Pokémon - La Grande Aventure : Rubis & Saphir - Actualité manga
Dossier manga - Pokémon - La Grande Aventure : Rubis & Saphir

Un arc brillant par ses personnages


Rapidement, Hidenori Kusaka a su pallier à certains manques scénaristiques des jeux Pokémon avec sa propre inventivité. Il faut dire que les deux premières générations font souvent appel à notre propre imagination, en distillant des petits éléments de l'univers ci et là, et en ne développant jamais les personnages. Le héros étant notre avatar, difficile pour les jeux de faire le travail de ce côté-là, tandis que quelques creux seront parfois corrigés plus tard, comme en ce qui concerne le rival d'Or et Argent. Mais d'une manière générale, les dresseurs des jeux nous captent par leur designs, leurs équipes, la place qu'ils occupent dans l'univers, et parfois par l'image dont on a pu se faire d'eux à travers les adaptations.

Voilà qui a donc mené le scénariste a inventer des histoires propre au long manga qu'est La Grande Aventure. Le choix fut payant puisque les héros se voient dotés de background, parfois étonnamment sombres pour l'univers bon-enfant qu'est Pokémon. Aussi, nous apprenions dans l'arc précédent qu'Argent et Verte sont des enfants kidnappés, destinés à nourrir un projet malsain. Cette volonté, consistant à créer des envers du décor nouveaux pour rendre l'histoire encore plus intéressante, est reprise et combinée avec la trame déjà plus dense des premiers jeux de troisième génération.


POCKET MONSTERS SPECIAL © 1997 Hidenori KUSAKA, Satoshi YAMAMOTO / SHOGAKUKAN

C'est dès le départ que la volonté de donner une densité aux personnages se fait ressentir. Rubis et Saphir ne sont pas de simples représentations des deux avatars disponibles dans les jeux mais profitent de caractères distincts et cachent chacun des secrets qui expliqueront leurs attitudes, des informations essentiellement dévoilées en toute fin de récit. Rubis, ce héros qui se destine aux concours de beauté Pokémon, est lui-même le centre d'un dilemme grave. Opposé à un père qui ne jure que par les combats, il choisit la fugue pour accomplir ses propres rêves, ce qui suffit pour pousser Norman à ses trousses. Le champion d'arène de Clémenti-Ville, si guilleret dans les softs d'origine, devient ici une figure sombre, celle du père autoritaire qu'on pourrait même juger tortionnaire. Il y a donc un conflit évident entre le fils et ses parents, sérieux et grave pour ne pas dire violent, mais qui sonnera comme une véritable tragédie au fil des chapitres. Car l'une des prouesses de cet arc et de créer un véritable puzzle dans les rapports entre personnages, un ensemble véritablement reconstruit dans les derniers chapitres et donnant du sens aux figures principales comme à leurs psychologies et leurs ambitions. Il y a un véritable travail d'écriture qui nous prend même à contrepied, puisque les personnages parfois stéréotypés des débuts prennent une toute autre couleur au fil de l'œuvre. Et si on ne veut pas trop en dire pour ne pas gâcher un quelconque plaisir de lecture et de découverte, il est difficile de ne pas être attendri par une certaine romance, aussi naïve que touchante. Si la question des histoires d'amour était déjà sous-entendue dans les arcs précédents (notamment entre Rouge et Ondine), elle est ici présentée de manière frontale. Les auteurs assument la question de la romance... mais aussi celle de la Mort.


POCKET MONSTERS SPECIAL © 1997 Hidenori KUSAKA, Satoshi YAMAMOTO / SHOGAKUKAN

Car ce qui fonctionne aussi dans le climax, c'est la gravité des enjeux et la prise en main de manière cohérente de l'univers. La confrontation destructrice entre Kyogre et Groudon, présente dans les jeux, se devait de laisser des traces. Le format manga pouvant jongler entre les points de vue et les lieux, cette optique est rendue évidente, contribuant à toute la noirceur de l'acte final. Et puisqu'il est question de créatures légendaires similaires à des divinités, leur manipulation implique des contrecoups pour les simples humains que sont les dresseurs. Si une petite pirouette conclusive vient diluer tout cet aspect sombre, il est parfois choquant de voir des personnages tomber au cours du combat. Bien que le manga fut prépublié dans des magazines destinés aux enfants d'école primaire, il ne prend jamais son lectorat pour des imbéciles et touche à sa manière des sujets sensibles.


POCKET MONSTERS SPECIAL © 1997 Hidenori KUSAKA, Satoshi YAMAMOTO / SHOGAKUKAN

Et de la même manière que nos héros sont enrichis, les antagonistes profitent eux aussi d'un véritable traitement en profondeur, et de manière plus appuyée que pour les deux grands arcs précédents. Outre Max et Arthur qui gagnent en machiavélisme, le scénario a la bonne idée d'étoffer leurs lieutenants en leur créant des facettes reconnaissables, des caractères qui feront mouches, et parfois des histoires aussi touchantes que celles de quelques champions d'arène qui bénéficient aussi d'écritures nouvelles. Ainsi, le manichéisme s'efface parfois un peu du récit. Dans cette grande bataille dans laquelle se joue l'avenir de Hoenn, des personnages prennent parti, défendent leurs points de vue plus que leur désir de conquête, et reconnaissent leurs erreurs le moment voulu. L'un des membres de l'ennemi saura particulièrement nous émouvoir, créant même un rapport particulier avec l'un des héros. Si jusqu'à présent Hidenori Kusaka a su rendre les personnages des jeux vivants et attachants, ils n'auront jamais été aussi touchants que dans ce troisième grand arc.

POCKET MONSTERS SPECIAL © 1997 Hidenori KUSAKA, MATO / SHOGAKUKAN

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