Silver Diamond

Un calme ... trop calme

Si l’on a auparavant statué de l’ambiance particulièrement douce et nonchalante qui dirige le récit, il y a toutefois un bémol à y placer. Car pour un shojo qui se promet aventureux, avec des accroches nous vendant dynamisme, mystères et rébellion, le récit ne suit pas ! Les actions mettent toutes longtemps avant d’être mises en place, et la course vers le prince sanome prend des tomes et des tomes, et encore maintenant on a l’impression que Rakan et ses amis ne suivent pas. Ici, le héros et sa petite troupe font semblant d’avancer vers le prince tyrannique, sans que la narration ne se concentre réellement sur ce « détail ». Au final, qu’ils avancent ou pas est un fait sans importance dans le scénario, et c’est bien dommage. On peut prendre certains exemples pour illustrer ces propos, le premier se situant dans les débuts du manga, alors que Rakan se lie d’affection avec les gardiens des marches perdues. L’arrivée en masse de nouveaux personnages, d’un groupuscule rejeté par le prince qui veut au départ prendre en chasse celui qui lui ressemble tant déçoit : amenée sans façon, cette communauté « rebelle » ne sert en rien l’histoire, elle permet juste de faire stagner le récit : dans le tome quatre, à part l’arrivée de Rakan et ses compagnons, il ne se passe rien ! En guise de révélation, on apprend que Chigusa Senro est Chigusa Senro, que le prince est un ayame et que Rakan est le prince des sanome ! Que du connu … Mais il faut tout expliquer aux nouveaux personnages, et tant pis pour le lecteur qui s’ennuie à mourir, alors que ces débuts auraient pu être relevés par la découverte du nouveau monde dans lequel notre héros évolue à présent ... Mais non. L’auteur se délecte de cette inutilité, en les faisant après ça se perdre dans des souterrains sombres reliés aux endroits où Kinrei exploite le sang qu’il tire du prince, sans que cela ne prenne la moindre importance. Un très long moment, ils sont restés là, abandonnés par la mangaka qui ne se souvenaient d’eux que très sporadiquement, pour une blague ou un comique de situation uniquement. Trop de textes, trop de paroles pour ne rien dire, trop d’actions pour ne rien faire et l'absence totale de la moindre avancée rendent le manga monotone, une longue balade tranquille sous des airs de fantastique, genre qui a d’avantage la réputation d’être dynamique.
 
  

 
 
On peut aussi parler des personnages, qui évoluent à la vitesse d’un escargot en plein mois d’aout, avec Rakan qui devient prévisible et facile à cerner dans ses réactions pleines de valeurs et ses passe-temps hors propos. Chigusa, quant à lui, a toujours son air énigmatique, même si la dynamique du personnage est en fait loin d’être mystérieuse. Les liens qui les unissent les uns aux autres commencent finalement à être bien rodés, sans pour autant se montrer convaincants. Ces relations semblent figées depuis que chacun a séparément été conquis et subjugué par la personnalité de Rakan, sans prendre la peine d’évoluer par-dessus, ce qui entraine une stagnation évidente des protagonistes. Certains se demandaient pourquoi Silver Diamond est un shojo plutôt qu’un yaoi, mais la raison est d’une simplicité affligeante : Rakan a toute la panoplie caractérielle de l’héroïne de shojo, et en lui rajoutant une jupe et quelques cheveux on ne serait pas dépaysés, avec sa naïveté qui frôle l’indécence, tandis que du côté des relations amoureuses il ne se passe strictement rien  à part quelques sous-entendus, un peu répétitifs, qui n’ont jamais de suite. Entre leur monture chien géant-licorne qui n’a aucun intérêt, les disputes pour prendre son bain avec Rakan et leur bonheur splendide, gage de leur amitié éternelle … on s’ennuie, on s’ennuie vraiment ! Rakan n’a aucun rôle prédominant à part celui de planter des fleurs de partout, consoler un serpent en découvrant qu’à sa mort il devient une rivière ou agrandir son groupe de joyeux lurons par de belles paroles … C’est un condensé de répercussions presque comiques tant elles sont inintéressantes et pourtant glorifiées dans le manga. Bref, le titre s’enlise et seuls Kinrei et Shigeyuki pourront un minimum nous intéresser … si la mangaka ne se complaisait pas dans le mutisme et les informations au goutte à goutte. Si seulement le voyage des quatre compères avançait au lieu de toujours les faire tomber dans des situations rocambolesques leur permettant uniquement de jouer les marioles et de tomber dans les bras les uns des autres …

Notons également des pistes intéressantes mais non exploitées par l’auteur, à notre plus grand désespoir. Notamment, les origines du monde que rejoint le héros, mais aussi une avancée plus poussée du passé de nos personnages. Ne serait-ce que Chigusa, avec son importance charismatique dans le manga, pourrait bénéficier d’un peu plus de développement. C’est bien simple, ce défaut parait être au début une qualité, car rendant le scénario simple à comprendre, bien que la narration soit peu fluide et s’attarde sur des banalités. En outre, il est impressionnant de voir quelles lacunes l’auteur nous laisse dans le récit ! En effet, Rakan qui est pourtant le héros, a un passé intéressant car ayant du vivre en autonomie très jeune, des relations avec les autres alors compliquées ... Et non, le personnage manque totalement de recul, sans aucune réaction par rapport à sa propre vie, qu’il n’a pourtant pas oubliée ! Le tout manque vraiment de naturel, ce qui est problématique pour une série de fantasy. D’autant que certains points de la narration manquent cruellement de logique ... Car c'est en ancrant les comportements de ses personnages dans une réalité familière qu'un auteur de fantasy peut parvenir à impliquer ses lecteurs dans un univers étranger. Or non seulement les interactions sociales et les réactions des personnages sont peu crédibles (même pour des japonais), mais la construction même du monde parallèle laisse à désirer. Les incohérences et les approximations abondent (ils n'ont pas de mot pour "savon" ou "drap", pourtant ils connaissent le concept de soleil, alors qu’ils ne l’ont jamais vu chez eux ?). Peu adapté, comme si l’auteur n’avait pas réfléchi avant de faire découvrir un monde inconnu à Rakan et qu’elle l’appréhendait en même temps que nous. Sans parler de la cerise sur le gâteau, le débarquement en règle des personnages masculins qui pleuvent dans le jardin de Rakan dès les premiers tomes ... Très mal mise en place de la rencontre des protagonistes.