Entre attachement et inquiétude, des personnages réussis
De jeunes héros attachants
L'Abysse est donc un lieu certes fascinant pour ces nombreuses richesses, mais pouvant être également très dangereux. Pourtant, une chose est pourtant sûre: ce ne sont pas ces dangers qui arrêteront Rico, fillette passionnée, énergique et commettant pas mal de bêtises, qu'il est difficile de ne pas prendre immédiatement en affection. Pas toujours consciente des dangers, mais curieuse, volontaire et intrépide, cette enfant attire tout de suite la sympathie, sitôt qu'on la découvre et que l'on cerne son profond désir de partir en exploration et de retrouver la trace de sa mère. Et autour d'elle, dans l'orphelinat et en ville, l'auteur installe une petite palette de personnages secondaires sympathique, entre un Jirwo assez strict, le brave Habo, et les amis qui ont tous leur petit caractère.
L'autre figure très intrigante est toutefois l'étrange petit garçon-machine découverte par Rico, et qu'elle baptise Légu. Qu'est-il exactement ? Humain, robot, ou autre ? Il a un nombril, des tétons, un anus, un zizi comme les petits garçons normaux, et il pleure et transpire, mais sa peau souple ne peut être coupée, il a une meilleure vue, une meilleure ouïe et un meilleur odorat que les humains, et il a un bras extensible en métal... Les énigmes sur les origines de cet être amnésique sont nombreuses, et promettent aussi d'être passionnantes pour la suite.
La fillette sait très bien qu'en tant que Sifflet Rouge elle n'a pas encore du tout le niveau pour descendre plus bas que le premier niveau, et qu'elle risque de ne jamais ressortir vivante de l'Abysse à cause de la malédiction qui y sévit, mais dans son périple elle pourra compter sur l'aide de Légu, cet étrange petit garçon amnésique qu'elle a recueilli.
Chacun des deux enfants a ses motivations et son caractère, ils sont assez complémentaires. Et au-delà de tout ceci, on sent qu'une relation d'amitié et de confiance se bâtit réellement entre les deux enfants, désireux de se protéger mutuellement, de veiller l'un sur l'autre, tout au long de leur aventure.

Une quête initiatique et d'identité
L'une est appelée par le gouffre qui la passionne tant et souhaite retrouver la trace de sa mère, tandis que l'autre a besoin de découvrir ce qu'il est, pourquoi il a été créé, et quelles sont ses origines... On l'a déjà dit, que ce soit Rico ou Légu, les deux jeunes héros de Made in Abyss n'entament pas leur expédition par hasard, pour tuer le temps. Non, ils ont bien un but, une quête.
Très rapidement dans la série, on a déjà pleinement conscience que celle-ci sera très loin de se limiter à une simple descente de niveaux, avec ce que ça implique de découvertes. En effet, Tsukushi sait bien distiller les éléments qu'il faut pour susciter la curiosité autour des mystères sur Légu et Rico. Ainsi, le petit garçon a notamment l'occasion de laisser parler certaines de ses capacités, parfois très dangereuses, et dont il ignore lui-même les origines. Une question s'empare forcément de lui: qu'est-il exactement ? Quant à Rico, l'énigme concernant sa mère et surtout sa naissance trouve d'intéressants enrichissements à travers sa rencontre avec le personnage d'Ozen. A travers le célèbre et froid Sifflet Blanc du camp d'observation, la fillette va déjà pouvoir en apprendre un petit peu plus sur les conditions de sa naissance, et sur ce que sa mère a fait pour qu'elle survive... Des informations qui, par ailleurs, ont quelque chose de très dur par certains aspects, ce qui annonce bien que Made in Abyss, au-delà de son aspect découverte, de son monde en apparence merveilleux, et des designs tout ronds et mignons de ses héros, pourra bel et bien se révéler être cruel, voire dangereux, à plus d'une reprise, y compris dans ses informations sur les héros.
La quête d'identité de Rico qui veut découvrir sa mère et ses origines, et de Légu qui veut comprend ce qu'il est et quel est son passé, constitue un fil conducteur particulièrement intrigant dans l'oeuvre. Un fil conducteur pour lequel le mangaka distille donc déjà quelques informations, sans encore trop en dévoiler. Juste assez pour entretenir les choses.

De rencontre en rencontre
La quête et l'exploration de nos deux jeunes héros sont également marquées par des rencontres importantes, qui vont les marquer, voire les faire évoluer, leur faire apprendre et comprendre des choses.
Et dans les trois premiers tomes et quelques du manga (donc également dans les 13 épisodes de l'anime), on peut véritablement retenir deux rencontres cruciales.
Tout d'abord, Ozen, légendaire sifflet blanc surnommé le Seigneur figé, dont on a déjà eu l'occasion de parler. Une figure qui, ne serait-ce qu'à travers son design ou ce qu'on dit d'elle, inspire d'emblée une certaine inquiétude. Ozen peut avoir un comportement bizarre, parfois proche du sadisme, a une façon de parler à Rico qui peut être crue et dure... Que cache ce comportement ? On vous laisse découvrir la réponse, en partie en lien avec la relation qu'elle avait avec Lisa. En tout cas, au fil de sa rencontre avec Rico et Légu, on a tout de même une bonne occasion de mieux cerner ce personnage qui cache malgré tout un certain bon fond derrière son apparence si froide voire effrayante.

Puis il y a surtout le personnage qui est sûrement devenu le plus populaire de la série, Nanachi, curieux être au comportement un peu étrange et taquin envers Légu, qui se fait appeler une ombre, et qui semble connaître pas mal de choses sur l'Abysse. Si Rico et Légu feront, au fil de leur aventure, des rencontres importantes comme celle d'Ozen, la plus marquante reste bel et bien celle de ce jeune garçon doté d'une fourrure qui a l'air toute douce et qu'on a envie de tripoter autant que Rico et Légu, d'un caractère assez taquin qui le rend irrésistible... Mais derrière son apparence mignonne se cache un passé on ne peut plus cruel, lié à ce qui semble être d'abord son "animal de compagnie", la difforme Meethi... Puis au-delà de ça, sa présence auprès de nos deux héros va s'avérer capitale sur plusieurs points : sauver la vie de la fillette, apprendre des petites choses à ses hôtes... et lui-même pourra apprendre des choses auprès de ces deux-là, à commencer par la beauté d'un vrai bon repas éloigné des tambouilles infâme qu'il se prépare. Une chose est sûre: Nanachi, avec sa façon d'être, son histoire, son physique, est le personnage qui a fait décoller la popularité de l’œuvre.

Derrière l'aventure, un propos sombre et cruel
Au gré de leurs avancées et de leurs rencontres, Rico et Légu apprennent des choses, gagnent quand même en expérience, ont même l'occasion de découvrir notamment grâce à Ozen certaines techniques de survie, puis de s'entraîner et de s'informer sur certaines choses indispensables à savoir pour la suite de l'exploration... Seulement, tout cela sera-t-il suffisant aux deux enfants pour éviter tout problème et s'extirper des dangers sans mal ? C'est que l'Abysse et les êtres qui s'y terrent, monstres comme humains, peuvent être cruels. Très cruels...
Un gouffre synonyme de douleur et souffrance
Si le bestiaire est toujours séduisant, il regorge forcément, comme on l'a déjà vu, de créatures très redoutables... Tellement redoutables qu'elles risquent de mettre Rico et Légu à rude, très rude épreuve. Et en effet, on en a l'exemple le plus dur et le plus brutal à partir de la cinquantaine de pages du volume 3 et de l'affrontement contre un perceballe. C'est une mésaventure particulièrement dramatique, douloureuse et éprouvante qui va attendre nos héros. De plus en plus perspicaces et dangereux au fil de la descente dans l'Abysse, les créatures ne manquent pas de moyens pour faire souffrir leurs cibles, et Rico risque d'en faire l'expérience. Autant le dire, c'est à partir de ce passage que la série commence à mériter complètement sa mention "pour public averti", qui apparaît en quatrième de couverture. Malgré son design de personnages tout rond et mignon et son appel à l'aventure et à la découverte d'endroits fascinants, la série ne fait pas du tout semblant dès qu'il s'agit de montrer la cruauté et la douleur par lesquelles doivent passer les personnages, et ici il est difficile, devant quelques pages assez insoutenables, de ne pas ressentir toute la douleur de Rico, mais aussi son courage, ainsi que la détresse de Légu qui doit prendre une décision dure... mais cela suffira-t-il pour se sauver ?

Quand l'homme lui-même devient une menace
Et quand ce ne sont pas les créatures qui est synonyme de danger, d'horreur et de cruauté, c'est l'homme qui prend le relais, et à ce titre il y en a un qui incarne tout cela. Ozen a pris soin de mettre en garde Rico et Légu contre les trois autres Seigneurs sifflets blancs, en tête desquels le dénommé Bondold, le Seigneur de l'aurore. Et si elle a insisté sur ce dernier, ce n'est pas pour rien, car il est à l'origine de toutes les souffrances de Nanachi et de Meethi.
Qui est exactement Nanachi ? Pourquoi a-t-il une telle apparence ? Qu'est exactement son adorable Meethi, son unique compagne déformée ? Tout en participant au sauvetage de Rico avec un Légu qui gagne en détermination et en courage, Nanachi sera alors le vrai personnage phare de toute la deuxième partie du volume 3, surtout à partir du moment où l'on découvre tout son passé en compagnie de Meethi... Et derrière ce garçon qui semble si taquin se cache en réalité une profonde douleur et des épreuves plus cruelles encore que tout ce qui a précédé. On cerne bien le lien qui unit Nanachi et Meethi depuis toujours, l'horreur qui réside dans leur malédiction, la décision déchirante prise par Nanachi en fin de tome, et aussi la confirmation qu'au sein de l'Abysse, les humains peuvent aussi devenir une horrible et sombre menace, Bondold en étant bel et bien la meilleure preuve.
Il s'agit là d'événements qui dévoilent entièrement toute la dureté et la cruauté dont l'oeuvre est capable. Et étant donné que chaque moment dure semble un peu plus terrible que le précédent, on peut facilement se demander jusqu'où le mangaka ira...

Derrière l'horreur et la souffrance, des lueurs d'espoir
ATTENTION : SPOIL DANS CETTE PETITE PARTIE !
Au-delà des dangers et des moments difficiles et terribles, il y a pourtant bien des éléments un peu plus lumineux et porteurs d'espoir.
En effet, en utilisant son incinérateur pour mettre fin à la triste existence de l'immortelle Meethi, Légu a achevé, non sans larmes, le long et douloureux objectif de Nanachi... et fait naître chez le petit garçon duveteux un nouveau désir: maintenant qu'il est seul, que Meethi n'est plus là, il peut se permettre, sur proposition de Rico, d'accompagner nos héros dans leur délicat périple vers les fonds de l'Abysse. Désormais, nos jeunes aventuriers ne seront plus deux, mais trois ! Mais pour la suite du voyage, il va falloir se préparer. Rico est encore en convalescence, il faut le temps de la soigner, ce qui ne se fera pas sans douleur, ni sans quelques moments plus chaleureux. Ainsi, après l'éprouvant, dur et intense du 3e volume, les deux premiers chapitres du tome 4 viennent achever avec réussite la halte de Légu et Rico chez leur nouveau compagnon. Tandis que le récit reste assez dur via les soins douloureux que Rico doit subir, il a surtout pour intérêt, salvateur pour Nanachi, de consolider également la relation entre les trois enfants, entre quelques scènes rigolotes comme celle du bain et d'autres conviviales voire poignantes comme celle des repas.

Et par la même occasion, c'est donc ici que l'on rattrape ce qui a été adapté dans la saison 1 de l'adaptation animée.
FIN DU SPOIL

La patte visuelle d'Akihito Tsukushi
On a largement pu le voir tout au long de ce dossier jusqu'à présent : l'univers de Made in Abyss s'avère être très bien pensé et riche en possibilités, et ça vaut aussi pour les visuels.
La série est le tout premier manga d'Akihito Tsukushi, qui comme déjà dit précédemment est un artiste qui a auparavant travaillé pendant une dizaine d'années dans une société de développement de jeux vidéo. Et on devine que cette expérience l'a beaucoup inspiré pour créer son univers imaginaire déjà bourré d'inventivité.
Les designs de créatures et les vues des paysages de l'Abysse séduisent d'emblée et constamment pour leur diversité ainsi que pour leur originalité, d'autant plus que l'artiste offre un style qui ne se conforme pas du tout aux standards du manga. Ses planches ont un aspect assez crayonné, ce qui est renforcé par des cases rarement classiques dans leurs contours (ces contours irréguliers semblent souvent dessinés à la main). Et il offre d'habiles enrichissements et approfondissements du dessin en jouant beaucoup sur des nuances de gris.

Toutefois, on peut signaler un petit bémol pouvant déplaire à une partie du lectorat : le manga peut parfois légèrement décontenancer à cause de quelques pages, par-ci par-là, où l'auteur offre un petit peu de nudité inutile ou de moments un peu gênants, comme quand Habo mate l'entrejambe de Légu (euh ?) que Rico subit le châtiment en étant ligotée nue... Un aspect qui s'étend jusqu'au dessous des jaquettes des volumes : les illustrations des couvertures quand on soulève ces jaquettes, sauf pour le tome 1, présentent toujours les jeunes personnages nus, sans qu'on sache pourquoi. Il ne s'agit que de quelques cases, de quelques images, mais on ne comprend pas trop ce que ça vient faire là, car ça n'a pas d'utilité dans l'intrigue, et le fait que cela concerne des personnages très jeunes peut mettre mal à l'aise.

MADE IN ABYSS © Akihito Tsukushi / TAKE SHOBO 2013 Originally published in Japan in 2013 by TAKESHOBO Co.LTD., Tokyo.
De Nedi, le 03 Juillet 2022 à 20h34
Alors moi j'ai du arrêter le manga parce que malgré toutes ses qualités (graphisme, scénario, thématiques...) j'ai eu la désagréable impression de donner de l'argent à un auteur pédophile. La fascination pour les corps nus d'enfants, certaines scènes de tortures ou les enfants sont nus... Ça m'a mise très mal à l'aise et c'est rédhibitoire pour moi. Et vraiment ça vient du fait que ce sont clairement des enfants. J'ai pu affronter Berserk mais ça c'est non, je peux pas cautionner.
De Raneshi, le 10 Février 2019 à 08h22
Point positif de l'oeuvre:
Toujours pas assez trognon ..
Point négatif de l'oeuvre:
Pas assez ronchon...
FIN MOT: Just a masterpiece ?! *w*