurs ont tendance à proposer des designs de personnages plus chétifs et épurés, voire rajeunis. Cosmo Police Justy, publié au début des années 80, répond donc à la tendance d'époque. Les personnages qui nous sont proposés paraissent visuellement plus murs que ceux des grandes productions actuelles, si bien qu'il serait difficile de dire si Justy est un adolescent ou un jeune adulte. Après tout, sa physionomie lui permet de se faire passer pour un lycéen dans le premier chapitre et dans les tomes 4 et 5, ce qui laisse penser que le protagoniste est assez jeune. Par extension, c'est aussi le cas pour Jelna, la sœur de cœur du héros qui évoluera de manière à devenir son amante (chose qui pourrait choquer ceux qui découvrent la série par ce dossier, mais nous reviendrons sur cette relation très particulière dans les parties suivantes).


Ce simple fait de présenter des personnages plus âgés en apparence, par rapport à ce que l'on trouve aujourd'hui, rend aussi le côté aguicheur bien différent. Dans son récit, Tsuguo Okazaki présente régulièrement ses demoiselles dévêtues, parfois durant les séquences d'action afin de les présenter sous l'apparence de victimes. L'idée n'est donc pas tant d'émoustiller le lecteur que d'imposer une vision, assez révolue aujourd'hui, de la demoiselle en détresse, victimes d'ennemis dangereux qui souhaiteront abuser d'elles, avant qu'elles soient secourues par le héros. A d'autres moments, cette dimension aguicheuse sera volontaire, de telle sorte à sensualiser les personnages féminins, quand il ne s'agit pas simplement de présenter une scène de tension sexuelle entre l'une d'entre elles et le protagoniste, pour raconter quelque chose autour de leurs relations.

On observe alors une manière de faire qui semble assez révolue aujourd'hui. Très présent, le côté aguicheur du titre ne tombe pourtant pas dans les écueils actuels tels qu'un érotisme humoristique, ou une volonté de montrer exclusivement les personnages féminins par la beauté de leurs corps. Si ces jeunes femmes sont volontairement montrées de manières charmantes, c'est surtout par leurs personnages, leurs liens avec le héros et leurs actions qu'elle brillent sur le papier. L'érotisme, en soit, ne sert qu'à renforcer de manières différentes des moments précis de l’œuvre et à raconter des choses, même si ces éléments narrés peuvent parfois paraître clichés, avec un regard actuel.
  
  

© by OKAZAKI Tsuguo / Shôgakukan

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