Ce que les animaux ont à nous apporter
Il y a ainsi de nombreuses informations assez documentées à retirer d'Une vie au zoo, que ce soit sur les animaux eux-mêmes, ou sur la manière d'assurer leur bien-être. Le tout est proposé dans un récit plutôt plaisant, car tout en conservant une certaine linéarité, celui-ci parvient à enrichir peu à peu les personnages humains, qui ne se limitent pas à Haruko et à l'antipathique directeur. On retiendra notamment le cas de Yuka, une autre soigneuse fortement impliquée dans le cas de l'hippopotame dont elle veut prendre soin (au risque de s'égarer un peu), celui de l'ancien directeur du zoo, celui de Tomoki à la fin du tome 2... On constate que la plupart des employés ont un réel amour de leur travail, et une volonté de bien faire, par exemple pour ne pas refaire des erreurs du passé, quitte à parfois peiner à trouver la bonne solution pour assurer le bien-être des animaux. Soigneur, ce n'est décidément pas un métier simple, tant il peut être difficile de bien cerner les bêtes, qui sont elles aussi des êtres vivants avec leurs propres émotions.

Le cas le plus évident de l'impact que les animaux peuvent avoir sur nous vient d'ailleurs de Haruko elle-même. Ses méthodes souvent étonnantes ont beau déstabiliser voire parfois déplaire à son entourage, la jeune femme continue d'agir à sa manière, avec une certaine force, un réel amour pour les animaux qu'elle considère autant que les humains, et presque naïvement. Elle campe une héroïne très plaisante à suivre, tant elle a à coeur de bien faire. Malgré ses maladresses et ses doutes, elle agit, tente des choses, a conscience de certains éléments importants : savoir observer les animaux, se soucier d'eux... mais aussi s'intéresser aux visiteurs, épauler certains enfants (comme une jeune fille rêvant de devenir soigneuse), effectuer la tâche très importante de la sensibilisation (par exemple, expliquer aux visiteurs pourquoi il ne faut pas qu'ils nourrissent les bêtes)... Par ce dernier aspect, la série conserve vraiment tout son intérêt autant pour les petits que pour les grands, tant il n'est pas rare de voir des visiteurs de zoo nourrir inconsciemment les animaux. Et on y cerne bien l'évolution d'une femme qui, là où elle n'a jamais été à l'aise en société humaine, noue un lien très fort avec les animaux. Un lien qui la changera, car les animaux lui permettront d'évoluer en bien.
Des exemples de l'impact que les animaux peuvent avoir sur notre évolution, il y a en vraiment de très beaux dans la série. On peut citer le cas de la tigresse récalcitrante, qui est surtout intéressant pour ce qu'il montre de Haruko, alors en pleine période de tourmente. Malgré ses incertitudes, elle cherche à comprendre l'animal, tente de trouver des solutions, et on la sent alors encore évoluer. Ou encore le cas du perroquet bavard, car à travers son lien avec le couple de personnes âgées qui a croisé sa route il y a des dizaines d'années, il montre à quel point un simple animal peut bouleverser une vie humaine en bien.

Quasiment l'intégralité du troisième volume s'intéresse de près au cas du chimpanzé Himari, ce qui fait de cette partie l'une des plus longues de la série. Et pour cause: Saku Yamaura va y développer beaucoup de très belles choses, qui, comme souvent dans la série, ne se limitent au simple "sauvetage" d'un animal, notamment parce que tout comme Haruko va tenter de faire comprendre certaines choses au chimpanzé, elle va elle-même apprendre sur elle-même au contact du singe.
On l'a déjà dit, Yamaura a à coeur de dépeindre les pensionnaires animaliers du zoo en montrant que tout comme nous ils ont un coeur, des sentiments, des émotions. Ici, elle accentue encore la chose, et le choix de mettre en scène un chimpanzé n'est sans doute pas anodin: il est bien connu que cet animal a en commun avec l'être humain 98% de son ADN, ce qui en fait l'un de nos plus proches cousins. Et cette similitude, Haruko va parfaitement la ressentir au contact du singe, d'abord agressif, qui la mord, la griffe, mais paraît surtout désespérément seule et inadaptée. Pour comprendre Himari, la jeune femme va alors d'abord devoir "enquêter" sur elle, comprendre son passé, ce qui a pu la traumatiser... Bien sûr, ça la renseignera sur Himari, mais aussi un peu sur son collègue Tomoki, ou même sur le directeur Fujimoto qui se montre sous un autre jour (déteste-t-il vraiment les animaux, comme beaucoup l'affirment ?)... mais également sur elle-même, car elle va vite se rendre compte que même s'ils ne sont pas de la même espèce, Himari et elle partagent des douleurs passées très similaires: enfance douloureuse liée à la mère, manque de confiance en société... En même temps que Himari, c'est alors Haruko qui va aussi continuer à avancer voire à se reconstruire, essentiellement dans son manque de confiance en elle et dans sa place dans une vie en groupe.
En plus du bien-être animal, il est ici question du bien-être humain, et du rapport indéfectible de l'homme et l'animal.
Kemono Michi ©2013 Saku Yamaura / Kodansha Ltd.
De Koiwai [13046 Pts], le 09 Juillet 2018 à 15h13
Très, très content que ce modeste petit dossier te donne envie, donc merci à toi pour ce commentaire :-)
J'ai l'impression que la série est passée un peu inaperçue pendant sa publication, pourtant elle regorge de qualités et peut toucher tous les publics.
De Daigo [922 Pts], le 07 Juillet 2018 à 23h37
Merci pour la « découverte » ; j'avais lu l'extrait mais je n'avais pas acheté le manga, croyant à tort qu'il serait très enfantin et réservé à un jeune public. Je cours l'acheter très vite. :)