Ludwig Revolution

Ils vécurent heureux et …

Les inspirations les plus évidentes du manga, ce sont les contes des frères Grimm. Cendrillon, Blanche-Neige, La Belle au Bois Dormant, le petit chaperon rouge, Hansel et Gretel, Raiponce, Le roi grenouille ou Henri de Fer, La petite gardeuse d’oie, Demoiselle Méline – la princesse, … Les Grimm ont publiés pas moins de six recueils de contes, avec environ 200 histoires différentes. Kaori Yuki a donc repris les plus connus pour nous les faire découvrir sous un autre angle. Quelques-uns de ces contes, comme Barbe-Bleue ou Cendrillon, sont inspirés des textes originaux de Charles Perrault, même si les aboutissants ne sont pas forcément les mêmes. En dehors de la nature des histoires, la mangaka tire également son titre de l’histoire des deux frères si connus. Ludwig est en effet le deuxième prénom de l’aîné des Grimm mais également le prénom du troisième frère qui a illustré leurs histoires, tandis que Wilhelm est celui de son cadet. Et Dorothea est le prénom de leur mère. Donc c’est vraiment réfléchi de la part de l’auteur, de distribuer des noms de cette façon. Elle a beau faire preuve de beaucoup de légèreté dans sa narration, rien n’est vraiment laissé au hasard. Enfin, les dessins de l’auteur sont également inspirés et pas faits au hasard de son inspiration. Le château de Ludwig est la copie parfaite d’un château Danois, celui de la belle au bois dormant est celui du roi Ludwig II de Bavière ; enfin la demeure de Barbe-Bleue est une réplique d’une construction espagnole. Il est bon de savoir que la mangaka réfléchit ses histoires et les construit de manière profondément inspirée et recherchée. L’auteur désire s’inspirer le plus possible du contexte de vie de Ludwig, alors même qu’elle est une spécialiste de ce genre de décor malgré sa nationalité japonaise. Et ça marche, nous plongeant vraiment dans l’ambiance qu’elle veut créer, presque sans difficulté.
 
  
 
 
 
Un point à ne pas négliger, c’est l’humour. Oui oui, l’humour. A côté du drame de Blanche-Neige, l’auteur insuffle beaucoup d’humour à ses histoires plus légères et avec moins de poids. Elle alterne ainsi les deux, entre drame et comique. D’autant plus que certains personnages, tels Dorothea ou même Ludwig lui-même, servent clairement le côté drôle de certaines situations. Clairement, on a un pied dans la parodie, l’autre dans l’horreur. C’est un savant mélange que l’auteur nous propose, un peu comme une nouveauté puisque dans ses autres œuvres il y avait nettement moins d’humour. Ici c’est clairement un des thèmes du manga, contrairement à Angel Sanctuary ou Fairy Cube ou encore God Child. Le personnage principal est tourné vers la dérision, et Kaori Yuki a un humour réellement noir et cynique, ce qui est plutôt rare chez elle. Voilà qui est donc une bonne surprise de la part de la mangaka, qui nous séduit sur un plan supplémentaire. Voilà une corde de plus à son arc qui, si elle ne plaira pas à tout le monde, apporte réellement quelque chose à la bibliographie de l’auteur. Donc, si cette série n’est pas parfaite et loin de là, elle est intéressante pour une vraie bonne raison.

Malheureusement, au-delà de la bonne surprise qu’est ce manga, agréable à la lecture et plutôt fascinant par son aspect noir, il a des défauts. Les chapitres et histoires sont clairement inégaux en taille et en qualité. Certains durent quelques pages et sont très secondaires, d’autres sont bien plus importants et s’étalent en plusieurs pages pour approfondir les situations proposées. Le début du tome un, en d’autres termes les passages les plus noirs et dépourvus du moindre humour ou presque, est bien plus noir que les autres. Mais ils ont été écrits cinq ans plus tôt que les autres. A vrai dire, en 1999 au moment de la prépublication de la série, Kaori Yuki n’envisageait absolument pas de créer une série autour de ces quelques chapitres écrits pour le plaisir. Mais finalement, après la très grande noirceur de Blanche-Neige, où Ludwig est décrit comme un monstre, l’auteur a fini par s’attacher à ses personnages et par décider de les faire vivre plus longtemps. Voilà comment est née la série, l’air de rien, sans vraiment de réflexion au préalable. Pourtant, il est encore plus intéressant de voir à quel point la mangaka avait réfléchi à tout son contexte pour seulement quelques chapitres. Et finalement, tout a du s’arrêter quand l’auteur est arrivé au terme de la grossesse de son deuxième enfant. L’accouchement l’a fait s’arrêter dans sa série, alors qu’elle aurait préféré faire perdurer les aventures de tout ce petit monde. C’est pour cela qu’il existe une fin réellement ouverte, afin de pouvoir les reprendre à tout moment. Et cela parait en effet être juste une pause, puisqu’elle reprend la série avec une suite intitulée Ludwig Fantasia, qu’on espère voir un jour en relié, puis en France tandis que les japonais découvriront sa publication dans le Bessatsu Hana to Yume à la fin du mois. C’est sans doute à cause de cette précipitation que l’auteur a bâclé quelque peu sa fin, en dosant un peu maladroitement l’intérêt de ses derniers chapitres. Le côté pervers des contes qui transparaissait dans l'histoire se fait moins présent, l'aspect morbido-comique également. Ainsi la conclusion du complot de Julius et de sa belle-mère apparaît peu convaincant même si l'empreinte de l’auteur est définitivement présente.