Ranpo vu par Maruo - Actualité manga
Dossier manga - Ranpo vu par Maruo
Lecteurs
12/20

L’Île Panorama


Le roman de Ranpo


À l’origine publié en 1926, l’Île Panorama est disponible en France chez Picquier.
     
     

   
  
  
On y suit Hitomi Hirosuke, éternel étudiant et écrivain incompris, qui rêve de créer un « paradis » terrestre, qui s’inspirerait d’un conte d’Edgar Allan Poe. Lorsqu’il apprend la mort de Komoda, homme d’affaires richissime dont il est le portrait craché, il invente un stratagème pour mettre en scène la résurrection de ce dernier et de se faire passer pour lui. De prime abord, c’est un succès total, et Hitomi, désormais fortuné, entame son projet démentiel.

Ce roman d’environ cent cinquante pages brasse deux thématiques chères à Ranpo.

La première, c’est l’amour de l’art déviant.
C’est quelque chose de très courant dans l’œuvre de Ranpo. L’auteur aime mettre en scène des individus misanthropes, riches et particulièrement esthètes, souvent criminels. Dans La Chambre Rouge, un homme raconte comment il a élevé le meurtre au rang d’art, en étant parvenu à rester impuni tout en faisant plus d’une centaine de victimes ; dans L’enfer des miroirs, un homme asocial se renferme de plus en plus sur sa passion des miroirs, pour lui expression de l’art dans sa forme la plus pure ; Dans La bête aveugle, un homme atteint de cécité séquestre des jeunes femmes dans une pièce unique à la beauté tactile, la quintessence de l’art ; Dans Le Lézard Noir, l’antagoniste (à savoir Madame Midorikawa, alias le Lézard noir) est attiré par la beauté immuable des diamants, mais aussi, et surtout par celle des êtres vivants naturalisés. Même constat pour le personnage principal de L’Île Panorama, devenu riche à la suite d’une escroquerie, et désireux de créer une île panorama, un paradis incarnant toute la variété et la beauté d’une multitude de visions merveilleuses. Tous ces personnages ont en commun leur amour immodéré pour une forme originale d’art, qui finit par les rendre fous, dangereux pour eux-mêmes et/ou pour les autres. Le « héros » de L’île Panorama pousse d’ailleurs les choses jusqu’au bout en faisant de sa mort même une œuvre d’art éphémère.

L’autre grand aspect de L’Île Panorama particulièrement représentatif de l’œuvre de Ranpo est celui de l’enquête policière.
Dans la plus pure lignée du roman à énigmes, le récit met en scène un criminel particulièrement retors qui met en place un plan tordu, mais ingénieux pour se retrouver lavé de tout soupçon. Il y parvient d’ailleurs presque, et écarte un à un tous les dangers jusqu’à ce qu’un détective des plus perspicaces le perce à jour après avoir découvert un infime indice qui le mène jusqu’à la clé du mystère. Si le côté roman policier est loin d’être le plus présent du récit, il est tout de même l’un des éléments centraux du début et de la fin du manga.
  
  
  
  
  

L’adaptation de Maruo


Si La Chenille faisait le lien entre l’univers de Ranpo et de Maruo grâce à de nombreux aspects liés à l’ero-guro, c’est nettement moins le cas pour L’Île Panorama.

À l’origine, L’Île panorama n’as rien d’un roman d’ero-guro, et il présente relativement peu de points communs avec l’univers habituel de Maruo (ce qui explique en grande partie le fait qu’il ait pu être édité par Casterman). Il y a bien sûr le côté surréaliste, également très présent chez Maruo, mais c’est à peu près tout, et c’est pourquoi le titre occupe une place à part dans l’œuvre du maître (à côté duquel on pourrait mettre certains des récits de L’Enfer en Bouteille).

Encore une fois, et au risque de répéter une évidence, la grande différence entre le roman et le manga tient en ce que Maruo met en image le texte de Ranpo, bien que le rendu final soit très différent de celui de La Chenille. On retrouve le trait fin et détaillé de l’auteur, et on abandonne le côté surchargé et dégoûtant (à l’exception de certaines scènes) au profit d’une narration faisant la part belle aux paysages splendides et fantasmagoriques. Le résultat est à double tranchant, et quant à savoir quel procédé de l’écriture ou du dessin parvient le mieux à retranscrire ces paysages, c’est selon le goût de chacun. Le dessin a le mérite d’accompagner le lecteur pour lui proposer un rendu certes d’une grande beauté, mais quelque part limitant, puisque forçant à se borner à la représentation donnée, là où le texte laisse le lecteur libre d’imaginer la scène plus librement.

Comme pour La Chenille, l’adaptation est très fidèle, bien que l’auteur accentue de façon encore plus flagrante le côté érotique de l’œuvre. En effet, celui-ci est des plus implicites dans le roman, et si l’on devine que l’île est le théâtre d’une certaine débauche, celle-ci semble finalement très légère, et à but essentiellement artistique. Maruo s’approprie l’œuvre en y ajoutant des scènes de sexe crues propres à son univers.

Les deux auteurs parviennent tous deux, à travers deux procédés narratifs différents, à retransmettre l’ascension, l’apogée puis l’effondrement d’un paradis factice qui n’existe que grâce au mensonge et au meurtre. D’un certain point de vue, le lieu est un enfer dès ses prémices.
  
  
  

Commentaires

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Luciole21

De Luciole21 [2209 Pts], le 05 Septembre 2014 à 18h00

Merci pour la pertinence de ton commentaire, j'en tiendrai compte pour mes futurs travaux. 

saqura

De saqura [4249 Pts], le 08 Août 2014 à 14h34

12/20

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