Pas à pas - Actualité manga
Dossier manga - Pas à pas

Pas à Pas, et le yuri en France


Pas à Pas figure aux côtés d’une poignée d’autres séries de la collection Yuri de Taïfu Comics. En 2011, c’est la série Girl Friends de Milk Morinaga qui a eu le privilège d’inaugurer le genre chez l’éditeur, s’en sont suivies différentes séries aux tons divers et variés qui ont permis à Taïfu de jauger les préférences du lectorat quant aux registres proposés. Parmi les nouvelles œuvres publiées dans l’hexagone, on découvre durant l’été 2012 un certain Ken Kurogane à travers deux séries distinctes : Shoujo Sect, puis Pas à Pas.

Ces deux titres sont parfaitement représentatifs des tentatives de Taïfu Comics qui, cherchant peut-être un public yuri qui pourrait être aussi affirmé que le lectorat yaoi à terme, explore différents registres. Shoujo Sect est une de ces séries qui de n’embarrasse pas d’un contexte riche et d’intrigues développées, la formule repose seulement sur une succession de scènes de sexe entre des héroïnes. Un mois plus tard, c’est le premier opus de Pas à Pas qui paraît. Même mangaka, mais tonalité totalement différente. Nous aurons tout le loisir de revenir sur les caractéristiques de ce titre mais dès les premières pages, le lecteur ne peut que ressentir le fossé qui sépare cette série de Shoujo Sect en termes d’ambiance puisque dans Pas à Pas, l’atmosphère doux d’une relation amoureuse prime sur les rapports charnels qui sont inexistants dans l’œuvre. On pourrait donc assimiler Pas à Pas à Girl Friends pour l’aura installée, jonglant entre sentiments, humain et quelques rebondissements plus dramatiques. Pourtant, cette série de Ken Kurogane n’est pas la plus citée parmi les titres forts du catalogue yuri de Taïfu. L’ombre de Milk Morinaga lui a sans doute fait de l’ombre sans compter que dans les approches qu’elle propose, la série avait aussi peut-être de quoi effrayer son lectorat dans un premier temps. On sait que le catalogue yuri de Taïfu risque son existence avec la parution de Citrus à l’heure actuelle, signifiant que de nombreux titres de la collection n’ont pas fonctionné comme l’éditeur l’aurait souhaité. Dans le cas de Pas à Pas, c’est peut-être bien parce que les lecteurs ont jugé le titre à sa couverture, et l’ont par conséquent largement sous-estimé…





La question de la différence d’âge


La série de Ken Kurogane est difficile à appréhender à cause de la différence d’âge entre les deux protagonistes que sont Minato et Otome. La première est institutrice et la seconde une adolescente qui fréquente encore les bancs de l’école. Dès les premières pages du récit, cette écart se ressent fortement et c’est progressivement que l’histoire se montre plus explicite par rapport à l’âge des deux héroïnes. On ne sait pas vraiment si Otome est déjà lycéenne dans le premier opus mais au final, à force de sous-entendus et informations distillées ci et là, l’intrigue révèle que la jeune fille est une collégienne âgée entre 15 et 16 ans, tandis que Minato est son ainée de 7 ans, donnant alors à la professeurs 22 ou 23 ans.

En voyant ces chiffres, le constat n’est pas forcément choquant. La différence d’âge est présente mais la tranche générationnelle où se situe Otome fait d’elle une adolescente capable d’assumer ses sentiments et avoir un regard objectif sur ces derniers. C’est sans compter le fait que Pas à Pas a pour vocation de traiter l’avenir des deux protagonistes. Ainsi, si on admet que les deux jeunes femmes vivront encore leur amour dans dix ans, cela donnerait 26 années à Otome et 33 à Minato. Finalement, la différence n’est pas si grande et on peut difficilement accuser le mangaka de jouer sur un fantasme malsain par cet écart d’âge.

Mais sans cette analyse chiffrée, il faut bien reconnaître que la lecture de Pas à Pas est déroutante, et ce à cause du coup de crayon de l’auteur. Son trait est assez léger et Ken Kurogane a tendance à représenter des personnages arrondis qui, d’une manière générale, font bien moins que leur âge. Otome pourrait donc facilement passer pour une écolière tandis que dans sa représentation, Minato fait bien office d’adulte bien qu’on lui donnerait difficilement la trentaine. Ce fossé peut donc avoir quelque chose de dérangeant. Dans les faits, nous ne sommes pas loin du détournement de mineur tel qu’il est vu légalement en France et même au sein du récit, cette mise en avant des différences par l’aspect graphique peut rendre gênantes quelques séquences, par exemple les scènes de baisers qui se font de plus au plus nombreuses au fil de l’œuvre.

Pourtant, Ken Kurogane ne fait que reprendre un thème maintes et maintes fois exploité dans le genre des récits sentimentaux, à savoir l’histoire d’amour entre un ou une élève et son instituteur ou institutrice. De Card Captor Sakura au récent Love X Dilemma, ce sujet revient fréquemment, mais il n’aboutit finalement que rarement à des relations concrètes, et c’est ce qui rend Pas à Pas plus délicat à appréhender.

La différence est donc le maître mot du manga. Il se caractérise ici par les sept années qui séparent Otome de Minato et symbolise toute la difficulté qu’un lecteur peut avoir avec cette trilogie, mais aussi toutes les difficultés que rencontreront les deux héroïnes durant l’histoire. Car l’auteur n’a pas écrit son histoire par hasard et derrière cette différence qui sépare les protagonistes se cachent des thèmes forts et actuels au sein de la société.
  
  
  


© 2012 Ken Kurogane / HOUBUNSHA Co., Ltd

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