Dossier manga - Un petit coin de bonheur

Clear Color


Troisième histoire du recueil, Clear Color (クリアーカラー) dans le Bessatsu Margaret Sister, édition spéciale du Bessatsu Margaret, en novembre 2014.

Dans cette intrigue, Shunya Hase est un lycéen modèle, avenant avec son entourage et surtout excellent élève. Un garçon idéal en somme, mais qui cache une face plus sombre : S'il en est là, c'est uniquement pour satisfaire ses parents qui le pousse vers la voie de la médecine. Shunya n'a pas son mot à dire, et c'est cloisonné par ces impératifs qu'il continue de jouer ce rôle d'adolescent parfait. Sa destiné changera lorsqu'il fera une « rencontre du troisième type », celle de Sarara Yatsuhashi, une camarade qui n'est que peu présente au lycée. Totalement libre et se dédiant à l'art, elle sèche délibérément les cours pour suivre en dessin l'épanouissement d'un chaton qui a élu domicile près de chez elle. De cette rencontre, l'état d'esprit de Shunya changera drastiquement.


KAREKORE KIRAKIRAMACHI © 2015 by Kaori Hoshiya by SHUEISHA Inc.

Pour la première fois dans une œuvre de Kaori Hoshiya, le personnage principal est un garçon. Ce n'est donc pas une demoiselle qui évoluera au contact d'un membre du genre opposé mais l'inverse, ce qui, en soi, ne change pas vraiment le cheminement de cette intrigue. L'idée de la mangaka consiste une nouvelle fois en l'opposition de deux personnes bien différents, tant par leurs caractères que par les notions qu'ils incarnent tous les deux. Shunya est un lycéen dans l'ombre perpétuelle de ses parents, n'existant que pour accomplir ce qu'ils ont décidé pour lui, là où Sarara est davantage indépendant et peut croquer la vie qu'elle mène car elle en a décidé ainsi. Un garçon emprisonné face à une jeune fille libre comme l'air, voilà l'idée principale de Clear Color, donnant alors lieu à une histoire moins guillerette que les précédentes par moments, et qui véhicule des intentions fortes.

Si on voulait mettre en parallèle une nouvelle fois ce récit à l'une des œuvres plus développées de la mangaka, on penserait forcément à Don't worry, Be happy. Ce jeu d'opposition entre les deux protagonistes n'est pas sans rappeler Anzu et Seiji, l'une étant cloisonnée par les impératifs financiers de sa famille, et le second libre d'agir à sa convenance, quitte à taquiner sa camarade. Mais l'histoire dépeinte dans Clear Color se veut plus solennelle et verse bien moins dans la comédie. De par les thèmes abordés dans un nombre de pages restreint, l'ambiance est plus douce-amère, mélancolique même par instants. La romance occupe une place moins importante que l'apport mutuel que s'offrent Shunya et Sarara tout le long de l'intrigue, Kaori Hoshiya menant cette progression de manière équilibrée avec des moments de drames entre deux tranches de vie lycéenne. L'aboutissement, ce sera la liberté que pourra caresser (ou non) le héros, changé grâce à sa nouvelle amie. L'histoire d'amour n'est cependant jamais bien loin, encore une fois, mais on pourra ici la soupçonner d'être un poil forcée. La déclaration sonne étrange, comme si elle arrivait afin de confirmer la dimension romantique du récit alors que l'intérêt n'était pas là jusqu'au final de l'intrigue. La concrétisation du couple reste jolie en terme de symbolique, mais l'équilibre semble moins pertinent sur cette fin. Mais parce qu'il s'agissait de la troisième histoire dessinée par Kaori Hoshiya dans sa carrière, on est tenté d'être souple dans notre jugement, d'autant plus que les deux récits précédents nous ont prouvé que l'artiste sait calibrer ses scénarios.

Goodbye Daisy


Puisque le recueil qu'est Un petit coin de bonheur propose les histoires courtes de Kaori Hoshiya dans une chronologie décroissante, l'avant-dernier récit de l'ouvrage est le second travail professionnellement publié de l'artiste. L'histoire, aussi nommée Goodbye Daisy (グッバイ・デイジー ) au Japon, a d'abord vu le jour dans le cinquième numéro du complément moi! du Bessatsu Margaret, celui daté de juillet 2014.

Lycéenne, Yuri Shikishima est follement amoureuse de Takaomi, un senpai avec lequel elle entretient une relation amicale. Seulement, ce dernier s'est récemment mis en couple, au grand désarroi de la demoiselle. Alors, quand Kurosawa demande à Yuri de sortir avec lui, elle peine à répondre. Il faut dire que la dégaine de mauvais garçon du jeune homme n'aide pas. Mais alors que Yuri le repousse, c'est avec compassion qu'il lui conseille de piquer Takaomi à sa copine. Plutôt que faire le deuil de ses sentiments, l'adolescente doit-elle se rattacher à ce maigre espoir ?

Goodbye Daisy est un récit intéressant à analyser à plusieurs égards. Le premier vient de la nature même du one-shot qui n'est pas une simple histoire d'amour, mais plutôt celle d'un deuil sentimental. Si l'objectif de l'héroïne consiste à séduire celui dont elle est éprise, la finalité n'aura rien d'aussi simple que dans d'autres romances lycéennes. Il faut dire que l'idée même de piquer le petit-ami d'une autre n'a rien de très morale, aussi il faut comprendre le conseil de Kurosawa à Yuri comme le suivant : Se raccrocher à son amour le plus fermement possible. Une idée passionnée et romantique qui tranche quelque peu avec l'allure de bad-boy du lycéen, ce qui fait une des particularités du titre.


KAREKORE KIRAKIRAMACHI © 2015 by Kaori Hoshiya by SHUEISHA Inc.

Dans cette histoire, l'intérêt vient donc de la dualité entre l'attachement qu'on peut éprouver envers ses sentiments, et la capacité à faire son deuil. Cette opposition a du sens dans un récit lycéen, l'adolescence étant justement une période où les premiers amours sont poignants, une phase durant laquelle tourner la page pour la première fois est un exercice particulièrement douloureux. Sous ses airs de comédie scolaire, Goodbye Daisy est une histoire assez triste dans les événements montrés, même si la finalité se veut positive. Yuri est ainsi une héroïne convaincante et attachante, tiraillée par son attachement envers son senpai comme par son envie d'aller de l'avant. Sa relation avec Kurosawa sera donc salvatrice, tandis que le début de romance entre eux est possiblement proche, même si le récit se veut volontairement flou à ce sujet et fait appel à l'imagination du lectorat pour réfléchir au devenir du binôme.

Concernant le titre de la nouvelle, on peut tout à fait s'interroger quant à sa signification. Les histoires précédentes ont montré que Kaori Hoshiya aime donné un nom imagé à ses histoires, et Goodbye Daisy est sans doute propice à une interprétation évidente. Daisy signifie la marguerite, et son langage floral renvoie à la pureté, l'innocence et l'amour véritable. Tous ces adjectifs caractérisent Yuri ou ses sentiments envers Takaomi. Dire adieu à ces notions, c'est donc exprimer une protagoniste qui tournera la page et qui, en faisant ses premières expériences amoureuses fortes, progressera sur le chemin de l'adolescence vers l'âge adulte. Un bien joli titre pour une histoire touchante, évoquant une période que chacun a connu ou est voué à connaître.

KAREKORE KIRAKIRAMACHI © 2015 by Kaori Hoshiya by SHUEISHA Inc.

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