Tokyo, amour et libertés - Actualité manga
Dossier manga - Tokyo, amour et libertés
Sur le paragraphe suivant, nous évoquerons les rapports sexuels dans les œuvres de Kan Takahama. Nous ne dévoilerons aucune images explicites, mais nous analyserons la narrations des rapports charnels entre les personnages. Vous voilà prévenus...

Un sexe non aguicheur au service du récit


Nous l'avons évoque précédemment, mais l'une des forces de la narration de Kan Takahama est de représenter l'acte sexuel dans ses œuvres comme quelque chose qui apporte du sens à l'intrigue, aux personnage et au contexte, et qui n'est pas là pour fait frétiller le lecteur.

Dans Le dernier envol du papillon, le sexe faisait partie intégrante du récit puisqu'une partie de l'action se situait dans des lieux de plaisir, endroit où travaille la courtisane Kicho qui est alors prise entre ses affaires familiales dramatiques et sa nécessité de satisfaire certains clients. Pourtant, les scènes de sexe sont bien moins présentes que dans Tokyo, amour et libertés, récit qui s'intéresse au sexe d'une toute autre manière. En effet, dans cette œuvre de la mangaka (antérieure au Dernier envol du papillon bien qu'elle ait été publiée chez nous après, rappelons-le), le sexe est abordé sous deux optiques. Il est d'abord justifié par la profession d'Ishin et Eijiro, qui n'hésitent pas à "aller sur le terrain" pour glaner de l'inspiration, mais aussi par l'amour naissant entre le protagoniste et Aki, la jeune femme métisse qu'Ishin rencontrera d'abord dans un cours de dessin de nu. D'autres moyens d'incorporer de la sexualité dans le récit, sachant que l'autrice reste fidèle à elle-même dans sa manière de représenter le rapport sexuel dans une œuvre pourtant grand public.


Avant le sexe, il y a le nu. Aki, par exemple, apparaît régulièrement en tenue d'Eve. Mais, encore une fois, difficile d'y voir un moyen d'aguicher le lecteur, Kan Takahama parvenait à montrer son personnage dénudé sous un angle artistique, celui d'un portrait, un ressenti qui s'appuie essentiellement sur les poses dans lesquelles sont présentées Aki. Comme si on pouvait faire un parallèle avec notre première rencontre du personnage qui occupe un poste de modèle pour du nu, Aki sera régulièrement présentée dans ce type de pose renvoyant au modèle artistique. Aucune vulgarité dans la représentation de la jeune femme, donc, aussi parce que ces représentations sont ancrées dans la narration du quotidien que vivent la jeune femme et Ishin.

Venons-en aux rapports sexuels. Ceux-ci sont distillés à travers le volumes et nourrissent différentes intentions de narration. La première, par exemple, a quelque chose de léger et d'humoristique, là où les suivantes répondent à une volonté de montré le quotidien intime d'Ishin et Aki. Aucune vulgarité dans ces représentations qui se limitent alors à de la suggestion par la force de la mise en scène : dans les échanges verbaux d'un Ishin déshabillant Aki, on devine leurs intentions et les actions qui suivront sans avoir besoin d'un gros plan sur une pénétration. La seule cache explicite du one-shot a lieu en début de tome et représente le protagoniste qui, se tenant le membre, s'apprête à passer à l'acte. Une mise en scène étonnamment explicite mais qui survient dans un contexte léger où les échanges corporels entre Ishin et sa camarade de lit seront présenté sous un angle assez cocasse.

Ainsi, dans Tokyo, amour et libertés, Kan Takahama utilise brillamment le sexe pour nourrir ses intentions de narration. La nudité et les rapports charnels sont très présents, mais il semble difficile de considérer l'ouvrage comme un titre aguicheur, destiné à nourrir quelques pulsions.


Le style de Kan Takahama, une continuité avec Le dernier envol du papillon


Si on veut analyser la patte graphique de la mangaka, il faut d'abord s'appuyer sur Tokyo, amour et libertés avant Le dernier envol du papillon, afin de respecter l'ordre des publications.
A la lecture de l'ouvrage, on peut ainsi ressentir que l’autrice affirme un style qu'elle perpétuera quelques mois plus tard, dans son titre suivants. Kan Takahama joue ici sur énormément de nuances de gros, un rendu qui apporte beaucoup de nuances et donne à l'ouvrage des allures d'estampes. Mais une différence sépare le présent récit au Dernier envol du papillon : on ressent dans Tokyo, amour et libertés une plus grande utilisation du dessin numérique, un trait fin mais qui ne semble pas avoir les propriétés du crayon, là où son art semble justement beaucoup plus manuel dans le récit suivant. Il serait difficile de donner une justification à ce changement artistique, même si on peut supposer que le rendu manuel du Dernier envol du papillon correspondaient mieux à l’œuvre. Reste que beaucoup de choses rassemblent les deux one-shot au niveau du style, notamment cette fameuse utilisation des nuances de gris qui apporte un cachet certain au titre, et aide à rendre une sobriété à cette représentation d'époque. Cela aide aussi à la représentation des scènes de nudité et de sexe, à les ancrer dans une banalité du quotidien, et épurer le tout en le dénuant de toute volonté aguicheuse.


Il est amusant de constater une frontière graphique dans Tokyo, amour et libertés : un fossé séparant le style de la globalité de l'ouvrage et celui de l'épilogue qui, pour le coup, correspond davantage à ce que fera Kan Takahama dans son récit suivant. Mais dans le cadre de ce one-shot, une justification semble toute trouvée : des décennies séparent le récit de sa conclusion, et ce changement dans le style aide à poser le marqueur temporel. Un choix artistique qui permet d'affirmer l'étendue des talents de Kan Takahama, une excellente manière de conclure l'ouvrage de telle sorte à planter chez la lectrice ou le lecteur une envie de découvrir les autres récits de l'artiste.


L'édition de Glénat



Sur Le dernier envol du papillon, les éditions Glénat proposaient un ouvrage plein de noblesse : un format similaire aux Perfect Edition de Dragon Ball, Dr Slump ou Kenshin, un papier de qualité, et quelques pages couleur pour ponctuer le tout.
Afin de rendre honneur à Kan Takahama, l'éditeur poursuit sur cette lancée avec Tokyo, amour et libertés, un choix judicieux ne serait-ce pour permettre aux deux ouvrages de bien se marier dans les bibliothèques. Et, encore une fois, ce semi-grand format convient parfaitement à un titre deux comme de la mangaka qui misent énormément sur leur esthétique pour l'immersion dans l’œuvre et pour le rendu de l'ambiance globale.

Et, une fois n'est pas coutume, la traduction a été confiée à Yohan Leclerc qui fournit un excellent travail, notamment dans les échanges entre personnages plein de vie et plein d'amour, en ce qui concerne Ishin et Aki. Une édition d'excellente facture à tous les niveaux, aussi les amateurs de beaux ouvrages n'ont pas à se priver de ce one-shot très bien fabriqué.

© 2013 Kan Takahama by TAKESHOBO Co.LTD., Tokyo.

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