Tomie Unlimited
Parmi les films de Noboru Iguchi édités en France, Tomie et un peu à part (avec Karaté-Robo Zaborgar). C'est la neuvième adaptation de Tomie, manga de Junji Ito dont le synopsis semble plaire aux cinéastes. Tomie est une jeune femme très belle, qui envoûte les hommes jusqu'à les rendre fous au point qu'ils la découpent en morceaux, après quoi chacun de ses morceaux se développe pour former un nouvelle Tomie. Tomie Unlimited propose toutefois un scénario original, ne reprenant que le synopsis et quelques idée du manga d'Ito.
Deux critiques du film sont déjà présentes sur le site, toutes deux très négatives, je vais donc pour ma part me contenter de donner mon avis, puisqu'il est relativement positif, et resituer le film dans l’œuvre d'Iguchi.
De mon point de vue, Tomie est un divertissement efficace, illogique, fan-service, gore et incohérent comme un film d'Iguchi, tout en restant plus sage en terme de délire. C'est sans aucun doute un mauvais film (notamment à cause d'une dérision incertaine, alors que c'est ce qui justifie les autres métrages du réalisateur), mais je l'ai apprécié, ça vaut ce que ça vaut.
En ce qui concerne le travail d'adaptation, on est assez loin du manga d'Ito (qui ne proposait pas de réelle continuité scénaristique, mais plutôt une succession de chapitres indépendants), c'est beaucoup moins fin et construit. On trouve quelques éléments qui jurent avec l’œuvre d'Iguchi de part leur aspect premier degré et psychologique. Le final notamment semble en tout cas avoir un sens profond, mais étant incapable de l'interpréter, je ne peux affirmer si c'est simplement de la poudre au yeux, ou s'il y a réellement un quelconque sens à tout cela.
Dans tous les cas, pas le meilleur film d'Iguchi, ni la meilleure adaptation du manga d'Ito.
Karate-Robo Zaborgar, Iguchi accessible aux enfants
Autre film à part, Karate-Robo Zaborgar est accessible aux plus jeunes (à partir de 10 ans environs). Il s'agit d'une adaptation libre de la série Spectreman de Tomio Sagisu, dont Iguchi était particulièrement friand étant enfant. Quand on y pense, la totalité des films de Noboru Iguchi (excepté Tomie) ont une trame scénaristique très classique, et des personnages très archétypaux. Des idées comme une Geisha Robot ou des une personne qui vole par la force de ses pets pourraient tout à fait être sorties de l'esprit d'enfants, et sur le plan intellectuel, les films d'Iguchi plairaient probablement au très jeune public s'il n'étaient les éléments gores et « érotiques », qui encore une fois sont de l'ordre du contexte. En somme, la substantifique moelle des films du réalisateur est adaptée aux enfants, et Karate-Robo Zaborgar lui, l'est totalement.
On retrouve les éléments improbables et incohérents, en version soft, au service d'un récit de Tokusatsu (Kamen Rider, Ultraman...), ainsi que de nombreuses thématiques qui tranchent avec les habitudes d'Iguchi. En premier lieu une trame plus ambitieuse, construite en deux parties, avec des questionnements sur la justice, la volonté ou l'amour, de façon assez réussie bien que très classique, le tout avec une portée éducatrice à destination des plus jeunes. Et même pour un adulte, il faut avouer que certains moments sont prenants voire émouvants (je pense en particulier à la fin de la première partie), et certaines idées ne se contentent pas d'être absurdes, elles sont également intelligentes. Au final, on se retrouve avec un film hybride qui contient de très bonnes idées, mais qui est un peu plombé par la patte d'Iguchi, qui dans sa volonté de pousser le délire toujours plus loin sans soucis de cohérence, jure un peu avec le style plus mainstream mais au réel potentiel scénaristique. Il aurait probablement fallut choisir entre le what the fuck total et les séquences plus intelligentes, et on trouve ici une forme de conflit entre le propos du réalisateur et celui de son propre film, trop éloigné de ses partis pris habituels.
Un film qui reste intéressant, à la fois pour ce qu'il est et pour sa place atypique dans une filmographie déjà à part.
De Tomoyochan [1626 Pts], le 16 Janvier 2016 à 10h47
Merci pour ce beau dossier. J'adore ce cinéma de genre complètement barré et Noburo Iguchi en est l'actuel meilleur représentant. Le coffret de DVD Sushi Typhoon qui vient de paraître en France est un pur régal.