Pas à pas - Actualité manga
Dossier manga - Pas à pas

La place des sentiments dans la société


Le genre de la comédie et de la tranche-de-vie est propice au développement d’un point de vue quant à la société actuelle, souvent nippone il en convient. Pas à Pas se place dans cette catégorie d’œuvres et ne se contente pas de dépeindre une histoire d’amour ordinaire pour émoustiller les plus artichauts des cœurs des lectrices et lecteurs. Au contraire, la série de Ken Kurogane se veut plus engagée que ça, sans toutefois se montrer violemment militante.

Le levier de tous les traitements de l’œuvre est la relation amoureuse entre Minato et Otome, deux jeunes femmes dont l’homosexualité n’est pas forcément l’idée majeur de la série. Comme dit précédemment, leur différence d’âge –et on peut en partie le comprendre– est facteur de bien des questionnements, aussi bien pour le lecteur que pour certains personnages de l’œuvre. La différence générationnelle qui sépare les deux héroïnes est avant tout problématique vis-à-vis de la société nippone contemporaine dans laquelle elles évoluent. Outre le fait que Minato ait pris Otome sous son aile est un procédé peut ordinaire étant donné que l’institutrice ne soit pas des plus expérimentées, la relation amoureuse plutôt que familial que nouent les deux héroïnes a de quoi être compromettant aussi bien pour les parents de la collégienne que pour les autorités, et tout simplement par rapport au regard de leur entourage. A plusieurs reprises, les deux protagonistes reviennent sur cet amour qui doit rester secret car les conséquences pourraient être désastreuses pour l’une comme pour l’autre. Dans Pas à Pas, l’idée principale est donc, sans conteste, la quasi impossibilité de la différence au Japon au sein d’un couple. Cette société, bridée (et sans mauvais jeux de mot), se complait dans des coutumes désuètes à tel point que l’amour le plus pur qui soit est inadapté aux mœurs collectives. Au final, tout le développement de cette thématique nous permet de mieux comprendre le point de vue de Minato et Otome et, ainsi, nous attacher à elle et compatir lors des moments les plus délicats traversés par le couple. La démarche de Ken Kurogane n’est donc pas forcément d’émettre une critique virulente car, après tout, l’idée de la différence d’âge est suffisamment forte pour que chacun émette son avis et qu’il n’y ait pas de vérité générale à ce sujet, mais plutôt de rendre compte des restrictions d’une société pourtant moderne qui peut bouleverser un amour, et ainsi rendre l’intrigue de Pas à Pas mature et sujette à de multiples lectures.





En trois tomes, d’autres thématiques liées à la société japonaise sont passées en revue, de manière plus ou moins approfondie. L’une des plus importantes est la désocialisation, ou tout simplement la perte de repère par rapport aux exigences de la société nippone actuelle. Minato et Otome souffrent des codes que le monde leur impose à leur manière : toutes deux ne peuvent vivre librement leur amour mais concernant Otome, c’est la pression familiale et le rejet des siens qui la pousse à être coupée du monde, ce à cause du regard des autres, violent à souhait. Et elle n’est pas seule puisque le récit s’appuie aussi sur le personnage de Kanae Inotani pour aborder ce sujet. Celle-ci incarne la pression que le monde professionnel peut exercer sur un individu, à tel point que son sérieux en tant qu’institutrice la mène à renier toute vie sociale et à se montrer froide avec ses élèves dans le seul but d’accomplir sa tâche de prof, ni plus ni moins. Pour le lecteur, le propos est particulièrement glaçant puisqu’il nous impose ainsi un personnage froid, qu’on aimerait voir évoluer mais qui reste victime de la pression qu’il subit jusqu’au bout. Leviers scénaristique mais aussi pour amorcer des sujets plus graves, les personnages de Pas à Pas n’ont pas été pensés au hasard par Ken Kurogane, rendant le récit d’autant plus captivant.

On pourrait aussi relever les thématiques du mariage ou de la scolarité, très présentes dans l’œuvre mais qui sont avant tout un prétexte pour rendre la vie des deux héroïnes plus dramatique et soumise à quelques difficultés. C’est peut-être à ce seul moment que le sujet de l’homosexualité est évoqué : Minato et Otome étant du même sexe, elles ne peuvent se marier et son « condamnée » à vivre une relation sans statut particulier. Mais si la trilogie de Ken Kurogane donne une morale, c’est que ce genre de conditions est futile par rapport à la puissance d’un amour sincère. Le message a beau être classique et un peu niais, il demeure touchant à travers les deux héroïnes.


Une simple histoire d’amour au ton doux


Pas à Pas développe aussi une vision toute autre de celles évoquées précédemment : l’amour avec un grand A. En effet, l’histoire de Minato et Otomo peut aussi être lue et interprétée sans que les facteurs d’âge ni de sexe entre en compte. Après tout, difficile de mettre des barrières à une relation amoureuse, sauf lorsque l’aspect légal entre en jeu. Le lien entre les deux protagonistes s’avère ainsi être le plus pur qui soit et à ce titre, Pas à Pas se savoure comme une simple histoire d’amour entre deux personnages faisant face aux diverses difficultés qu’une telle relation implique. Le ton de l’œuvre, doux à souhait, comique à certains moments mais aussi dramatiques sur quelques chapitres, représente toute la fraîcheur que peut impliquer l’amour entre deux personnes. Mais quand on parle de drame, on parle simplement de quelques rebondissements qui feront monter provisoirement le ton entre les deux héroïnes. Car la volonté de Ken Kurogane, le mangaka, est de dépeindre l’ambiance la plus sereine possible, un comble quand on a connu l’auteur pour Shoujo Sect qui faisait presque exclusivement dans le sexe débridé. Alors, difficile de ne pas se prêter au jeu de cette ambiance presque rose bonbon : l’amour est dépeint sous son jour le plus clair et met la lumière plus sur les joies qu’il procure plus que les difficultés qu’il impose. La marque de fabrique du titre est ainsi l’humour, si bien qu’on pourra presque voire dans Pas à Pas une manière de montrer les sentiments de manière très simple, presque enfantine. Ainsi, nombre de gags s’articulent autour des petits bisous réclamés par Otome à Minato, ce qui amène l’excellent sketch de la « grille à bisous » où un tableau rempli donne accès à… une gifle, un gag poussé à son paroxysme si bien que Ken Kurogane nous offre cette même grille, à photocopier, en guise de bonus. Si on se montre charmés par l’alchimie entre les deux demoiselles, difficiles aussi de ne pas être désopilés à de nombreux moments.




Mais comme nous avons pu l’évoquer, ce conte de l’amour explore quelques difficultés à s’épanouir sentimentalement, ce même si ces intrigues plus sérieuses ne représentent pas l’ambiance dominante de l’œuvre. Ainsi, il n’est pas facile d’entretenir la relation lorsque les rythmes de vie sont discordants, lorsqu’une rivale amoureuse apparaît ou tout simplement que le choix d’un avenir professionnel s’oppose à l’épanouissement amoureux. Tous ces sujets, que l’on retrouve d’ailleurs dans de nombreuses comédies sentimentales, permettent à la relation que vivent Otome et Minato de s’ancrer comme un amour classique, souvent revu, mais parlant tant chacun pourrait parfaitement s’identifier aux problématiques dépeintes lors de la lecture. Gageons d’ailleurs que la conclusion rappelle d’autres comédies romantiques, dont une de type shônen très appréciée par la rédaction : Ichigo 100%. Preuve que derrière son étiquette de yuri, Pas à Pas est une œuvre parlant simplement d’amour, au ton souvent léger et efficace, pouvant être appréciée par le plus grand nombre.
  
  
  


© 2012 Ken Kurogane / HOUBUNSHA Co., Ltd

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