Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 31 Juillet 2025
Quelques années après sa pétillante comédie romantique SOS Love, la mangaka Yasuko est de retour aux éditions Akata depuis le mois de juin avec le premier volume de Tout à fait mon genre, une série achevée en deux tomes et dont le titre français s'avère très bien trouvé au vu du sujet principal de l'oeuvre. De son nom original "Akira-kun ka mo Shirenai Akira-chan ka mo Shirenai" (que l'on pourrait traduire littéralement par "C'est peut-être Akira-kun. C'est peut-être Akira-chan", cette oeuvre a vu le jour au Japon en 2020-2021 dans les pages du magazine Betsucomi des éditions Shôgakukan.
On y suit Kazuma Iwagami, jeune homme qui, pour son entrée à l'université, rêve plus que tout de trouver une fille avec qui bâtir une relation de couple sérieuse. Et son rêve semble proche de devenir réalité puisque, suite à une rixe, le destin met devant lui Akira Haruna, une fille elle aussi en première année de fac et pour qui il a le coup de foudre, avec ses beaux traits et son air angélique ! Mais après l'avoir retrouvée avec la volonté de se rapprocher d'elle et de d'abord devenir un ami digne de confiance, une question lui taraude de plus en plus l'esprit: Akira est-elle vraiment une fille, ou un garçon à l'allure androgyne ? A force de voir l'élu(e) de son coeur se vêtir et se comporter tantôt comme une fille tantôt comme un garçon, et tandis que personne ne semble connaître le genre d'Akira dans son entourage à la fac, Kazuma ne sait plus quoi penser de ses sentiments, lui qui s'est toujours vu comme un pur hétéro et qui semble avoir des idées bien arrêtées sur ce que doivent être une fille et un garçon...
Autrice qui avait déjà su faire de sa comédie romantique SOS Love une belle petite réussite grâce, notamment, à un flot d'humour un peu barré et bien calibré, Yasuko récidive d'emblée ici avec un premier tome qui, une nouvelle fois grâce à une grosse dose d'humour jouant sur pas mal de choses différentes (les nombreuses émotions de Kazuma dont le petit coeur va parfois à cent à l'heure, la gloutonnerie d'Akira, sa désarmante naïveté de campagnard tout juste arrivé à Tokyo...), se fait rapidement haut en couleurs et rafraichissant. Une tonalité légère et attachante qui, à n'en pas douter, permet à la mangaka d'évoquer avec une belle légèreté de ton son sujet autour des questions de genre.
En effet, dans l'un de ses mots, l'autrice affirme bel et bien vouloir aborder ces fameux rôles de genre et parler aux personnes qui ont, au moins à un moment de leur vie, pu se sentir en décalage avec les normes et modèles de féminité et de masculinité encore trop imposés par la société, au risque d'étouffer leur pleine personnalité. Et dans cette optique, si Akira ne manque jamais de séduire grâce à sa capacité à se détacher des modèles de masculinité et de féminité pour être simplement une personne naturelle et fidèle à elle-même, c'est peut-être plus encore Akira qui nous intéresse, non seulement car il y a toujours un certain plaisir à voir un tout jeune homme adulte en personnage central de shôjo (ce qui peut rester relativement rare), mais aussi car sa manière sincère de se poser des questions et surtout de se remettre en question fait plutôt du bien à voir. Bien sûr, notre héros ne peut s'empêcher de se demander très souvent quel est le genre d'Akira, mais il lui faudra petit à petit comprendre que la question la plus importante est plutôt celle-ci: s'il s'agissait d'un garçon, arrêterait-il soudainement d'avoir le béguin ?
C'est à travers ses interrogations et ses tourments que l'on va alors observer sa chouette capacité à changer petit à petit de mentalité. Car au départ Kazuma, derrière son attachant côté très sincère dans ce qu'il ressent, est plutôt du genre à avoir des idées préconçues sur les filles et sur les garçons, s'accroche à plein de stéréotypes qui font qu'il a des idées fixes sur ce que doit être un homme, se met tout seul une forte pression en tant qu'"homme digne de ce nom" dans une forme de masculinité qui est toxique avant tout pour lui-même... mais s'il est comme ça au départ, ce n'est pas pour rien, comme on pourra soigneusement le découvrir à travers certains aspects de son passé l'ayant conditionné.
Servi par un dessin très communicatif, ce premier volume se révèle alors rudement efficace, tant Yasuko parvient efficacement à aborder son sujet moderne à travers une comédie romantique pleine de peps, d'humour et de bonnes ondes. En espérant que le deuxième et déjà dernier tome, prévu le 20 août à l'heure où ces lignes sont écrites, confirmera cette bonne impression !
Enfin, côté édition française, c'est du tout bon. A l'extérieur, Audrey Martor livre une copie fidèle à l'originale nippone et se parant d'n logo-titre bien pensé pour faire écho à la thématique principale de la série. Et à l'intérieur, le papier est souple et opaque, l'impression est convaincante, le lettrage de Guillaume Marka est soigné, et la traduction de Victoria Seigneur est à la fois naturelle, vivante et bien inspirée dans les quelques jeux de mots.