Piano Forest - Actualité manga
Dossier manga - Piano Forest
Lecteurs
18/20

Vibrations

 
 

Harmonies


Au niveau de la direction du film, Masayuki Kojima opte pour un style visuel qui n'est pas sans rappeler celui de ses adaptations des œuvres d'Urasawa. Le ton se veut assez réaliste, notamment via le choix des couleurs mais aussi par le chara-design de Shigeru Fujita, qui s'éloigne quelque peu du caractère incisif des dessins de Makoto Isshiki. En réalité, cette timidité dans l'ambition est là pour sublimer la véritable star du film : le(s) piano(s), seul élément du film être réalisé en image de synthèse, tout en s'accordant parfaitement avec le reste de la patte graphique. Si elle permettra quelques plans ambitieux nous sortant de la torpeur habituelle de la japanimation, cette représentation en 3D a en réalité un tout autre but : retranscrire avec exactitude les morceaux représentés. Ainsi, en chaque instant, les touches pressées à l'écran correspondent aux notes entendues. Ce fut par la suite aux animateurs de faire des miracles afin que les mouvements des mains correspondent, tout en respectant le caractère singulier de chaque protagoniste.
  
Les studios Madhouse se sont également donnés les moyens de mettre en avant l'aspect musical du film, en s'entourant de personnalités réelles. Ainsi, en plus de leurs seiyuus, nos trois pianistes en herbe sont également doublés par trois interprètes différents. Shûhei et Takako sont ainsi respectivement personnifiés par Kentarô Hashimoto (collégien en 3ème année) et Mariko Nogami (première année de lycée).
 
 
 
 
 
Le choix de jeunes artistes est très pertinent, et offre cette impression académique à leurs jeux. En revanche, pour souligner le génie de Kai, c'est un interprète d'une toute autre envergure qui lui a prêté son doigté le temps du film : Vladimir Ashkenazy, pianiste d'origine russe renommé dans le monde entier, et qui fut le directeur de l'orchestre symphonique de la NHK de 2004 à 2007. Il interprète par ailleurs la plupart des morceaux du film, en officiant également sur les airs joués par Sosuke Ajino.
  
Piano Forest, c'est également un thème musical récurrent qui ne vous quittera pas de sitôt. Ce dernier, tout comme les autres pistes originales du long métrage, fut interprété par l'Orchestre Philarmonique Tchèque (qui a notamment travaillé pour les studios Ghibli) et composé par Keisuke Shinohara. Après des études partagées entre Australie et Japon, ce compositeur a officié pour des émissions documentaires, des séries, des films souvent en collaboration avec la NHK. Du côté de l'animation, il travailla également pour le film La Vallée d'Emeraude (2005). Le thème principal résume à lui-même le film, avec une ouverture faisant ressortir la quiétude et l'aspect mystique de la forêt, pour poursuivre sur des accords plus dissonants pour représenter la rivalité de nos héros, et qui s'emballe enfin dans une certaine maestria, tel le point culminant qui nous attend.. Keisuke Shinohara a  voulu proposer une mélodie assez peu complexe, afin de pouvoir être immédiatement reconnaissable et que les publics de tous âges puissent en saisir les nuances. Plusieurs fois utilisé au cours du film, ce thème n'est pourtant jamais redondant, et parvient à capter l'instant et à le sublimer. Et sa dernière itération, judicieusement installée dans l'échange final de nos héros, pourrait même vous tirer quelques larmes !
 
 
   

Fugue

  
La conjugaison de tous ces talents offre au spectateur une expérience auditive unique. Un effort considérable a été mis en place afin de faire comprendre à tous les spectateurs, même aux plus néophytes, les notions de nuance qui animent cet art musical. Cela passe d'abord par la présence de quelques incontournables du répertoire classique : la Lettre à Elise et la 5ème symphonie de Beethoven, la Marche nuptiale de Mendelssohn, La Valse du petit chien de Chopin,... tant de référents à portée des plus jeunes, qui auront déjà entendu ces morceaux ici ou là, renforçant ainsi l'aspect didactique du film.
 
Chaque protagoniste dispose également d'un morceau dédié, illustrant sa personnalité. Pour Ajino, on retrouve Chopin avec la Sonate n°3, qui par ses airs pesants et tragiques augure du destin brisé qui attend l'artiste. Bach est à l'honneur avec le troisième mouvement de son concerto italien en fa majeur BWV 971 pour représenter l'esprit léger d'une Takako libérée de sa pression. Enfin, Shûhei et Kai s'affrontent à distance avec la sonate pour piano n°8 K310 de Mozart, dans deux mouvements et deux interprétations très différentes. Le premier en fait ressortir tout l'aspect percutant et cadencé, tandis que le second en fait ressortir des sonorités insoupçonnées.
 
 
 
    
 
Enfin, à un autre niveau d'appréciation, on s'intéressera également à la maîtrise de la spatialisation du son. Car si nos protagonistes s'affirment dans des caractères distincts, il en va de même pour les différents instruments présents dans le film. Le piano d’entraînement de Shûhei, isolé dans une salle de répétition, produit un son parfait, alors que celui de Kai résonne dans toute la forêt avec une toute autre ampleur, attendant la réponse de l'écho.
  
Pour rester dans le son, on émettra en revanche quelques réserves quant au casting vocal, composé de stars du petit ou du grand écran japonais, un usage souvent remarqué pour des productions d'une telle envergure. Ainsi, l'interprétation de Kai fut confiée à la vedette montante Aya Ueto, que l'on remarquera les années suivantes dans les films live de Thermae Romae. L'actrice délivre une prestation convaincante bien que parfois d'un enthousiasme exagéré, et son timbre de voix colle plutôt à l'image du personnage. On ne pourra pas en dire autant, hélas, pour Shûhei, qui est quant à lui doublé par un homme, et a fortiori, un garçon en pleine mue : le jeune comédien Ryunosuke Kamiki, âgé de 13-14 ans à l'époque de la production du film, et dont la voix éraillée semble trop en avance sur son personnage. Ainsi, les spectateurs, pourront se tourner sans compromis vers une version française tout aussi honorable. Kai et Shûhei sont cette fois interprétées par des comédiennes de doublage expérimentées, respectivement Nathalie Bienaimé (Kirua dans Hunter X Hunter, Mireille dans Noir, mais aussi Bart dans les dernières saisons des Simpson) et Suzanne Sindberg (Julia dans Cowboy Bebop, Shaolan dans Card Captor Sakura, Raki et Kanna dans Ailes Grises). Malgré quelques légers problèmes d'intonation, le casting  français propose une interprétation plus que convaincante, en particulier pour les plus jeunes qui seront réticents à la version originale.
 
  

©2007 Makoto Isshiki / THE PIANO FOREST Film Partners

Commentaires

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Tianjun

De Tianjun [5049 Pts], le 04 Novembre 2013 à 11h04

Merci en tous cas d'avoir brisé ce mutisme ^^"

Tehanu

De Tehanu [205 Pts], le 30 Octobre 2013 à 23h04

18/20

Dossier bien rédigé et intéressant, et aucun commentaire. La communauté du site n'a jmais particulièrement brillé dans son ensemble par sa maturité, mais depuis déjà un bon moment, le phénomène ne fait qu'empirer. 

Les chroniqueurs encore actifs ont bien du mérite de se donner la peine de rédiger de si longs articles à destination d'un public qui néanmoins semble plus intéressé par la sortie d'une figurine hors de prix ou par les classements de vente que par une argumentation détaillée sur le coeur de leur loisir. Triste. 

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