Tokyo Magnitude 8 - Actualité manga
Dossier manga - Tokyo Magnitude 8

Usamaru Furuya, un artiste engagé



Un mangaka au service de la gente féminine


« J’ai tendance à penser que les hommes sont enclins à la violence car ils sont faibles moralement, et que les femmes sont fortes parce qu’elles sont les mères de l’humanité. »

C’est sur ces paroles que s’ouvre le cinquième et dernier tome de Tokyo Magnitude 8, un final marqué par un tournant décisif du scénario durant lequel les hommes, victime de leur morale brisée, vont tout faire pour envahir un immeuble occupé par des femmes pour leur propre sécurité. On ressent dans l’ensemble du manga que l’auteur voue un grand respect pour le sexe opposé et à bien des égards. Il ne s’agit pas de féminisme car le message du mangaka ne cherche pas à parler d’égalité entre les sexes, il cherche davantage à montrer la force psychologique des dames et demoiselles en les opposant aux hommes de différentes manières tout le long du manga. Pour cela, Usamaru Furuya n’y va pas par quatre chemin et dénonce le viol, et plus précisément les instincts animaliers de certains prêts à passer à l’acte en toute connaissance de cause. Sur la fin du récit, son discours prend même une certaine violence en imaginant que dans une telle situation, des nuées de mâles seraient capables d’envahir certains lieux pour purement et simplement assouvir leurs besoins primaires, de manière malhonnête. L’auteur semble respecter la femme autant qu’il manque de confiance en la gente masculine, un trait qui se ressent aussi dans le traitement des personnages. Car comme dit précédemment, si Jin part de l’image du héros pour se retrouver briser moralement à plusieurs reprises, il en est tout autre pour Nanako et Rika qui subiront de violences sévices physiques et psychologiques mais ressortiront de ces expériences avec davantage d’assurance. Et tandis que les hommes entreront dans différentes rixes au cours du scénario, c’est par l’union et la solidarité qu’il voit la société féminine, bien forcée de se serrer les coudes quand elles sont prises pour du bétail.

Outre la moralité qu’insuffle le mangaka à son récit, on peut y voir une toute autre image, celle de la beauté de la femme en tant qu’être vivant. Car c’est bien la gente féminine qui est capable de procréer et de donner un aboutissement à l’amour. En cela, la conclusion du récit fait preuve de réelle poésie, la beauté sublimant la société et étant capable de briser les instincts animaux de l’homme.





Un ton trop engagé qui nuit à la crédibilité du récit


Si la pensée d’Usumaru Furuya est louable et que le retranscrire dans sa série lui donne une véritable identité et une aura d’œuvre engagée, on peut regretter que le mangaka pousse ses idées à l’extrême au point de créer un décalage dans le scénario. Le ton des débuts se veut en effet réaliste, l’auteur insérant de nombreuses narration pour expliquer les origines scientifiques et sociologiques de certains phénomènes, donnant à l’œuvre une crédibilité sachant qu’elle n’est que fictionnelle. Il aborde même des thèmes graves tels que le viol, des sujets auquel nous n’aurions pas pensé dans un récit catastrophique mais qui trouvent une justification dans les notes du narrateur, en l’occurrence l’auteur. Pourtant, une fois arrivé au quatrième volume, ce sont les idées d’Usumaru Furuya qui prennent le pas sur la cohérence du récit pour qu’au final, le récit catastrophe laisse la place à un scénario apocalyptique où les hommes deviennent fous au point de vouloir violet toute dame ou demoiselle qui passe. La fin de Tokyo Magnitude 8 est donc sujette à une certaine polémique dans le sens où si les premiers tomes se sont montrés captivants et savaient aborder le thème sous des angles très différents, beaucoup de sujets restaient à traiter comme l’implication des autorités et des politiques dans les événements et les mesures de secours, idée à peine effleurée au cours du manga. Il est donc difficile d’accepter une telle surenchère, finalement peu crédible, dans un manga qui a cherché à l’être à ses débuts. Néanmoins, le mangaka apporte une symbolique et une finalité à ses développements et des idéaux, et parvient à réconcilier le lecteur avec son titre qui a pour mérite d’apporter un épilogue au destin des différents personnages de la fiction.


Un dessin contemplatif du désastre et des tourments des personnages


Le dessin d’Usamaru Furuya est des plus particuliers. Il gravite autour de lui une volonté de réalisme et un côté parfois crayonné qui atteste de l’authenticité de la pâte graphique de l’auteur qui ne fait pas dans le dessin informatisé. Cette crédibilité montre néanmoins ses limites dans les erreurs de proportions faites par le mangaka. La physionomie des personnages n’est pas toujours exacte, et quelques approximations de faciès s’illustrent ci et là, ne serait-ce pour le visage de la petite Malyn qui affiche un regard des plus étonnants.

En dehors de ces qualités et défauts, le dessin de l’artiste fait preuve de certaines forces, la première d’entre-elles est le travail effectué pour appuyer l’impact psychologique que la catastrophe a sur les personnages. A commencé par les visages des personnages qui, quand la situation l’exige, s’avèrent très expressifs. Usamaru Furuya parvient à bien retranscrire la détresse chez ses protagonistes tout comme il sait dépeindre leur joie. Ainsi, Jin est rendu parfaitement crédible lors des séquences où il perd pied et caresse l’état végétatif et lors des moments plus heureux, certaines figures affiches des expressions euphoriques tout à fait convaincantes. En parallèle, la mise en scène du mangaka est au service de cette volonté d’expression et d’appui psychologique. Le tome quatre affiche alors des séquences dérangeantes et une ambiance glaçante, différente de ce qu’a montré la série dans ses premiers volets, y compris les scènes de viols qui, elles, insistent de manière fugace sur la violence et l’absence d’humanité de l’acte criminel.





C’est aussi sur la représentation du séisme lui-même et des destructions que l’on pouvait attendre l’auteur au tournant, et force est de constater que celui-ci a tout fait pour accentuer le côté destructeur de la catastrophe. Les scènes des secousses semblaient difficiles à retranscrire et le choix de mise en scène du mangaka est totalement légitime. Si sur la papier le séisme et ses répliques ont l’allure de bourrasque, c’est avant tout la cassure des environnements qui est dépeinte de manière très vive et nous fait comprendre la violence des phénomènes. Passés ces instants, le mangaka parvient à dessiner la désolation sous tous ses aspects : les paysages ravagés sont légions et détaillés, ils présentent un Japon hautement meurtri tandis que la représentation des victimes et des cadavres est glaçante de réalité et ce même lorsque l’auteur fait dans le gore.

On peut donc avoir des a priori sur le style graphique d’Usamaru Furuya, notamment pour certaines approximations, mais son trait est globalement réfléchi est surtout en lien avec la démarche de l’auteur et son travail sur les personnages. Le graphisme proposé présente ni plus ni moins que la réalité catastrophique de tels phénomène, et il se met au service de la psychologie des personnages à de nombreuses reprises, lors des instants les plus graves. Tout ça confère à Tokyo Magnitude 8 une aura dramatique mais aussi authentique.
  
  
  


© 2006 by USAMARU FURUYA /Shinchosha Publishing Co.

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