Syndrome 1866 - Actualité manga
Dossier manga - Syndrome 1866
Lecteurs
17.50/20

La mort, la vie, et tout ce qui nous reste

 
 

Une vie qui se consume d'une belle ardeur

 
Héritage direct du roman de Dostoïevski, les différents acteurs de Syndrôme 1866 campent tous leurs rôles avec une profonde "passion", Miroku en tête. Lui qui s'était enfermé dans un immobilisme proche de l'inexistence, la préparation de son crime, son exécution et tout ce qui s'en est ensuivi l'ont poussé à vivre et survivre comme jamais il n'a du le faire. Balloté dans tous les sens, extérieurement et intérieurement, par les conséquences de ses actes, Miroku a du réapprendre à appréhender le monde d'un seul coup, à se confronter à des liens familiaux et amicaux qu'il a toujours cherché à repousser mais qui lui tendent de nouveau la main, et à faire de nouvelles rencontres pleines de sens.
Parmi celles-ci, on retiendra bien évidemment l'arrivée d'Ethika qui viendra profondément changer la donne du récit, au travers d'un cinquième volume poignant, occultant toutes les questions en cours pour se concentrer sur sa vie. Humiliée dans sa chair et dans son âme, désemparée après la perte de tous ses repères et de la figure mi-paternelle, mi-affective que représentait son enseignant, la jeune femme aurait pu aller vers le désespoir ou vers la mort. Pourtant, elle a décidé de vivre, envers et contre tout, contre ces blessures passées qui marquent encore aujourd'hui ses esprits, en faisant preuve d'une incroyable abnégation. Plutôt que de s'en remettre à la violence où à la justice, cette victime a décidé de se tenir debout, fière, pour mettre son bourreau devant sa propre culpabilité. Bien des choses peuvent apparaitre dans ce profond don de soi, entre altruisme pour aider les victimes collatéral de cet acte odieux, pur vengeance envers son agresseur ou, peut-être, l'ouverture d'une porte menant au pardon après un long chemin de pénitence. Par son dévouement, Ethika incarne à elle seule toute la force de la justice, comprenant les autres sans pour autant pardonner leurs actes. Elle provoque ainsi une relation de confidence, se nourrissant de son propre vécu pour abattre son regard inquisiteur sur ceux qui se sont détournés du droit chemin. Ainsi, Miroku sera happé par la beauté de ces yeux si tristes, mais si ouverts, regardant au loin la possibilité d'un avenir où toutes les fautes seront payées. Si la vie peut tout nous prendre, Ethika nous rappelle qu'il restera à jamais l'espoir, et qu'il faut continuer à se battre rien que pour lui, malgré le poids de nos péchés ou de nos souffrances.

Si Ethika incarne pour Miroku la lumière de la raison et de la justice, Kai Sudo représente de son côté les ténèbres. Les ténèbres d'un monde archaïque, sans foi ni lois, où les règles établies par la société n'ont pas lieu d'être. Sudo a tout du mâle dominant qui vit comme il l'entend, en imposant ses propres désirs au Monde, dans une impétueuse liberté très séduisante, mais aussi très trouble. En réalité, cette assurance dans le geste cachent des dépendances beaucoup plus lourdes à gérer pour l'homme d'affaires, et ce "carnivore" n'aura lui-même qu'un maillon de la chaîne alimentaire. De même, nous le verrons nourrir de nombreux regrets, voulant parfois retourner dans cette société qu'il a lui-même rejeté, en commettant même quelques bonnes actions. Ainsi, malgré sa nonchalance et son émancipation affichés, Sudo subit lui aussi les aléas de son environnement, quitte à choisir la fuite quand les choses semblent lui échapper. Il passera ainsi une vie totalement hors de contrôle, sans aucune contrainte, mais aussi sans aucune attache. Est-ce là une belle manière que d'aborder son existence ? Découvrant les penchants de Miroku pour le crime, Sudo voit peut-être ici une manière de transmettre sa manière de vivre à quelqu'un. Car si en apparence, cet homme a l'air d'un grand séducteur charismatique, ce n'en est pas moins un homme seul, incompris. Mais l'alternative qui propose ne manque pas de semer le trouble dans le cœur de notre protagoniste...
       
     
  
    
     

De la réflexion de nos faiblesses

  
De l'exemple naît la réflexion, et l'accumulation des destins tragiques, mais débordant de vie, croisés durant notre lecture, il est temps de dresser une vision globale de la position de l'Homme dans la société. Or, Naoyuki Ochiai n'a pas oublié de mettre en avant la dimension psychologique dépeinte dans l'œuvre originale, en réadaptant également les nombreux passages de dissertations sur l'existentialisme humain. Cet aspect sera en particulier incarné par l'arrivée du procureur Goi dans l'aventure. Plus qu'un véritable duel policier, la confrontation entre Miroku et Goi prend l'optique d'un débat philosophique, s'articulant autour du "Don du Moissonneur", nouvelle écrite il y a quelques années par le jeune étudiant, racontant l'histoire d'un homme amené à tuer sa voisine au nom du "Don" offert par la nature, le rendant supérieur à ses semblables. Dominnants et dominés, vainqueurs et vaincus, bourreaux et victimes, carnivores et herbivores,.... la dualité du genre humain est un thème récurrent du manga, s'imposant pour justifier les nombreux travers de la société. En ce sens, Syndrome 1866 peut donc également apparaitre comme une long désamorçage de cette idée reçue. Miroku relative au fur et à mesure sa position "supérieure" en comprenant qu'il n'est qu'un homme comme les autres et que, de cet état de fait, il n'avait aucun droit de s'en prendre à l'un de ses semblables, quel que fut son crime. Si cette adaptation se veut épurée de tout aspect religieux, ou presque, la confession des crimes y conserve une grande importance.
Le dilemme imposé à notre héros peut alors se réinterpréter ainsi : continuer à exister selon cette vision biaisée de la société, où s'accomplir en parvenant à assumer et à demander le pardon de la faute commise.
 
Le manga nourrit ainsi le lecteur de grandes idées sur l'existence, sur les relations humaines et les hiérarchies imposées plus ou moins involontairement par la société. Il est rare qu'une œuvre de bande-dessinée aille aussi explicitement dans l'étalage de ces théories, en comprenant de très longs passages de réflexions et de dialogues pour argumenter les différents points de vue. En allant jusqu'à cet aspect presque professoral, illustré par les nombreuses histoires nourrissant la fiction, Syndrome 1866 va au bout de ses idées, laissant au lecteur le soin de les explorer à différents niveaux de lectures selon ses envies. Si certains passages se voudront très (trop) bavards, ce n'est que pour mieux revenir à tête reposée sur les évènements autrement plus marquants de la vie de Miroku et de son entourage. Tout cela nourrit une étude complète, nous faisant entrer profondément dans notre propre conscience, nos envies et nos pulsions refoulées. Jamais nous n'aurons plongé aussi loin dans la tête d'un tueur !
 
 

TSUMI TO BATSU © 2007 byNaoyuki Ochiai / FUTABASHA PUBLISHERS LTD., Tokyo

Commentaires

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melliw

De melliw [826 Pts], le 27 Avril 2012 à 14h48

17/20

très bon dossier qui m'a convaicu. l'oeuvre me faisait de l'oeil depuis un moment,je vais m'y mettre!

dkrevenge

De dkrevenge [2696 Pts], le 12 Avril 2012 à 10h59

18/20

très bon dossier, pour une série très interessante (pas évident à lire)

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