Ranma ½ vs Urusei Yatsura - Actualité manga
Dossier manga - Ranma ½ vs Urusei Yatsura
Lecteurs
18.50/20

People are people

 
 
S’il y a un auteur qui a tout compris à la création des personnages, c’est bien Rumiko Takahashi. Qu’il ou elle apparaisse une seule fois ou fasse partie du casting principal, chacun et chacune d’entre eux laisse sa marque sur le lecteur. L’auteure possède en effet cette aptitude incomparable de créer une gigantesque galerie de personnages inoubliables et attachants, tous avec leur spécificités et personnalité, et même leur chara-design. Là où beaucoup d’auteurs reprennent souvent des personnages d’un récit à l’autre au niveau physique, avec modification de style pour coller à l’histoire, la grande dame du manga ne se répète quasiment jamais dans la succession de ses titres. Un exploit quand on pense à la quantité phénoménale de personnages qui apparaissent de manière récurrente ou au détour d’un chapitre dans ses récits.

Peu importe ce que certains diront, le plus important dans toute histoire, ce sont les héros et autres personnalités qui peuplent le monde dans lequel nous entrons. Un scénario apparaît très secondaire comparé à cet aspect. Tout au mieux sert-il de fil conducteur pour donner un sens à certains lecteurs, mais ceux qui font réellement vivre l’histoire et qui lui donnent un sens, ce sont bien ceux qui la vivent, les acteurs imaginaires du créateur. Combien de fois un auteur a-t’il déclaré que ses personnages évoluent devant ses yeux et qu’il ne fait que les suivre dans leurs péripéties ? Un bon protagoniste recèle en lui la capacité de changer son destin, et de transformer une histoire sans queue ni tête ou bancal en un titre indispensable. Un bon personnage est capable de porter à lui seul un récit, mais jamais une histoire ne portera des personnages bancals. Le charisme, voilà l’ingrédient nécessaire du succès. Et les personnages de Rumiko Takahashi n’en manque pas, chacun à leur manière, très personnelle.

Tout d’abord, une constatation générale. Plus de 99% des héros de l’auteure, peu importe sa série, sont construits sur un ou plusieurs défauts ou faiblesses. Pas de vrais gros méchants défauts non plus, plutôt des petits travers et lâchetés de la vie quotidienne, plus ou moins inoffensifs. Jalousie, maladresse, arrogance, possessivité, obsession, stupidité, avidité… Aucun des héros de la mangaka n’est lisse ou complètement propre sur lui, et aucun n’est réellement un modèle à suivre. Alors pourquoi dégagent-ils tous autant de sympathie et de présence, de charisme ? Probablement parce qu’ils représentent nos travers et défauts (ou ceux de nos connaissances) sous un jour humoristique, qui permet de les relativiser. Chaque personnage se reflète en nous et en nos expériences, et on finit par les trouver bien plus humain que les personnages très droits et justes ou tragiques qu’on trouve dans beaucoup de récits. Ce qui donne de la saveur à un personnage, plus que ses grandeurs d’âmes et qui fait qu’il reste gravé dans notre mémoire, ce sont ses petits défauts et ses petites suffisances, particulièrement dans l’écriture d’une comédie, bien sûr.
 
 
  
  
 
Ataru (Urusei Yatsura) est un être complètement obsédé par la gente féminine et par la drague. Il se laisse entièrement guidé par ses pulsions et est prêt à tout braver si c’est pour avoir la chance d’obtenir un rendez-vous avec une jolie fille. Pas très intelligent mais avec ses moments, assez revanchard et manipulateur, aussi résistant qu’un cafard, il n’a pas grand-chose pour lui. Ranma tombe dans le même genre de catégorie, si ce n’est que lui est un obsédé des défis. Pas grand-chose ne l’intéresse en dehors des arts martiaux, il se montre souvent assez insensible, et a souvent blessé l’affection de ses proches dans sa poursuite des challenges.
Chaque personnage a sa manière, du plus sensé au plus allumé, possède cette balance de défauts et de moments déterminants. C’est justement parce qu’un protagoniste montre de façon sporadique une face cachée de sa personnalité, au-delà de sa personnalité comique, que ce simple moment prend une importance encore bien supérieure. L’exemple qui vient le plus rapidement à l’esprit dans Urusei Yatsura correspondrait au rendez-vous d’Ataru avec  le fantôme d’une jeune fille afin qu’elle puisse monter au ciel, ou bien encore quand Lamu a perdu la capacité de s’exprimer en langage terrien. Dans Ranma ½, on pensera à tous les petits moments entre Akané et Ranma, où ils se montrent un peu plus honnête l’un envers l’autre, pendant quelques courts échanges.

À noter aussi qu’il n’y a pas de traitements de faveurs, et que les filles sont aussi dérangées que les garçons parfois. La terrible avarice de Nabiki dans Ranma, le côté psychopathe de Ran dans Urusei Yatsura, l’obsession de Kodachi dans Ranma, ou encore la jalousie dévorante de Lamu dans Urusei… Chaque histoire est peuplée de personnages des deux sexes en parfaite égalité de statut et de grain de folie. Dans Urusei, les filles se payent même le luxe d’être les plus fortes physiquement, là où dans Ranma, elles montrent davantage de faiblesses, mais c’est aussi parce que la plupart sont amoureuses du héros à la natte et montrent leur plein potentiel principalement durant sa conquête. Bref, il n’y a pas de favoritisme, chacun est logé à la même enseigne, ce pourquoi les titres de la mangaka se sont toujours adressés aussi bien aux filles qu’aux garçons.

Au final, si les personnages de Rumiko Takahashi savent se faire si attachants, peu importe la série, c’est parce qu’ils sont très humains dans leurs défauts et préoccupations, et reflètent la réalité dans lequel nous vivons. Sans cependant jouer la carte de l’ironie et la caricature, mais bien la véritable comédie pure de situation, qui ne fonctionne que par le rapport que le lecteur entretient avec le contexte et son attachement aux héros. Si des lecteurs du monde entier sont aussi réceptifs à l’humour de l’auteure, c’est parce que chacun de nous se reconnaît en eux, y voit tout ce qui fait la nature humaine dans toute sa diversité, dans ses aspects les plus lâches et les plus redondants, mais aussi ceux qui ressemblent le plus à tout un chacun et qui ne peut manquer de déclencher un fou rire ou un grand sourire, tant nous sommes comme eux à bien des égards, à bien des moments de notre vie. L’auteure ne porte aucun jugement envers ses personnages (et par extension envers nous), et chacun a la chance d’avoir son petit moment qui lui donnera une chance de briller au-delà de sa médiocrité et de sa mesquinerie. Il n’y a aucune forme de dénonciation ou de satyrisme dans l’humour de Rumiko Takahashi. Juste une parfaite honnêteté d’admettre que nous ne sommes pas parfaits, et que c’est ce qui fait toute notre richesse, notre force et notre diversité, et peut être transformé en une puissance capable de secouer nos zygomatiques comme peu sont en mesure d’y prétendre.
 
  

© Rumiko Takahashi / Shogakukan Inc.

Commentaires

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TheVarter

De TheVarter, le 19 Octobre 2013 à 13h10

20/20

Très bon dossier sur les deux meilleurs manga qui existent! On voit que tu es fin et intelligent... Et l'abus de superlatif ne m'a pas choqué! Rien à redire! Je suis content... Je met 20! :)

Merci Sorrow

 

Sorrow

De Sorrow [833 Pts], le 06 Octobre 2013 à 11h36

Crocomo > De fait, j'ai rédigé trente dossiers depuis que je suis sur le site, uniquement sur des séries que j'ai aimées. Ce n'est pas une vraie excuse, mais cela explique en partie l'aspect poussif de ma rédaction sur certains aspects, compte tenu d'un manque d'inspiration (pour beaucoup de raisons). J'avais prévu à l'origine un schéma d'analyse différent, plus poussé et mieux construit, mais compte tenu du faible nombre de lecteurs de toute façon, j'ai arrêté de me prendre la tête et j'ai revu mes ambitions à la baisse... Comme il s'agit de mon dernier dossier, j'aurais voulu terminer sur une meilleure note, mais on tout ne se passe pas toujours comme on le souhaite. 

 

Sinon, ce n'est pas vraiment un tacle contre les consommateurs de manga sur la fin. La situation est celle qu'elle, et on ne peut rien y changer dans l'absolu. Il n'y a personne à blâmer, car qu'est-ce que le manga si ce n'est qu'un divertissement ? Pas la peine de le prendre aussi sérieusement. Néanmoins, sur mes cinq ans et plus parmi la communauté, je suis consciente à quel point l'aspect superficiel et consummériste du média compte bien davantage pour la plupart des lecteurs. Toujours à pinailler sur des détails, sur le rythme de parution, sur les noms de personnages, sur les couvertures, sur le classement, la catégorie des manga... Et quasiment jamais sur l'aspect découverte, sur les thèmes développés, sur la narration, au-delà d'un enthousiasme éphémére et jamais bien approfondi de toute façon... Bref, la plupart des personnes avec une réflexion intéressante ont depuis un bon moment arrêté de poster, il est temps pour moi d'en faire de même, je crois, et de passer à autre chose. 

Crocomo

De Crocomo [677 Pts], le 13 Septembre 2013 à 18h24

18/20

Merci pour le dossier ! Traiter simultanément Ranma et Lamu est intéressant vu qu'ils s'ancrent dans une veine "romantico-comique" mais d'une manière bien différente, lire le dossier donne vraiment envie de s'y remettre !

 

Bon, par contre (ce n'est que mon avis personnel, hein ^^) je trouve qu'il y a un peu trop de superlatifs et que la fin s'apitoie trop sur le peu d'intérêt que suscite chez les consommateurs ces oeuvres au profit d'oeuvres plus "banales" (en fait, c'est surtout le "et avec une âme" à la fin de la troisième partie qui m'a le plus gêné : ça a plus un arrière goût de tacle qu'autre chose, sûrement parce qu'il est mal inséré dans la phrase). Quand bien même on peut penser très fort que Takahashi Rumiko a un talent fou (ça, je vois mal comment on peut le nier), certaines tournures  pour le dire deviennent un peu poussives à force.

Bref, c'est que du détail, mais bon, sinon, je n'aurais rien à dire et j'avais envie d'écrire un peu ! Merci encore en tout cas !

Yuminekoi

De Yuminekoi [2097 Pts], le 13 Septembre 2013 à 16h13

18/20

très bon dossier. J'adore ces deux série, bien que je n'ai connu que la série télé de Lamu et c'était vraiment drôle.

Ranma reste la série que je préfére.

Encore merci.

titali

De titali [2269 Pts], le 13 Septembre 2013 à 12h41

18/20

Un beau dossier qui fait bien la comparaison entre deux oeuvres de Rumiko Takahashi, qui se ressemblent tout en étant complètement différentes. Cela m'a donnée envie de me replonger dans Ranma 1/2 et de découvrir Lamu. Affaire à suivre donc.^^

xav2a

De xav2a [1351 Pts], le 13 Septembre 2013 à 12h39

merci beaucoup pour ce dossier !

je suis justement en train de lire toute la série de ranma, effectivement couvertures sont plus que laides (les premiers mangas édités par glenat avaient tous ce genre de couvertures sauf quelques exceptions comme akira et quelques autres), mais l'histoire est vraiment bien. c'est vrai, c'est un peu répétitif, mais a partir du volume 20 il y a de nouveaux personnages étant eux aussi tombé dans une source maléfique, et la trame reprend de plus belle ! enfin, j'en suis actuellement au volume 24 et je ne me suis pas ennuyé une seule fois ! 

et comme j'aime bien takahashi rumiko, j'ai dans ma shopping liste lamu et inuyasha !

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