Children - Actualité manga
Dossier manga - Children
Lecteurs
11/20

L'art d'une narration complexe


Derrière un aspect lisse, dans le sens où les débuts de Children mettent surtout l'accent sur un climat sanglant et dérangeant, la série de Miu Miura dévoile peu à peu d'autres aspects qui lui donnent une forte densité. Nous y reviendrons, mais quelques thématiques abordées telle que l'opposition entre l'enfant et l'adulte, ainsi que la question de la "normalité", font parti de ces éléments de richesse que nous essaierons d'analyse un tant soit peu dans les prochains paragraphes. Mais avant ça, c'est le scénario de la série qui peut être décortiqué, puisqu'une trame plus ambitieuse qu'il n'y paraît au tout départ finie par être plantée, au point que le lecteur ne sache plus trop où donner de la tête dans le second opus.

Car si l'ambiance des premiers chapitres repose sur ce cadre étonnant d'orphelinat où des enfants s'adonnent à des atrocités, ce même cadre amène directement plusieurs questions. Existe-t-il des mystères derrière un tel endroit, ou l'auteur amène-t-il simplement un décor résolument irréaliste, voire absurde, pour créer son climat ? La réponse ne tardera pas à être donnée, et ce dès le premier volume même. Car lorsque Sakurako nous fait comprendre que Tôru, malgré sa réticence à charcuter des semblables, ne peut être soumis au même jugement que les autres de part sa "particularité", on comprend que l'auteur a de la suite dans les idées, et qu'il veut nous mener quelque part plus que narrer une simple histoire de massacre. Les éléments qui surviendront par la suite ne feront que nous aiguiller un peu plus sur cette voie-là, qu'il s'agisse de la vérité derrière l'orphelinat, les individus qui administrent en secret les lieux (il sera d'ailleurs fait mention d'un certain Kyôjô dès le premier tome), la nature des individus livrés en pâture aux enfants psychopathes, ou encore les petits secrets que les différents garnements ne révèleront qu'au fil du récit, et parfois même à la toute fin. De fil en aiguille, des intrigues et des sous intrigues naissent, certaines se recoupent et se rejoignent, et assez rares sont finalement celles qui ne trouvent pas d'exacte résolution passée la dernière page.


Tout ceci indique un contenu dense, peut-être même un peu trop pour une série courte et achevée en treize chapitres. C'est un constat qui divise les deux opus de la série dont le rythme ne clairement pas le même. Le premier, épais d'un petit peu plus de 210 pages, prend son temps pour instaurer un climat et des mystères. Il insiste sur l'évolution de Tôru, son possible craquage dans un tel environnement et sur les non dits qui ne cessent de piquer notre curiosité. Le deuxième tome est l'exact inverse de cette démarche : Sur plus de 255 pages, Miu Miura entre dans le vif du sujet de manière incisive. Il n'épargne pas ses personnages, amène différents éléments culminants mais aussi des révélations et autres flashbacks qui vont permettre de balayer tous les points d'ombre de l'histoire, de manière à faire la lumière sur de nombreux points qui nous taraudaient. En soit, une démarche évidente et bienvenue pour le lecteur qui n'aime pas que le mystère soit une clé de voute inébranlable d'un scénario. Seulement, c'est la manière du mangaka de mener ces résolutions qui peut perturber.

Dans le second tome, l'artiste a exécuté un véritable puzzle narratif au cours duquel il revient sur divers éléments, l'un après l'autre, en les greffant aux événements principaux qui vont mener au climax du récit. Du meurtre d'une enfant chère au héros, l'intrigue évolue vers un véritable massacre qui va révéler les acteurs principaux de ce théâtre macabre, ce qui permettra à l'ensemble d'aborder différents points. Mais au fil de la lecture, tout n'est pas immédiatement clair dans notre esprit, aussi il y a un véritable jeu de construction mental à se faire au fil de l'avancée, pour bien resituer chaque révélation. Heureusement, la fin de Children ne laisse que peu de place au doute : L'histoire est racontée, nous savons pourquoi Tôru est si important pour Sakurako, d'où vient cette dernière, comment ce sanglant orphelinat est né, et quel rôle joue l'étrange circuit amenant aux enfants le bétail humain prêt à se faire trucider. Pour les plus critiques, on pourra juger cette narration confuse. Un bien beau jugement à remettre en perspective avec la carrière de Miu Miura qui reste un bien jeune artiste : Après deux histoires courtes et une participation à une anthologie, Children est sa première série développée mois après mois en magazine de prépublication. Un auteur qui se forme donc, et qui a le mérite de proposer un résultat honnête mis en relief par une patte au cachet indéniable. Son style est à même de narrer efficacement des histoires horrifiques et sanglantes, ce que prouve un des one-shot de l'artiste. Alors, si on peut reprocher au manga sa manière de raconter son histoire, on ne peut jeter la pierre à un auteur qui livre ses premiers mangas, et qui a encore le temps de nous étonner. On ne peut qu'espérer à Miu Miura une belle carrière, tant cette première série présente une patte qui ne peut être ignorée, tant sur le plan graphique que narratif, ce qui va de pair avec des discours disséminés dans l’œuvre. Des thématiques qui, justement, vont faire l'objet de notre partie suivante...
  
  

CHILDREN © 2018 Miu Miura / SQUARE ENIX

Commentaires

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grumpykuro

De grumpykuro [201 Pts], le 23 Janvier 2021 à 10h09

10/20

le tome 1 était sympa, même si je l'ai trouvé un peu gratuit, autant le 2ème était archi confus et pas très intéressant avec un twist tiré par les cheveux...

 

et je confirme que le lettrage est vraiment hideux... les espèces de typo fleuri sont horribles et c'est écrit bien trop gros..

cti

De cti, le 13 Janvier 2021 à 11h25

J'aurais peut-être rapproché aussi Children du Perce-neige, dont les thématiques sont très proches et évitent de lorgner du côté du fantastique. J'ai trouvé le second plus fort d'ailleurs, car il n'isole pas les enfants dans une communauté à part. Pour moi, la précipitation du premier tome de children aurait pu lui être préjudiciable si le second n'avait pas plus posé l'action en plus d'offrir une construction narrative plus poussée.

Et pour revenir sur le lettrage, s'il n'est pas des plus beaux,  je trouve néanmoins qu'il s'intègre bien avec le trait assez gras de l'auteur et avec la violence du récit.

Takato

De Takato [1933 Pts], le 10 Janvier 2021 à 18h04

C'est vraiment un plaisir quand un avis sur un travail qui a demandé pas mal de temps est un reproche pour ne pas avoir abordé tel élément.

Sinon non, j'ai ici analysé l'oeuvre uniquement.

Ploup

De Ploup, le 10 Janvier 2021 à 13h07

12/20

et pas un mot sur le lettrage parfaitement hideux de cette série?

 

manga sympatoche sinon, sans plus.

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