Cosmo Police Justy - Actualité manga
Dossier manga - Cosmo Police Justy

Les libertés de l'auteur mises à mal au fil du récit


L'un des chamboulements scénaristiques les plus intéressants de Cosmo Police Justy se situe lors de la transition entre les volumes 3 et 4. Un changement d'arc narratif s'opère, mais aussi une évolution dans la psychologie de Justy qui va voir sa destinée impactée par les pertes que le héros a subi. Du point de vue du lecteur, cette transition se révèle saisissante puisqu'elle permet une remise en question du protagoniste, en plus d'un certain renouveau dans la formule du récit. Mais c'est aussi du point de vue éditorial que le changement opéré amène quelques questionnements : A l'instar de bien des œuvres, Cosmo Police Justy a subi le fléau de la volonté d'éditeur dépassant celle de l'auteur du manga.

En postface du tome cinq, le dernier de la série, Tsuguo Okazaki avoue de son plein gré que sa jeunesse d'époque lui empêchait de vraiment imposer ses volontés à son éditeur. Il s'estime en accord avec l'intrigue de la première partie, mais nettement moins avec celle de la seconde. En d'autres termes, il semble surtout que l'évolution du titre soit une volonté éditoriale, le jeune mangaka d'époque n'ayant pas tellement eu son mot à dire, ce qui expliquerait le changement de ton entre les tomes 3 et 4. Pourtant, cette évolution de l'intrigue pouvait constituer une certaine logique dans l'évolution de Justy, mais cette vision ne semblait pas être celle de Tsuguo Okazaki qui voyait plutôt dans les trois premiers tomes un prologue à la série, qui aurait donc pu se montrer bien plus longue si l'auteur avait eu davantage de libertés dans son écriture. La fin de Cosmo Police Justy peut paraître un peu abrupte, malgré une thématique conclue avec honnêteté. A juste titre : c'est le mangaka qui a choisit de mettre fin à son œuvre de son propre chef, plutôt que de poursuivre une série qui ne correspondait plus à sa volonté d'auteur. Si on peut tout de même saluer Tsuguo Okazaki pour avoir apporté une fin qui se suffit à elle-même malgré les fortes restrictions que son éditeur lui imposait, il reste regrettable qu'il n'ait pu, même des années après, apporter la fin digne qu'il prévoyait pour son œuvre. La vraie suite de Cosmo Police Justy restera donc dans la tête de son auteur et inconnue du grand public.



Les caractéristiques et qualités graphiques de Tsuguo Okazaki


Tsuguo Okazaki ayant lancé son space opéra au début des années 80, il semblait inévitable qu'il subisse quelques influences d'incontournables de l'époque. Dès la couverture, on remarque que le design de Justy a un petit côté Leiji Matsumoto, une impression qui se confirme à la lecture de l’œuvre. Sur chaque portrait de personnage, on peut observer de multiples influences : du Matsumoto certes, mais aussi du Gô Nagai, voire du Buichi Terasawa. Une question, légitime, se pose alors : Tsuguo Okazaki avait-il, à l'époque, sa propre personnalité graphique ?

Ce n'est peut-être pas du côté du design des personnages que l'on trouvera celle-ci. Son trait est nourrit d'une certaine élégance, que ce soit chez le majestueux Justy ou les superbes Jelna et Astaris, mais ce sont des archétypes visuels qu'on retrouvait déjà à l'époque. Néanmoins, Tsuguo Okazaki entretenait cette patte avec une certaine maîtrise : ses personnages sont sans cesse rendus vivants sur le papier, avec quelques bonnes idées de mise en scène pour leur apporter du relief. A titre d'exemple, les rares phases où le terrien Jun Kaminadai devient Justy sont assez intéressantes, à l'heure où les transformations de la sorte dans les shônen d'aventures n'étaient pas encore démocratisées.

Car d'une manière globale, c'est bien par son sens de la mise en scène que Tsuguo Okazaki tire son épingle du jeu dans Cosmo Police Justy. Ses planches fourmillent d'idées intéressantes, ce qui passe souvent par une narration très vive à base d'une succession de cases souvent avares en textes. Car ce ne sont pas spécialement les dialogues ni l'exposition textuelle de l'univers qui intéresse l'auteur, mais bien la manière dont il fera vivre l'ensemble par son dessin, et comment il communiquera les émotions au lecteur.

La charge émotionnelle du titre, très présente dès le tome trois, passe ainsi par bon nombre de symboliques graphiques. De longs instants sans textes, des plans différents autour des personnages, quelques utilisation du cliché d'époque du spectre des proches disparus (idée très présente dans Gundam à cette époque, d'ailleurs), une insistance sur les différents environnements... Tsuguo Okazaki entretient les émotions de ses personnages comme la grandeur de son univers avec un certain talent. La courte durée du titre n'en n'est que plus frustrante, tant l'auteur a su s'imprégner de ce petit monde en peu de temps, et on peut facilement imaginer des prouesses graphiques encore plus denses sur une suite sur laquelle il aurait eu carte blanche. Peut-être plus encore que l'histoire, c'est la narration de Cosmo Police Justy qui se révèle puissante et personnelle, justifiant parfois qu'on s'arrête de longues secondes sur certaines planches. Fort heureusement pour nous : les éditions Black Box semblent aimer le travail de Tsuguo Okazaki. On ne peut qu'espérer que d'autres titres du mangaka, plus longs, soient proposés chez nous. La prochaine étape pour apprécier le style Okazaki sera donc Ragnarok Gai, une série justement plus longue car comptant sept tomes.


L'édition de Black Box


Cosmo Police Justy bénéficie du style de fabrication moderne des éditions Black Box : toujours pas de jaquette, mais un format semi-grand avec couvertures cartonnées en couché brillant et rabats, donnant toujours l'allure de beaux ouvrages avec une belle tenue en main. Correspondant à des tomes simples d'un peu plus de 180 pages, les volumes français de la série sont particulièrement fin, la qualité du papier épais rendant le tout assez agréable lors de la lecture.

On saluera aussi la qualité des artworks utilisés pour l'édition, de même pour le sympathique dos des cinq ouvrages qui, mis les uns à côté des autres, forment une fresque représentant Justy, Jelna et Astaris. A ce propos, on pourrait supposer que le visuel de la fresque traduise toute l'évolution de l’œuvre : Jelna s'efface du tome 3 a 4, tandis que le cinquième et ultime opus présente le regard sombre et déterminé du héros, meurtri par les pertes qu'il a subi, bien que la fin de la série reste globalement douce et positive.
  
  

© by OKAZAKI Tsuguo / Shôgakukan

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