Black Rose Alice

Humain toujours ou humain dégénéré

A l’origine, peu importe l’avenir qui est réservé à nos personnages, ceux-ci ont tous été d’une manière ou d’une autre humain. Un humain fait de chair et de sang, fait de doutes et de certitudes, fait de joies et de peines. Toute la question sera dès lors de savoir si leur transformation a eu une influence quelconque sur leur humanité de base, que ce soit en devenant vampire ou en étant transféré dans un autre corps qui ne leur appartient pas, immortel de surcroît. Gardent-ils toutes les traces de ce qui a fait leur humanité ou l’ont-ils perdu partiellement ou pire, entièrement ? Il est évident qu’une réponse ne pourra être fournie qu’au cas par cas. Comme il est impossible de traiter la spécificité de tous les protagonistes, on se bornera ici à analyser les éléments les plus marquants de l’œuvre. On ne peut aborder cette question sans passer par l’évidence, à savoir Dimitri et Alice, les deux pierres angulaires composant l’univers de Black Rose Alice. 
  
  
  
  
  
Pour Dimitri, comme déjà évoqué, tout commence à Vienne en plein début du XXe siècle. Jeune homme d’origine modeste et rom, il est recueilli par la famille Meyer dont il devient rapidement un proche puisqu’il n’est rien d’autre que le meilleur ami du fils du marquis de Meyer, Théodore. Dimitri est également un bon ami d’enfance d’Agnieszka von Rosenfeld, qui est promise à ce cher Théodore. Rien de bien compliqué à comprendre dans cette vie humaine du jeune homme. Malgré ses liens proches avec ses deux amis, il ne pourra jamais réellement les atteindre au niveau de la haute société, puisqu’ils appartiennent à un autre milieu. On pourrait se dire que les choses sont déjà bien telles qu’elles sont, puisque Dimitri a déjà une bien belle situation pour une personne d’origine misérable. Néanmoins, les choses se complexifient rapidement lorsque l’homme rêve aux étoiles. En effet, le jeune et beau Dimitri n’est rien d’autre qu’amoureux de la belle et jeune Agnieszka. Il sait très bien qu’il doit rester à sa place et c’est ce qu’il fait, mais, au fond de lui, il tente malgré tout de gonfler sa renommée, peu importe s’il doit vendre son corps pour cela, pour tenter vainement de s’accrocher à ce semblant d’étoile qui se présente à lui. Et ce cycle se répète incessamment jusqu’à ce qu’il meurt après avoir été écrasé par un cheval, après s’être disputé avec Théodore lorsque Dimitri avait appris qu’il avait couché avec Agnieszka avant leur mariage. Au loin, un papillon se pose sur ce qui devrait être un cadavre. Est-ce Dimitri, l’homme, qui se réveille ou bien est-ce une tout autre chose ?

La personne qui se réveille est d’une certaine façon Dimitri, mais, d’une autre, ce n’est plus entièrement lui. Comme précédemment mis en avant, un homme devenu vampire reste lui-même tout en acquérant des traits de caractère de son géniteur vampirique. Nous savons que Dimitri descend de Sir Bradley, le maître de Maximilien. Du peu que l’on sait sur lui, celui-ci, sous ses airs blasés et fantasques, pouvait se montrer cruel et personne n’était en mesure de deviner ses limites. Très fier, il usait de tous les moyens à sa disposition pour soumettre ceux qui tentaient de le surpasser. Et il n’hésitait pas à s’emparer par la force de ce qu’il convoitait. Dimitri aurait-il hérité de ce caractère ? L’interrogation serait difficile à trancher. Néanmoins, quelques faits sont là. A l’aube du jour où il apprend qu’il est devenu vampire et qu’il a acquis un pouvoir mortel, Dimitri sera à la source d’une tragédie. Se souvenant de la révélation que les vampires trépassaient peu avant d’avoir procréé, il décide d’aller chercher Agnieszka chez Théodore. Moralité de l’histoire : Théodore est tué de la voix de son meilleur ami et Agnieszka se suicide après que Dimitri tente de la violer. Non, Dimitri n’est pas entièrement son père vampirique, il ressent de la culpabilité et va passer le reste de son existence de vampire à tenter d’expier sa faute, notamment en ne touchant plus jamais le corps de la femme qu’il a aimé et qu’il a rendu immortel et en se mettant hors course dans la conquête du cœur d’Alice. Mais d’un autre côté, Dimitri ne sera plus jamais lui même, non plus... Après la tragédie de Vienne, Dimitri et Maximilien partent et errent pendant quinze ans avant de se faire accueillir par le comte Izumikoji au Japon. Mais ceci, c’est une tout autre histoire. Une histoire où Maximilien ne sera plus là par la suite et laissera sa succession à ses descendants. Mais avant de mourir, celui-ci avait peur de procréer, car, une fois que cela se ferait, la boîte de pandore révélera tous ces sentiments les plus enfouis à sa descendance (Léo, Kaï et Reiji). Seront-ils toujours loyaux envers Dimitri ?
  
  
  
  
  
Du côté d’Alice, comme nous l’avions déjà précisé ci-dessus, elle se prénomme à l’origine Azusa Kikukawa, jeune professeure japonaise ayant eu une relation amoureuse avec un élève avant d’avoir un accident de voiture. A l’origine, l’humaine Azusa est une femme lucide et réfléchie, mais qui a un côté passionné qui n’hésite pas à tout donner par amour. C’est cela qui va la pousser à accepter aussitôt le marché que lui ferait Dimitri, accepter de vendre son âme au prix de la vie sauve de Koya. Etant une femme intelligente, elle acceptera, comme elle pourra, et s’adaptera à sa nouvelle vie en tant qu’Alice, la reine entourée de ses trois prétendants vampires. Elle aura même tendance, sans s’en rendre compte, à se complaire dans son nouveau rôle, mais elle restera malgré tout quelque peu mélancolique, doutant sur la capacité d’aimer à nouveau. Pourtant très vite, au fur et à mesure des années, Alice affermit son propre caractère, au détriment d’Azusa qui disparaît petit à petit. Elle apprécie de plus en plus, qu’elle le veuille encore ou non, la compagnie de ces vampires à son service, devenant capricieuse et émotive, voire possessive à certains moments à l’égard de ce qui lui appartient. Est-ce l’influence du fait d’avoir été transféré dans un autre corps qui ne lui appartient pas qui la pousse à devenir quelqu’un d’autre ou est-ce tout simplement l’écoulement du temps qui tend à la changer ? Question épineuse que voilà. Néanmoins, le seul indice qui nous sera conféré sera lorsque Dimitri visitera les tréfonds de l’âme d’Alice. Celle étant sur le siège, qui eut autrefois l’apparence d’Azusa, tend progressivement à prendre la forme de celle qui fut appelée autrefois Agnieszka. On ne peut que laisser le lecteur à sa propre déduction. Il est cependant certain qu’Alice n’est plus et ne sera plus l’humaine qu’elle fut auparavant.

Tout cela nous pousse à conclure au fait que les personnages de Black Rose Alice, ayant tous connu d’une manière ou d’une autre un bouleversement dans leur vie, ont changé ou sont amenés indubitablement à changer et ce, pas simplement par les effets du temps, bien au contraire. Outre l’effet du temps, c’est incontestablement leur nouvelle nature qui les poussera à muer en autre chose. Une chose ni angélique ni diabolique. Mais il est certain que les noirs sentiments que l’un et l’autre cachent au plus profond d’eux pourraient changer la donne.