Noboru Iguchi - Actualité manga
Dossier manga - Noboru Iguchi
Lecteurs
20/20

Le style Iguchi


Un certain nombre d'éléments reviennent dans chacun des films de Noboru Iguchi, dont voici la liste :

- Une héroïne, très jeune (à peine vingt ans), en uniforme. C'est le personnage principal, une belle femme érotisée qu'on mettra en valeur avec de nombreux plans voyeuristes, elle maîtrise un art martial quelconque qui lui permet de vaincre ses ennemis. Cela donne aux films d'Iguchi des allures d'onna senshi.

The Machine Girl

- Du gore. Beaucoup de gore, toujours plus de gore. Iguchi fait preuve d'une inventivité certaine lorsqu'il s'agit de mettre au point de nouvelles façons de faire gicler sang et tripes, de trancher les corps en morceaux, de leur planter toutes sortes de choses dans le corps, de brûler, faire fondre, écorcher, déchirer, bref, de faire grimacer ou fantasmer le spectateur, c'est selon.

- De l'érotisme sage. En plus de l'héroïne, la plupart des autres personnages féminins sont montrés à un moment ou un autre en sous vêtement, voire nus. Sans compter les nombreuses situations lourdes de sous-entendus graveleux. Cette débauche de perversion a sans doute un lien avec la carrière d'Iguchi dans l'industrie de la pornographie.

- Des clichés. Des héros orphelins, des otakus boutonneux à lunette, des situations ultra téléphonés, des méchants méchants parce qu'ils aiment être méchants, ou parce qu'on a été méchant avec eux, les rendant méchants à leur tour. Plus la ficelle est grosse, meilleur elle est. Les films d'Iguchi ont souvent une trame très simple dans un genre précis (film de zombie, histoire de vengeance, film d'épouvante), auquel il greffe de quoi rendre le tout totalement fou.

Zombie Ass

- Des incohérences. De deux types, l'incohérence envers la réalité, et celle envers les règles établies par le film lui-même. Un sushi zombie qui crache du feu, c'est une incohérence flagrante envers la réalité (dites-moi si je me trompe), mais pas besoin d'être Iguchi pour rompre avec les lois du réel, c'est l'un des rôles du cinéma que de permettre cela, et le spectateur accepte très volontiers ce type d'illogisme. Ce qu'il accepte moins en revanche, c'est qu'un film ne suive pas ses propres règles. À titre d'exemple, la mitrailleuse de l'héroïne de The machine girl peut, lorsqu'elle tire dans la tête de quelqu'un : faire un trou très net au milieu du visage, mettre la peau à nu sans endommager les yeux ou les os, ou faire exploser la tête d'un coup. Bon, là, faut savoir, c'est la même arme, elle est censée produire le même effet à chaque fois. Dans de nombreux films, ce type « d'erreur » ne se pardonne pas, mais Iguchi s'en fout, il sait pertinemment que c'est n'importe quoi, mais il sert son art de la diversité du gore avant tout.

- Des séquences émotion. On trouve dans de nombreux films des passages tristes, que ce soit au cours d'un flash-back racontant le passé douloureux d'un personnage, ou lors de la mort d'un personnage. Noboru Iguchi fait de ces instants des moments de comique merveilleux dans la mesure où il fait en sorte que le ton soit grave, mais le contexte ridicule, ce qui crée un décalage où le lecteur hésite quant à l'attitude à adopter face à ces scènes supposées tristes.
Par ailleurs, les flash-back se déroulent en général dans un univers totalement fantasmé et idéalisé pour sombrer brusquement dans une violence sans limite.

Dead Sushi

- Des effets spéciaux. Soit numériques (et moches), soit mécaniques (et moches), ces effets sont une partie essentielle de l’œuvre d'Iguchi, et leur effet « cheap », et raté (ou en tout cas datés), ajoutent un cachet particulier à ses films.

- N'importe quoi. Énormément de n'importe quoi. Une voiture bouledogue (et même des bébés voitures bouledogues), des gens qui volent par la force de leurs pets, des Geishas robots, des zombies qui sortent des toilettes, bref tout ce que vous voulez, il n'y a aucune limite à l'absurde chez Iguchi. On parle ici d'absurde dont l'absurdité occupe une place contextuelle, les détails loufoques abondent, mais la trame est très classique une fois qu'elle en est dépouillée. Par opposition, les films de Quentin Dupieux par exemple, s'établissent dans un non-sens moins criard, mais qui imprègne ses films jusque dans leur narration et leur continuité.

Dead Sushi

Mauvais films ?


Un petit point à l'issue de cette première partie.

Aborder la filmographie d'Iguchi est complexe, puisque je suis obligé de me faire comprendre de la majorité des lecteurs, y compris ceux qui ne connaissent pas du tout l'univers du réalisateur. Lorsque j'utilise des termes comme « moche », « raté » ou « cliché », bref lorsque j’emploie des mots connotés négativement, c'est à relativiser. Iguchi fait du « mauvais goût », mais ça n'est pas mauvais pour autant, et tous ces adjectifs a priori péjoratifs ne servent qu'à donner le ton des films du réalisateur. Personnellement j'adore les films d'Iguchi, qui sont « ratés » selon les canons standard, mais de franches réussites vis à vis de leurs intentions, c'est à dire l'outrance.
  
  
  


Commentaires

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Tomoyochan

De Tomoyochan [1614 Pts], le 16 Janvier 2016 à 10h47

20/20

Merci pour ce beau dossier. J'adore ce cinéma de genre complètement barré et Noburo Iguchi en est l'actuel meilleur représentant. Le coffret de DVD Sushi Typhoon qui vient de paraître en France est un pur régal.

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