Real - Actualité manga
Dossier manga - Real
Lecteurs
18/20

Ce handicap qui est le mien

 
Quiconque a lu Real l'a déjà bien compris: on aurait tort de considérer cette série comme un manga de sport. Ici, le sport sert avant tout de moyen de reprendre goût à la vie pour ces personnages principaux confrontés, de différentes manières, au handicap.

De ce fait, il paraissait logique que Takehiko Inoue développe pendant son manga le statut des handicapés. C'est ce qu'il fait donc, et c'est d'ailleurs sur ce aspect qu'il nous bluffe plus que jamais.

Quand le joueur de handi-basket Kazuyuki Kyoya avouait avoir été impressionné par la richesse que propose l'auteur à ce sujet, il était totalement dans le vrai, car c'est un portrait complet des handicapés que nous sert le mangaka. Impressionnante est la focalisation sur le ressenti des personnages, à l'image d'un Yama tantôt optimiste, puis qui peut montrer ensuite de profond moments de pessimisme sur sa situation, où d'un Takahashi qui refuse tout d'abord totalement sa nouvelle condition. C'est d'ailleurs à travers ce personnage que le lecteur peut s'identifier le plus. Au départ, Takahashi ne connaît rien des handicapés et montre volontiers pléthore de préjugés à leur sujet. Dès lors qu'il en devient lui-même un, le voici contraint de voir ce qu'ils peuvent vivre, par quelles émotions ils peuvent passer, et à quel point ils doivent faire des efforts pour se relever.

Et comme pour appuyer cela, Takehiko Inoue nous offre, via son coup de crayon juste détaillé comme il le faut (moins détaillé qu'un Vagabond, sans doute, mais détaillé de manière juste, Real jouant dans un autre registre) et les réflexions toujours pertinentes de ses protagonistes, des scènes de rééducation immersives à en frémir, pendant lesquelles on ressent pleinement les efforts fournis par les personnages. Les visages se crispent, s'emplissent de sueur face aux efforts fournis, et le tout, très réaliste, impressionne.

Par ailleurs, Inoue aborde tout un tas d'autres thèmes en parallèle, des thèmes plus extérieurs, par exemple sur l'image que les handicapés peuvent renvoyer dans la société, ou sur leur réinsertion qui peut être réellement délicate. Takahashi expérimente tout ceci via sa peur de se retrouver dans une foule où il sentirait tous les regard braqués sur lui, ou en constatant que son ancien lycée est inapte à accueillir une personne en fauteuil roulant. Quant à Togawa, il voit ses coéquipiers déclarer de manière pessimiste que l'on n'attend rien d'un handicapé, pas même en sport. En neuf tomes, Takehiko Inoue a déjà parfaitement prouvé l'inverse. Via la force morale que peuvent dégager certains, via les efforts incessants qu'ils fournissent, via leur façon de tout donner dans la rééducation où les matchs de handi-basket, on les admire et on prend conscience de leur mérite. Tout le talent de l'auteur étant de conserver un ton simple, qui ne s'enfonce jamais dans la surenchère de pathos ou quoi que ce soit de ce genre, qui présente tout simplement des personnages en proie au doute ou ayant l'envie d'avancer, des personnages totalement humains, comme vous et moi. Et c'est en ça que le récit émeut facilement.

Et voici donc Takahashi face à la difficulté de devoir accepter sa nouvelle condition, de garder de la considération pour ce qu’il est devenu, alors même qu'il voit tout son référentiel de valeurs réduit à néant. Le voici totalement perdu, dans un univers qu'il ne connaît pas, où il n'est plus en état de mépriser les autres mais où il se considère lui-même comme méprisable. Et c'est petit à petit qu'il devra se recréer un monde collant à sa nouvelle condition. Là où il s'intéressait à peine à toutes les filles qui le convoitaient, il doit à présent s'estimer chanceux qu'une seule d'entre elles s’intéresse encore à lui. Là où il rejetait en bloc un père à l'opposé de ses anciennes valeurs, voici qu'il le découvre peu à peu sous un autre jour. Et là où il vivait bien sans faire d'efforts, le voici obligé d'apprendre à lutter pour s'en sortir et donner un véritable sens à sa vie. Un handicap peut changer bien des choses. Devenir handicapé ne signifie pas forcément avoir une vie brisée, et peut être un véritable nouveau point de départ.
 
 


Pour finir


Quand on voit qu'Inoue déclare que Real est avant tout un moyen de se reposer entre deux tomes de Vagabond, on n'ose pas imaginer ce que l'oeuvre donnerait si le mangaka en faisait son plat principal, tant les qualités sont déjà multiples.

Si, à l'instar de Slam Dunk, le basket reste extrêmement présent, notamment grâce à la passion que lui vouent les personnages, le ballon rouge n'est pourtant plus ici qu'un élément parmi tant d'autres.
Autour de trois personnages que tout oppose et qui se retrouvent pourtant liés par une même passion et/ou des tourments liés au handicap, le mangaka aborde un sujet qu'aucun autre n'avait osé prendre auparavant, à savoir le handicap, y mettant en avant les statuts d'handicapés tous différents, les problèmes physiques et psychologiques qu'ils peuvent avoir, leurs craintes... mais aussi tout ce qui fait leur force et qui peut forcer l'admiration.
Et pourtant, le handicap n'est pas non plus le sujet principal de l'oeuvre. Inoue aborde ses thèmes sans insister et fait passer ses idées le plus naturellement du monde.

En fait, il n'y a pas de sujet principal à Real, ou, plutôt, il n'y en a pas qu'un. Un peu à l'image des relations qui se forment entre ses personnages, l'auteur crée des liens entre ses différents sujets, jusqu'à créer une alchimie parfaite où tout ressort justement.

On se retrouve alors avec une série unique et toujours juste, intelligente et forte sans être pesante, qui conserve totalement sa fonction de divertissement et qui met pourtant en valeur pléthore d'idées pertinentes. La valeur de la vie, le ressenti quand on l'affronte et qu'on la vit à fond, sans se laisser abattre par les malheurs, la dimension sociale de personnages se poussant tous vers l'avant... Sur un ton réaliste et juste, qui n'a pas besoin de forcer, Inoue nous plonge dans le plus humain des manga, abordant de belle manière ce qui fait notre monde. Bienvenue dans la réalité. Bienvenue dans Real.
 
 
Mise en ligne le 16/09/2011. 
Mise à jour le 26/12/2012.
 
 
   
Fiche de la série: Real
Fiche de la série VO: Real vo
Fiche de l'auteur: Takehiko Inoue
 
 

Dossier réalisé par Koiwai


Real © INOUE Takehiko / IT.Plannings.Inc.

Commentaires

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Kurumi

De Kurumi [604 Pts], le 17 Septembre 2011 à 19h16

Super génial ! :D
Tout comme ce manga d'ailleur ! ♥

titali

De titali [2269 Pts], le 17 Septembre 2011 à 17h18

18/20

Très beau dossier pour une série tout aussi belle!:)

Parfois un peu de lourdeur et de répétitions, mais c'est vite oublié, vu que le dossier est franchement intéressant et bien fait!

Koiwai

De Koiwai [12693 Pts], le 17 Septembre 2011 à 01h49

Merci !

Pour ma part; comme, souvent, je ne suis pas totalement satisfait de mon travail XD Je regrette un plan faisant appel à quelques répétitions... mais bon, mieux vaut se répéter que d'oublier certains éléments, je suppose ^^

En ce qui concerne la traduction, j'avoue ne pas être choqué par cet aspect assez soutenu dans Real, voire de manière générale dans d'autres séries. Après, tout dépend du type de série, et sur Real je trouve que ça fait plutôt bien ressortir la beauté de certaines phrases ^_^

Quant aux fautes de frappe, la majorité doit à présent être corrigée ^^ C'est que ça m'arrive souvent, ce genre de petites fautes...

Raimaru

De Raimaru [1245 Pts], le 16 Septembre 2011 à 21h28

Le mot de la fin est sublime, bravo Koiwai \o/

 

Real est un de mes mangas préférés (il est malheureusement sorti de mon podium depuis que j'ai découvert Ashita no Joe, pourquoi un podium ne peut-il pas avoir quatre places T_T), mais c'est techniquement le meilleur manga que j'ai lu. Pas de faux pas, que des grands bonds.

 

Real, c'est simplement l'histoire de trois gars confontés à une difficulté commune et qui ont le même centre d'intérêt. Mais ce que y est le plus fort et comme ça a été dit, c'est qu'ils se croisent et se poussent mutuellement à avancer lors de ces croisements, mais sans vraiment... être amis finalement. Nomiya éprouve un certain respect pour Togawa qui finalement ne lui rend pas en apparence, et Takahashi n'évolue que par les provocations de Nomiya. C'est en ça que c'est puissant et très réaliste. On n'a tous plus ou moins été influencé dans nos vies par des personnes qu'on ne connait pas plus que ça, sauf que voir ça dans un manga, ce n'est pas forcément commun. Et en plus c'est bien fait.

 

Juste un point sur lequel je ne suis pas d'accord : la qualité de la traduction de Thibaud Desbief. J'ai beaucoup aimé son travail sur Solanin (certaines répliques basiques m'ont bien fait rire parce qu'elles étaient bien tournée =D), je n'ai pas été choqué par celle de Pluto, mais elle reste lisse. Par contre sur Real, elle me pose problème. Je doute que même au Japon, dans la réalité, des jeunes de 18-20 ans utilisent des "cela" et des inversions sujet-verbe dans les questions à tout-va. C'est trop guindé.

 

Dernière chose, rien de bien grave : il y a pas mal de coquilles dans le dossier ^^' C'est dommage parce que les tournures sont très bonnes =)

kiki_

De kiki_, le 16 Septembre 2011 à 12h55

Un super dossier pour un super artiste :D

Merci a vous.

 

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