Carole & Tuesday - partie 1 - Actualité manga
Dossier manga - Carole & Tuesday - partie 1

La musique de Watanabe


Un artiste passionné de musique


En effet, quiconque connaît un tant soit peu la carrière de Shinichirô Watanabe sait à quel point l'homme est un passionné de musique, et cela se retrouve dans toutes ses oeuvres.


La série culte Cowboy Bebop avait pour elle sa bande-son blues (entre autres influences) à tomber par terre, Samurai Champloo captivait pour son contraste entre univers samurai et musique hip hop, Kids on the Slope le voyait adapter merveilleusement l'excellent manga éponyme de Yuki Kodama sur le jazz, Terror in Resonance était marqué par de froides sonorités nordiques à la Sigur Ros... sans oublier son statut de producteur musical sur l'excellente série Michiko to Hatchin avec ses musiques à connotation latine et psychédélique.


Dans Carole & Tuesday, l'artiste s'intéresse encore à un autre genre musical, vaste et occupant de nos jours (et depuis les années 1980) une grosse partie de la production à succès: la pop et le pop rock.




Une oeuvre bourrée de références


Cela passe notamment, dans la série, par énormément de petites références et de clins d'oeil.


On pourrait, par exemple, citer tous les titres d'épisodes qui sont des tnoms morceaux bien connus, ainsi que l'allure de certains personnages (par exemple, difficile, en voyant les deux vieillards barbus de l'émission Mars Brightest, de ne pas penser à ZZ Top), ou encore des petits jeux de mots (Bruno sur Mars/Bruno Mars, Ziggy en référence au Ziggy Stardust de David Bowie...).


Les clins d'oeil vont même parfois plus loin que la simple sphère musicale, par exemple quand on se retrouve avec une référence au fameux tableau de Banksy que l'artiste lui-même a détruit lors d'une enchère.


C'est très riche, on peut s'amuser ainsi à dénicher un bon nombre de clins d'oeil essentiellement musicaux mais aussi plus largement culturels, et qui permettent en plus d'encrer le récit dans notre monde, ainsi on peut avoir l'impression d'assister bel et bien à une vision de ce que notre monde pourrait devenir.




Une immersion en coulisses


C'est également à travers les différentes étapes du parcours de nos héroïnes que Shinichirô Watanabe livre toute une vision du monde musical.


Concerts de rue pour essayer de se faire remarquer, première partie d'un concert, festival, émission télévisée en quelque sorte à la The Voice pour dénicher la star de demain...


La série brasse beaucoup d'aspects tout en prenant soin de rester régulièrement assez critique, puisque tout est loin de se passer idéalement, et que plusieurs à-côté sont évoqués, comme le fait que dans ce futur les salles indépendantes n'existent quasiment plus, que la musique soit toujours plus uniformisée...




Une critique de la musique d'aujourd'hui ?


Et on arrive là au dernier point vraiment intéressant, celui où Shinichirô Watanabe semble se risquer peut-être le plus, en soulignant une chose qui apparaît déjà assez vraie à notre époque concernant la musique: le fait que toute une part de la production pop et pop rock soit de plus en plus aseptisée.


Omniprésence de l'intelligence artificielle, voix trafiquées qui n'ont plus rien de naturel, DJ aux musiques uniformisées, baisse de la créativité, population qui consomme tout ça trop passivement, etc, etc...


Sans forcément être incendiaire, le récit semble surtout mettre en lumière les possibles limites de l'utilisation à outrance de l'IA, ce qui se ressent beaucoup à travers la voix que suit le producteur Tao et ce qu'il cherche à faire d'Angela, d'autant plus que cette dernière semble prête à être sa marionnette pour atteindre son rêve, au point de devenir la "cobaye" parfaite... Toute une part du récit joue sur ce rapport entre Angela et Tao, voire sur leur relation conflictuelle. Mais même si Angela dit d'emblée à Tao qu'elle le déteste, elle semble prête à devenir bel et bien sa marionnette, si ça peut lui permettre d'être la meilleure et de révolutionner le monde de la musique... Seulement, à l'arrivée, est-ce que ce sera bien "elle" dans sa musique ?


Et là aussi, la série s'amuse parfois à aller un peu plus loin que le simple cadre musical, en évoquant certaines limites des techniques modernes (par exemple, même s'il apparaît très sympa, Pyotr reste une bonne grosse caricature de l'instagrameur obnubilé par son image et sa popularité).


Carole et Tuesday, elles, se reposent avant tout sur cinq choses: un clavier, une guitare, leur voix naturelle, des textes pouvant toucher simplement, et une passion franche. Sans doute est-ce pour cela qu'elles apparaissent si uniques, sincères et authentiques dans leurs représentations, comme un retour aux sources.


Entre d'un côté le cas du mystérieux Tao et de la place d'Angela à ses côtés, et de l'autre la progression sans artifices de Carole et Tuesday, le récit met en quelque sorte face à face deux types de musique. Certes, l'intelligence artificielle est apparemment plus sensée et donc plus efficace en termes de résultats, si bien que dans ce monde futuriste 99% des succès musicaux actuels proviennent de l'IA. Ce n'est donc pas pour rien que Tao ne voit que le rationnel de la production musicale par IA, lui qui parle parle même du public comme de simples consommateurs... Or, la musique n'est-elle pas au contraire un Art faisant appel à l'âme, aux émotions, cette émotion que savent véhiculer Carole et Tuesday par leur musique et leurs voix ?


Précisons tout de même que, si l'aspect critique évoqué ci-dessous pourrait parfois apparaître caricatural, Shinichirô Watanabe et son équipe sauront confirmer qu'ils sont plus malins que cela, au fil d'une deuxième partie de série où cet aspect se nuancera un peu plus, tout en restant toujours aussi riche notamment dans le portrait de certains personnages supplémentaires, et surtout où la mise en valeur de la musique (voire de la culture de manière générale) permettra de faire entendre des voix fortes face à des problèmes bien plus amples, bien plus graves et reflétant clairement notre époque sur certains enjeux politiques.




L'aspect technique de l'anime


Evidemment, qui dit série musicale orchestrée par Shinichirô Watanabe dit bande originale de qualité. Les musiques accompagnent toujours très bien le récit, et les différentes chansons sont impeccables, chacune dans leur catégorie, que ce soit les performance de DJ Etergun, les interprétations vibrantes d'Angela, mais avant tout les chansons de Carole et Tuesday qui touchent directement. C'est bien simple: le casting vocal est excellent, en particulier pour nos deux héroïnes dont les voix apparaissent vraiment en osmose (comment oublier ce "Can you feel my tears" ?). Sans oublier les entraînants opening et ending. On devine un très gros travail sur cette part essentielle de l'oeuvre. Notons quand même que le fait que les chansons soient toutes en anglais pourrait en chagriner certains.


Pour le reste, la série est techniquement très bonne sur cette première moitié. En dehors de quelques rares designs peu convaincants sur les véhicules, on a tout un univers travaillé dans les décors et les lieux, des designs de personnages très réussis jusqu'aux petites taches de rousseur de Tuesday, une mise en scène soignée, un rythme bien présent...


Les comédiens de doublages japonais sont eux aussi tous très bons. Netflix a conçu une vf pour les réfractaires, mais, sans être catastrophiques, elle n'est pas terrible, avec des intonations souvent un peu trop monotones.




© by Bones

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