Bakuon Rettô - Actualité manga
Dossier manga - Bakuon Rettô
Lecteurs
19/20

Regard sur une époque

 
Comme déjà dit, Bakuon Rettô se déroule dans le Tôkyô du début des années 80, et à ce titre, Tsutomu Takahashi ne cesse de distiller, tout au long des volumes, des éléments qui renforçent la crédibilité de son récit et qui, surtout, sont autant de moyens de mettre en avant la culture populaire de cette époque, et ce qui animait le quotidien des zoku.

Nous avons déjà évoqué les groupes Anarchy et Kiss, mais bien d'autres chanteurs et musiciens accompagnent le quotidien de la bande des Zeros. Ainsi, plusieurs mentions sont faites d'Eikichi Yazawa, musicien de rock qui a connu une grande popularité à l'époque, et au sujet duquel Takahashi avoue qu'il était l'idole des bosozoku du début des années 80, notamment grâce à des chansons comme How To Be Big ou Nagai Tabi (Le Long Voyage). Sont également évoqués des groupes comme High Teen Boogie, trio féminin toujours actif influencé par le punk ou le blues, le groupe de doo-wop (variante du rythm and blues) Shanels, le groupe de rock'n'roll Yokohama Ginbae, dont les membres étaient connus pour souvent porter des vestes en cuir noir et exhiber des coiffures en banane (telles celle de Takashi, preuve que ce type de coiffure fut en vogue à l'époque), ou encore le chanteur Toshihiko Tahara.

Les références musicales ne s'arrêtent pas là, puisque Takahashi met volontiers en avant l'explosion du karaoke qui eut lieu au début des années 80 au Japon. A cette époque, les chansons défilaient sur cassette, souvent de 8 morceaux... Que de temps passé depuis ! De plus, des références à des émissions télévisées musicales sont présentes à quelques reprises. Citons l'émission de variétés Kôhaku, qui connaissait une forte popularité à cette époque, ou encore l'émission The Best Ten, qui fut diffusée chaque semaine sur la chaîne TBS de 1978 à 1989.

A vrai dire, les références à la télévision de l'époque sont nombreuses, et vont de ces émissions musicales aux émissions de faits divers, comme Weekender, en passant par des divertissements tels ceux des duos comiques Shinryû ou Two Beat (dans lequel nous retrouvons le célèbre cinéaste Takeshi Kitano), ou encore des séries et autres feuilletons, à l'image de Ohayo ! Spank, série animée bien connue chez nous sous le nom de Claire et Tipoune, Senpaki Sensei, feuilleton de la chaîne TBS programmé de 1981 à 1982, ou Himitsu no deka-chan ("Un inspecteur secret"), série policière de 1981 dans laquelle un couple marié se fait passer pour un père et sa fille.

La télévision est également un bon moyen pour nos héros bosozoku de vivre leur intérêt pour le catch. Ainsi, il n'est pas rare de les voir regarder un combat d'Antonio Inoki, véritable icône au pays du soleil levant, que Takashi va jusqu'à considérer comme son modèle, ou du tout ausis célèbre Iron Sheik. L'intérêt des bosozoku pour le catch est tel qu'il n'hésitent pas à reproduire des techniques de ce sport, comme le brainbuster.

D'autres références viennent s'ajouter: des références au baseball avec, par exemple, l'évocation du célèbre joueur Sadaharu oh, des références cinématographiques avec la sortie au cinéma d'Elephant Man, des références historiques avec l'évocation du drame du 19 août 1980 qui vît un extrêmiste enflammer un bus en plein Shinjuku, ou, tout simplement, des références à des gadgets de l'époque, comme les appareils-photo Fujicolor 400, ou encore les Nameneko ("chats-voyous"), gamme de goodies apparue au début des années 80, s'étendant dans de nombreux domaines comme les jouets, les posters, le cinéma, la musique ou la télévision, et qui mettait en scène des chatons habillés.

Ponctué de toutes ces choses simplement évoquées au détour d'une ou deux pages pour la plupart, Bakuon Rettô se retrouve ainsi renforcé par un certain souci de l'auteur de dépeindre l'époque avec le plus grand réalisme, comme une réelle envie de témoigner sur ce qui faisait le quotidien de nos héros à cette époque.
 
 
  
 
 

L'oeuvre d'une vie

 
Un talent incroyable pour nous immerger de l'intérieur dans l'univers et la manière de penser des bosozoku, un souci de dépeindre de manière réaliste les lieux et l'époque... Comment diable Tsutomu Takahashi a-t-il fait pour retranscrire aussi bien son sujet ?

La réponse se devine très facilement, à travers les préfaces de l'auteur: il a lui-même été un zoku dans son enfance.

Mieux encore: celles et ceux qui suivent la série et ont été un minimum observateurs auront compris que l'oeuvre est sans doute en grande partie autobiographique.
Au fil des préfaces et des tomes, nous sommes amenés à faire le rapprochement entre ce que l'auteur nous raconte sur son passé et les évènements qu'il met en scène. Quand il dit ne pas aimer les surfeurs, nous en retrouvons dans le manga. Quand il déclare avoir commencé à entretenir une haine féroce pour les policiers après que l'un d'eux a jeté une torche électrique qui est passée près de sa tête alors qu'il conduisait en moto, nous voyons cette scène dans l'oeuvre. Quand il avoue avoir perdu subitement un ami lors d'une chevauchée en moto, la même chose se passe dans le manga...
Enfin, on ne peut s'empêcher de remarquer que Tsutomu Takahashi, né en 1965, a 15 ans en 1980, tout comme Takashi, et que les deux ont pour date de naissance le 20 septembre.

Entre Takahashi et Takashi, il n'y a qu'un pas (ou une syllabe).

Dès lors, de nombreux évènements de Bakuon Rettô prennent une autre dimension, et se dressent comme autant de témoignages de la façon dont a pu les appréhender le mangaka quand il les a lui-même vécus pendant son adolescence, de la simple petite émission de catch à la baston entre bandes, en passant par l'maour et la mort d'amis. Bakuon Rettô se présente alors comme une sorte de longue confession, qui touche bien plus qu'au premier abord.

Je ne peux que conseiller à tout lecteur d'être très attentif envers les préfaces, qui apportent réellement une autre dimension à l'oeuvre, changent radicalement la manière de la percevoir. Pour s'en convaincre, une seule phrase de confession, issue de la préface du volume 3, suffira: "Pardonne-moi de t'avoir fait pleurer, maman".

Pour autant, le grand mérite de l'auteur est de nous offrir un récit qui ne se veut aucunement larmoyant ou même critique, qui évite toute leçon de morale sur l'une ou l'autre des deux voies que constituent la vie rangée des gens "normaux" ou la vie marginale des bosozoku.
L'ensemble se présente réellement comme un témoignage sur une époque, comme un regard bienveillant et à fonction d'exorcisation sur un passé que l'auteur a lui-même vécu. Le tout, à travers la peinture d'époque et les pensées du héros, possédant toutefois une teinte de mélancolie qui frise la nostalgie.
 
 

BAKUON RETTO © 2003 Tsutomu Takahashi / KODANSHA Ltd.

Commentaires

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Vagabond

De Vagabond [266 Pts], le 08 Janvier 2015 à 13h08

19/20

Une excellente série qui méritait cet excellent dossier !

J'avais déjà lu la série mais ce dossier m'a donné envie de m'y replonger :p

chawan

De chawan, le 05 Novembre 2014 à 13h31

Bonjour

Très bon article sur cet auteur merveilleux, mais juste une petite remarque : Takahashi Tsutomu 髙橋 ツトム (mangaka) et Takahashi Tsutomu 高橋 努 (acteur) sont deux personnes différentes... Effectivement, le mangaka est fan de rock et a joué dans un groupe. Mais il n'a jamais été acteur. L'autre Takahashi, en revanche, a une longue carrière sur les planches et au cinéma. Ils n'ont pas le même âge (Takahashi acteur est né en 1978, Takahashi auteur en 1965) ni la même tête. Tout cela est vérifiable sur les blogs des deux personnes : http://www.tristone.co.jp/blog/takahashi/ pour l'acteur, http://www.tao69.com/blog_new/index.php?@BM@=65 pour l'auteur (on peut même voir quelques photos de lui, dont une alors qu'il jouait dans un groupe de rock).

J'avoue que ce serait génial qu'il s'agisse de la même personne, mais cela n'est pas le cas !

Glacia

De Glacia, le 17 Avril 2012 à 21h04

18/20

Je me suis lancée dans la série, en grande partie grâce à ce dossier et au fait que j'aime le talent de l'auteur autant narrativement que graphiquement.

Et je confirme...excellente série, dommage qu'elle n'a pas plus de succès...

Cézo

De Cézo, le 21 Janvier 2012 à 23h03

20/20

Une série extraordinaire!

Mon seinen préféré!! =) Et super dossier.

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 04 Juin 2011 à 23h31

De rien ! Content de voir que ça a donné envie à certains de découvrir la série, malheureusement trop méconnue (comme beaucoup d'autres) :-)

bookman-junior

De bookman-junior, le 03 Juin 2011 à 21h57

20/20

merci pour ce dossier qui m'a permis de découvrir cet excellent seinen je me suis acheté les 2 premiers tomes hier et j'ai qu'une envie m'acheter la suite !

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 15 Mai 2011 à 22h38

Merci à vous :) Et content de savoir que ça donne envie à certains de commencer la série !

Kiraa, oui, il y a de ça dans le dessin de Takahashi :-)

Kiraa7

De Kiraa7 [2429 Pts], le 15 Mai 2011 à 14h24

17/20

Trés bon dossier, je me suis rendu que c'était le meme auteur que Alive , j'ai encore plus envie de faire cette série du coup !

La thématique des Zokus m'interessant, j'espere pouvoir lire ce manga d'ici peu :)

PS : le dessin me fait un peu penser à celui de Urasawa, un trait bien particulier pour chaque personnage ^^

jojo81

De jojo81 [7209 Pts], le 15 Mai 2011 à 00h15

Très bon dossier Koiwai. J'ai vraiment envie de poursuivre cette série. Les thématiques abordées pas Takahashi lors du début de ce manga me parlent beaucoup même si je vis à des années lumières de l'univers des zoku.

Et puis Takahashi c'est l'un des meilleurs dessinateurs.

 

(j'avais commencé la série pour la même raison que Kakunoshin ^^;)

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 14 Mai 2011 à 23h03

Kakunoshin, merci de m'éviter le bide ! XD

Dommage que cette série ne connaisse pas plus de succès en France... Elle reste pour moi la plus sincère de l'auteur. Mine de rien, il s'y confie beaucoup.

Kakunoshin

De Kakunoshin [551 Pts], le 14 Mai 2011 à 21h19

19/20

Très bon dossier.Rien à ajouter aux remarques de Koiwai.Bakuon Retto est vraiment un excellent manga dont l'immersion est la principale qualité ! Une série que j'ai eu l'occasion de commencer pour découvrir une autre oeuvre de cet auteur et pour compenser les sorties chaotiques des tomes de Sidooh.Je ne le regrette absolument pas !

 

Pas besoin d'être spécialement fan de motos pour apprécier la plongée dans l'univers furieux des Zokus.Les personnages malgrès certains aspects de leurs personnalités deviennent vite attachant (particulièrement Maniyon).Dès lors l'envie de suivre l'évolution de ce beau monde est bien présente.Surtout le chemin de Takashi comme souligné dans le dossier.Le seul à refuser (pour l'instant) un avenir hors des Zokus...

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