Tokyo, amour et libertés - Actualité manga
Dossier manga - Tokyo, amour et libertés

L'autrice, Kan Takahama


Née le 9 avril 1977 à Amakusa, dans la préfecture de Kumamoto, Kan Takahama fait ses débuts en 2001, chez l'éditeur Seirindô. Elle publie dans un premier temps plusieurs histoires courtes qui paraitront dans un seul ouvrage, Yellow Backs, qui paraîtra chez nous, aux éditions Casterman, sous le titre Kinderbook. Cette première étape chez Casterman marquera le début du parcours de la mangaka en France. En 2003, suite au Festival International de la Bande-Dessinée d'Angoulême de cette année, elle publie une histoire dans le magazine Bang : Bons Baisers d'Angoulême.



La même année paraît Mariko Parade, titre dessiné par Takahama mais scénarisé par Frédéric Boilet, qui sera publié chez nous aux éditions Casterman et au Japon chez Ohta Shuppan.



En 2004 paraît au Japon Awabi, tandis que Nagi Watari paraît en 2006. Casterman publiera une compilation de ces deux titres sous l'intitulé L'eau amère, en 2009.



En 2010, Kan Tahakama réalise un autre one-shot, en partenariat direct avec Casterman : 2 Expressos. Une nouvelle fois, c'est Ohta Shuppan qui édite l'histoire au Japon.



La suite de la carrière de Kan Takahama se fera davantage sur le sol japonais. En 2013, elle publiera Tokyo, amour et libertés, l'histoire qui nous intéresse tout particulièrement dans ce dossier.
L'année suivante paraît une autre œuvre parue chez nous : Cho-no Michiyuki, traduit par Le dernier envol du papillon en France. La prépublication a lieu dans le magazine Comic Ran des éditions Leedsha, et l'histoire paraît sous la forme d'un one-shot en janvier 2015 au Japon. En France, Glénat publie l'unique volume le 5 avril 2017.



En 2015, toujours dans le Comic Ran des éditions Leedsha, paraît la série la plus ambitieuse de la mangaka. Nyukusu no Kakutô est toujours en cours et dénombre actuellement quatre tomes. Kan Takahama y traite les modes de vie japonais et français en 1878, preuve que la France est un pays qui restera cher pour elle.



Enfin, sa dernière série en date s'intitule Emma wa Hoshi no Yume wo Miru. One-shot paru chez Kôdansha et co-production japano-française, le récit parle une nouvelle fois de France mais aussi de gastronomie Le one-shot est paru chez nous en février 2018 aux éditions Les Arènes sous le titre Le goût d'Emma.



Toute l’œuvre de Kan Takahama se compose donc de recueils d'histoires courtes, et de nombreux one-shots. De l'aveu de la mangaka, les œuvres en un seul tome ne sont pas forcément sa spécialité, il s'agit simplement de formats décidés à l'avance par l'éditeur, l'autrice ne faisant qu'adapter ses récits à cette durée. Reste que son récit majeur, Nyukusu no Kakutô, est l'une des seules histoires de Kan Takahama à rester inédite en France.


Une histoire basée sur des faits réels


Les récits dessinés par Kan Takahama semblent rarement être le fruit du hasard. L'idée de Tokyo, amour et libertés est venue à l'autrice en découvrant les histoires de deux membres de sa famille : son grand-oncle, et son grand père.Le premier se nommait Hidesaburo Tominaga et lui a inspiré le personnage d'Eijiro Aoki. Pour le second, la référence est beaucoup plus directe puisque son grand-père s'appelait Yoshimune Miyake, et a donc inspiré le personnage du même nom, protagoniste du one-shot.


Tokyo, amour et libertés n'est pas une biographie à proprement parler, puisque l'histoire narrée par Kan Takahama est totalement fictive. Ce qui a fasciné la mangaka, c'est les raisons qui ont poussé sa grand-mère à ne pas se remarier par la suite. Après le décès de celle-ci, en découvrant un carnet de notes de son grand-père, Kan Takahama a compris les raisons, celles d'un amour sincère. Plutôt que narrer simplement l'histoire de la rencontre de ses grands-parents, elle s'est amusée à créer un personnage inspiré de son grand-père mais différent, et lui donner une relation amoureuse aussi pure que celle qui a eu lieu dans la réalité. Bien qu'Eijiro et Yoshimune ne soient pas parents dans le manga de l'autrice, créer cette relation entre des personnages basés sur son grand-père et son grand oncle l'amusait. A noter aussi que tous deux n’exerçaient pas dans le journalisme érotique, au contraire même, puisque le vrai Yoshimune était professeur et est mort de maladie à son retour de la guerre, un sort nettement différent par rapport à la fiction. On peut alors voir dans Tokyo, amour et libertés, outre un moyen de narrer une histoire plantant des thèmes précis, un moyen de compenser une absence familiale, le fait de ne pas avoir connu des grands-parents fascinants, que Kan Takahama aurait aimé côtoyer.

Le sexe et le tabou qui l'entourait au XXe siècle


Avec Le dernier envol du papillon, on commence à avoir l'habitude que Kan Takahama nous parle de sexe de manière décomplexée, dans l'optique de nourrir de véritables contextes historiques plus que de vouloir émoustiller ses lectrices et lecteurs. Dans Tokyo, amour et libertés, le sexe est encore plus présent et occupe même une place essentielle du récit. Une orientation de l'intrigue justifiée par les professions des deux protagonistes dont Ishin, chroniqueur érotiques, qui vont régulièrement sur le terrain afin de trouver l'inspiration nécessaire, pour rendre leurs prochains écrits encore plus fascinants. S'intéressant plus à la pratique des deux compères qu'à la trame de fond concernant Ishin, la première partie du volume décortique non sans légèreté cet aspect du récit pourtant torride. Kan Takahama nous fait bien comprendre quels rapports lie les personnages et si elle ne montre pas ces séquences sous l’œil du voyeurisme, il n'est pas rare de voir des corps dénudés et des poitrines explicitement dévoilées.


Dans toute cette première partie, il est intéressant d'observer la place qu'occupe le sexe dans cette société japonaise aux mœurs de plus en plus sévères. Être rédacteur pour une revue érotique n'est pas forcément le travail le mieux vu, si bien que les péripéties d'Eijiro et Ishin sont parfois présenté sous une sorte de tabou social. Leurs "expériences" paraissent parfois osées, au point que le binôme doivent se rendre dans des bourgades aux rites un peu plus rustiques pour obtenir le matériel nécessaire à l'écriture d'un bon article. Ce côté interdit sera aussi retranscrit lors de l'épisode des cours de dessin sur du nu, scène charnière de l'ouvrage qui lancera véritablement l'intrigue, et qui sera présentée comme une pratique interdite comme le récit nous le prouvera ultérieurement.

Aux yeux du lecteur occidental et après avoir lu Le dernier envol du papillon, qui mettant l'accent sur les courtisanes et lieux de plaisir dans une période de situant quelques décennies auparavant, découvrir la place du divertissement du sexe dans la société nippone a quelque chose d'éducatif, et surtout d'assez inédit. Difficile d'avoir les connaissance sur l'émergence des revues érotiques et pornographiques et, sachant que Kan Takahama est une autrice qui se documente énormément, on voit dans Tokyo, amour et libertés une volonté de nous en apprendre davantage.
Notons aussi que nous pourrions développer encore plus cette dimension taboue par rapport aux mœurs et aux interdits d'époque, mais cela nous obligerait à dévoiler une partie essentielle du récit, sur laquelle nous reviendrons plus tard...

© 2013 Kan Takahama by TAKESHOBO Co.LTD., Tokyo.

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