Comment ne pas t'aimer - Actualité manga
Dossier manga - Comment ne pas t'aimer

Le goût du quotidien


Pour croquer les amourettes et la vie estudiantine, Masako Yoshi adopte une simplicité de ton vraiment bienvenue. Il n'y a pas de grands chambardements, les choses évoluent au compte-goutte, au fil des jours, finalement de façon réaliste et posée. Et c'est au gré de leurs petites rixes, mésaventures et ébullitions amoureuses que les personnages sont amenés à changer petit à petit. En se côtoyant les uns les autres, chacun pouvant tirer quelques leçons des autres. D'autant que ce n'est pas la franchise qui leur manque, ce qui là aussi crée quelques petits gags bien huilés.

De plus, Masako Yoshi profite de cet ancrage dans le quotidien pour traiter de quelques sujets hors de la vie estudiantine et très proches de la réalité.
En tête, le passage avec Shigeo et son père permet à la mangaka d'aborder le divorce, et ce qu'il entraîne auprès des parents et des enfants. Face à une mère qui était incompétente, le père a obtenu la garde et fait de son mieux pour élever son fils, mais il ne peut remplacer la figure maternelle, d'autant que son travail l'accapare. Quant au gamin, s'il fait mine de rien, on sent bien que la présence maternelle lui manque, notamment à travers une belle allégorie astronomique.
Pour autant, pas question pour Masako Yoshi de tomber dans le pathos, fort heureusement ! Son récit reste avant tout ancré dans la tranche de vie légère, et son héroïne, toujours aussi maladroite et sincère, en est la preuve. La mangaka ne plombe jamais son oeuvre et préfère rester fidèle à l'ambiance qu'elle s'est imposée dès le premier volume, et on se régale alors toujours autant des notes d'humour et des lentes évolutions d'Ayumi sur le chemin de la maturité. D'autant que, tout autour d'elle, les personnages secondaires sont toujours là pour animer le récit ! Quand il semble que les sentiments d'Ayumi lorgnent vers le père de Shigeo, tout le monde, inquiet, accourt au risque de commettre de belles bourdes.
Malgré quelques sujets profonds, il y a toujours cette ambiance paisible, tantôt légère tantôt amusante, à l'exemple de l'anniversaire de Papy Saotome qui est un très bel instant de vie, léger et frais, qui nous rappelle que les petits bonheurs peuvent être les meilleurs et qu'il n'y a pas d'âge pour en profiter.

Au bout du compte, on se retrouve donc surtout avec une chronique du quotidien très bien croquée, qui s'écoule de façon claire, logique et paisible, au gré de ce qui arrive aux différents personnages. La peinture quotidienne elle-même est plutôt posée, mais la mangaka parvient à grandement dynamiser le tout en rendant ses personnages très vivants, en tête Ayumi, dont la franchise et l'envie de progresser, malgré ses nombreuses maladresses dans tous les domaines, en font une héroïne amusante et attachante. Les personnages sont tous bien différents dans leur caractère et leur comportement, et l'humour est très présent.

Cette ambiance très ancrée dans la vie quotidienne, Masako Yoshi a avoué plus d'une fois l'adorer, et ses toutes premières oeuvres en sont profondément empruntes. Même quand son éditeur l'a poussée à s'axer un peu moins sur l'ambiance du quotidien, elle a toujours tâché de conserver comme elle le pouvait cette ambiance, ce qui se vérifie sur ses deux autres oeuvres parues en France à ce jour, Manabu et Du haut de mon monde, sans doute encore plus portées sur les sentiments que Comment ne pas t'aimer, mais ayant toujours ce goût prononcé pour la peinture rafraichissante du quotidien, et surtout pour les petits bonheurs qui peuvent animer celui-ci.
  
  
  
  
  

Une série, une auteure, une époque


Comme déjà dit, Comment ne pas t'aimer est une série qui a sûrement une place assez particulière dans la carrière de Masako Yoshi : en plus d'être l'une de ses toutes premières oeuvres et donc une oeuvre de jeunesse, elle s'inscrit à une époque assez spécifique, que l'on a déjà pu explorer dans plusieurs autres séries : la première moitié des années 1980, juste avant la bulle économique qu'a connue le Japon.

Période faste, cette époque était nourrie par une certaine insouciance. Même sans le sou, les personnages, témoins d'une certaine mentalité de l'époque, profitent de la vie, vivent dans une certaine légèreté, loin de toute véritable misère. Une ambiance un peu insouciante malgré les difficultés, que l'on retrouve dans nombre de séries de cette époque, à commencer par Maison Ikkoku de Rumiko Takahashi, Kimagure Orange Road d'Izumi Matsumoto, ou de nombreux passages d'oeuvres de Mitsuru Adachi comme Hiatari Ryôko/Une vie nouvelle.

Bref, toutes ces séries ont pour particularité de s'inscrire totalement dans leur époque, et quand leurs auteurs en reparlent aujourd'hui, on constate que, pour la plupart, ils en ont un souvenir assez précieux et nostalgique. C'est évidemment le cas pour Masako Yoshi, d'autant plus que l'auteure, comme on le devine largement à la lecture de Comment ne pas t'aimer, s'est beaucoup inspirée de sa propre jeunesse et de ses propres années étudiantes, alors toutes fraîches (elle était encore étudiante quand elle a commencé la série), pour croquer le quotidien d'Ayumi et des autres, personnages qui eux, par contre, sont totalement inventés.
Pour reprendre les mots de la mangaka dans son interview pour les éditions Black Box, "Les jeunes des années 80 étaient immatures, et ceux de notre époque sont confrontés à une crise violente tout en ayant accès à bien plus d'informations, cela les rendant au final plus adultes (il m'arrive souvent de me trouver moi-même encore gamine par rapport à mes étudiants...)."
  
  
  

© 1983 Masako Yuki. All rights reserved

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