Tu seras un saumon, mon fils... - Actualité manga
Dossier manga - Tu seras un saumon, mon fils...

Un père et son fils

Si Shôhei Sasaki développe le thème de la famille dans sa série, un thème sur lequel nous reviendrons juste après, il met en avant la dimension parent-enfant à travers la relation particulière et improbable entre Shion et Sauman. L'homme-poisson, fils du lycéen, est né de sa semence qui a fondé son œuf, donnant naissance à cet être hybride mais pourtant pourvu de sentiments aussi grands que ceux des humains, bien qu'il les exprime parfois différemment du fait de sa non-connaissance des us et coutumes de la société humaine. Malgré ces différents, cette relation n'est pas à remettre en cause : Shion est bien le père de Sauman, et le rejeton réalise son rêve en découvrant ce qu'un lien père-fils implique.

La relation entre les deux personnages fait l'objet des deux tomes de la série. Elle ne part pourtant pas de manière positive puisque, naturellement, Shion a bien du mal à croire qu'il a enfanté un être mi-homme mi-poisson, ce que l'on peut facilement comprendre. Naturellement, au fil des chapitres, le jeune homme fait fi des différences qui le séparent de son fils, l'appréciant d'abord comme un bon copain avant de comprendre ce que leur relation implique. Les deux volumes exploitent alors cette union, si particulière, en se focalisant sur ce que Shion peut transmettre à Sauman. L'homme-saumon n'est pas des plus éduqués au début de la série, il ne comprend pas bien comment il doit agir au contact des humains, et c'est bien l'insistance de Shion à ce sujet qui rendra Sauman plus docile. Durant la totalité du titre, Shion et Ginji endossent les rôles de mentors. Au-delà du fait que la série insiste sur le trio comme si elle présentait trois potes cherchant sans cesse l'amusement, une hiérarchie est établie dans leurs relations, de manière à représenter Sauman comme un enfant dissipé qui a besoin de l'éducation de Shion et de Ginji.

Outre cette transmission de la morale du parent à l'enfant, progressive, il y a l'évolution des sentiments. Tu seras un saumon, mon fils... se montre même assez touchant sur ses derniers chapitres dans l'attachement réciproques montré entre Shion et Sauman. En dévoiler plus serait de l'ordre du spoil, toutefois on peut marquer ce point par l'exemple de la fin qui joue énormément sur cette relation que l'on sent fortifiée depuis le premier chapitre. Il s'en dégage même une certaine poésie, celle du père qui a transmis à l'enfant et, parallèlement, de l'enfant qui montre sa gratitude à son parent. Aussi improbable que soit la situation, Shion est a donc bien agi comme un père, quand Sauman peut se montrer heureux que celui qui l'a mis au monde agisse finalement comme un géniteur.

Une histoire de famille

De la relation entre Shion et Sauman découle l'autre thématique phare de la série : la famille. Celle-ci est omniprésente et montrée de bien des manières tout le long des deux tomes. Elle est abordée de façon optimiste comme négative, Shôhei Sasaki s'attachant aux événements qui peuvent sublimer ou, au contraire, couler le cercle familiale.

Au début de l’œuvre, Tu seras un saumon, mon fils... plante un décor très similaire dans le manga, à savoir le schéma de la femme élevant seule son enfant. Shion et sa mère sont dit fusionnels, ce qui causera les moqueries des camarades du héros, mais dont ce dernier fait fi sans problème. L'élément perturbateur sera l'arrivée de Hiroshi Masterba, son beau-père, endossant le classique rôle du tyran de la famille qui amènera l'éclatement du cocon au sein duquel se réfugiait Shion. De cette situation tendue, l'auteur va développer la série et justifier notamment les relations entre personnages. Il met en parallèle la famille de sang et la famille de cœur, celle de Shion et le cercle qu'il s'est forgé avec Sauman, Ginji et le grand-père de ce dernier. Si d'un côté le mangaka se montre plutôt mélancolique en présentant le fossé qui s'est créé entre le protagoniste et sa mère, il développe une tonalité un peu plus douce en ce qui concerne la demeure de Ginji, véritable repère de ce nouveau cercle familial. L'absurdité ambiance du titre, si elle sert évidemment à faire rire, est aussi présente pour montrer l'apaisement au sein de ce petit cercle, comme si Shion avait réussi à quitter les souffrances de sa famille de sang par cet échappatoire.

Cette opposition est donc forte, mais l'idée de Shôhei Sasaki ne s'arrête pas là. Avec son diptyque, l'auteur a cherché à développer une issue positive et donner aux lecteurs un messages d'espoir. Ainsi, l'acte final de l’œuvre nuance davantage la situation, les personnages justement, faisant même évoluer le beau-père de Shion de manière à justifier les tensions qui peuvent se créer au sein du cercle familial. Pour le mangaka, une famille brisée n'est pas une fatalité, il y a toujours possibilité de recoller les morceaux et repartir d'un bon pied, pour peu que l'on s'ouvre à l'autre. Et c'est exactement ce qui caractérise la relation entre Shion et Sauman car si le lycéen s'est montré terrifié par les différences avec son fils, c'est quand Sauman s'est ouvert a lui qu'il a pu accepter son rejeton comme il se devait. Le message de l'auteur est donc noble et assez touchant. Ce n'est pas la première fois qu'il parle de relations humaines puisque c'était déjà le cas dans Virgin Dog Revolution. Et dans les deux titres, il est possible de sauver une situation pour peu qu'on ne se focalise pas sur soi uniquement, et qu'on cherche un minimum à comprendre l'autre.


© Shohei Sasaki / Kodansha Ltd.

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