Sangsues - Actualité manga
Dossier manga - Sangsues
Lecteurs
18/20

Le style de Daisuke Imai



Mélange de genres réussi


Un élément qui frappe beaucoup dans Sangsues, c'est la façon dont l'auteur place son récit à la croisée de différents genres, de diverses ambiances.

Le début de Sangsues nous plonge dans un univers teinté de fantastique aussi perturbant que fascinant, où l'on commence par suivre la jeune Yôko dans ses errances diurnes, au gré d'une narration légère et de planches assez blanches, vaporeuses et aériennes, à l'image de la vie un peu dissolue que la demoiselle semble mener. Une aura de mystère s'empare rapidement de ces premiers pas dans le monde des sangsues. Pourquoi Yoko semble-t-elle invisible aux yeux des autres ? Est-elle morte ? De même, on retrouve cette ambiance un peu plus posée au début du tome 3, quand Yoko, de retour dans la demeure familiale, se fait observatrice de cette famille qu'elle a laissée en plan.

Et cela, alors que se tisse rapidement un scénario finalement beaucoup plus ancré dans le polar et le thriller, et porté par la mise en scène soignée et implacable de l'auteur. Certaines planches sont glaçantes, font froid dans le dos, et possèdent un impact fort qui rendent cette ambiance réussie.
L'ambiance de thriller tendu s'accélère encore dans le tome 4. La recherche de Kara par Yoko, la quête vengeresse de Kara, les investigations du flic Sato, les manigances de la jolie femme blonde suivant de très près Kara, la soif meurtrière de Tetris... sont autant d'axes enfin destinés à se rejoindre, finissant par emmener tout son petit monde dans une spirale où les meurtres, les vengeances et les désirs et tourments des personnages sont la clé. Et offrant au récit une tension qui va crescendo avec efficacité.

A cela, il faut ajouter le portrait sociétal évoquée précédemment, pour un résultat qui trouve une savante alchimie, car il n'insiste pas plus sur un aspect que sur un autre.


Contrastes


Daisuke Imai propose un style qui, pour porter les ambiances, joue énormément sur les contrastes blanc/noir, avec notamment une utilisation très prometteuse des aplats de noir. Par exemple, juste après la scène d'introduction, le blanc des pages cède plus sa place au noir, le trait se fait plus sombre tandis que nous découvrons les origines du mal-être de Yoko qui l'ont poussé à purement disparaître. Il en ressort un aspect qui semble au premier abord presque un peu épuré, mais qui témoigne surtout d'une belle maîtrise pour porter l'atmosphère et conserver une entière fluidité.





Décors urbains


A cela, l'artiste ajoute quand il le faut des décors humains, en intérieur comme en extérieur, qui s'avèrent très réaliste et rappelle toujours de façon juste le milieu dans lequel évoluent les personnages. Certains décors peuvent avoir quelque chose de naturellement étouffant, laisser transparaître une sorte de jungle urbaine sans qu'il soit besoin d'en faire trop. Et Imai sait aussi utiliser à bon escient ces décors en interaction avec ses personnages, par exemple dans le tome 3 qui s'ouvre sur un petit jeu de piste bien mis en scène et exploitant le terrain de façon immersive.


Mise en scène


A des graphismes léchés, Daisuke Imai ajoute des angles de vue travaillés, que ce soit en sachant cadrer comme il faut ses scènes plus mouvementées, ou en se focalisant efficacement sur les visages de ses protagonistes. On peut par exemple citer la scène du tome 5, quand Billy téléphone à son chef et que tombe l'information selon laquelle Makoto est au bord de la mort, touchée par des flèches d'arbalète. Yoko se métamorphose alors, comme le laissent efficacement voir les quelques planches ponctuées d'une mise en scène à l'impact fort où l'on retient le regard rond et complètement noir de la demoiselle dans un saisissant effet de zoom.


Erotisme naturel


Il y a aussi, l'érotisme naturel et aucunement insistant que dégagent les personnages féminins de l'auteur. Et ce dès le début de la série, avec ces plans rapprochés dégageant une certaine sensualité. La dégaine et le visage de Yoko ont quelque chose qui charme au premier abord, et on se prend vite à aimer scruter les petites mimiques et gestes propres à la jeune fille.





Une narration allant à l'essentiel


Chose très plaisante, Imai ne s'attarde jamais plus que de raison sur ses développements. Il va à l'essentiel sans brusquer son récit et sans chercher à apitoyer le lecteur, que ce soit dans les informations sur les personnages ou dans les scènes d'action. Pas besoin de plus : quelques pages suffisent à chaque fois, car le mangaka entretient parfaitement l'atmosphère rude et glaçante de son histoire en soignant son trait fin, ses angles de vue et ses jeux d'ombre et de lumière. L'ambiance est là, les choses ne s'éternisent pas, on n'a pas le temps de s'ennuyer et l'essentiel ressort très bien sans forcer.


Malgré tout, quelques limites


Dans ce récit qui a beau être prenant, les petites et facilités et les clichés sont tout de même présents.

Dans le tome 2, il y a le fait que Yoko et Tsukinuma se retrouvent tous deux de leur côté à rechercher Rin comme par hasard, mais aussi le focus sur les jumeaux qui est assez expéditif (notamment le changement qui s'opère en Rin après les paroles de Yoko). Idem dans le volume 3, concernant l'heureux hasard qu'est la rencontre opportune de Yoko avec la grand-mère. Ou dans le tome 4, quand Sato recroise Yoko pile au bon moment pour la voir en possession de ses clés...

Enfin, un personnage peut agacer un peu : Tetris, qui constitue un méchant horripilant dans sa dégaine stéréotypée de tueur fou, dans sa mentalité de gros sadique, et même dans certaines de ses passions (aaah, le bon vieux cliché du gamer violent).

Reste que ces diverses lacunes ne sont pas trop visibles, et s'inscrivent dans le désir de l'auteur de ne pas s'attarder et d'aller à l'essentiel. De ce fait, ils ne gênent pas en profondeur.
  
  
  


HIRU © Daisuke Imai 2011 / SHINCHOSHA PUBLISHING CO.

Commentaires

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jeankevin1er

De jeankevin1er, le 27 Avril 2016 à 19h23

Un très bon dossier pour une série qu'on peut en effet conseillé et un auteur à suivre.

Karakuri

De Karakuri [3196 Pts], le 16 Avril 2016 à 11h37

18/20

J'ignorais que les couv' jp et fr étaient différentes, dans les deux cas elles ont du style.

Je trouvais déjà les dessins assez géniaux en regardant les tomes en magasin, et ce dossier me l'a confirmé.

Bref merci pour ce dossier intéressant ! Cette série était sur ma longue liste d'achats et elle vient de passer tout au dessus ! Mélange équilibré de thriller divertissant et de portrait de société avec des dessins léchés c'est exactement ce que je recherche en ce moment !

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