Le Nouvel Angyo Onshi

A la découverte du Royaume de Jushin

   
Le récit du Nouvel Angyo Onshi s'ancre dans les ruines d'un royaume perdu, dans un univers profondément fantastique. Notre héros étant un vagabond presque solitaire, ses pas l'amèneront dans un premier temps vers des aventures très variées, où il ne faut jamais croire en ce qui se présente devant ses yeux. Si les deux auteurs ont décidé de publier cette série au Japon, ils n'en oublient pas pour autant la culture à laquelle ils sont attachés. Ainsi, les différentes épreuves sur le chemin de Mun-Su sont autant de références à des contes Coréens. A commencer par les Angyo Onshi, qui ont réellement existé il y a plus de 500 ans ! Leur véritable rôle était similaire à ceux présentés ici, à la différence près que leurs mahai (leurs médaillons) leur permettait simplement de réquisitionner des chevaux. L'histoire de Chun-Hyang est également très répandue en Corée, et il existe même différentes variantes pour sa conclusion. Le traitement épisodique des premiers tomes permet ainsi de montrer un éventail très large de légendes, que ce soit le mythe autour de la mandarague, ou cette célèbre histoire narrant la relation fraternelle entre un homme et un tigre, que Youn In-Wan avait a cœur de ne pas dénaturer. D'ailleurs, le scénariste nous offre à la fin de chaque histoire un point culturel pour que le lecteur puisse saisir toutes les nuances et les références de son œuvre. Plus que de simples inspirations disséminées de-ci de-là, Le Nouvel Angyo Onshi est un vrai guide sur la culture coréenne et de ses légendes. Une fois le contexte établi, la série nous plonge dans un univers rempli d'éléments fantastiques qui n'appartient qu'à elle. On y découvrira des morts-vivants, des créatures humanoïdes comme les Salingers, ou de vraies monstruosités démoniaques tels que les Kaïdatens, qui offrent d'ailleurs une des batailles les plus épiques de cette saga. Face à ce bestiaire, les héros peuvent user de techniques tout aussi impressionnantes. Les guerriers utilisent des armes plus qu'imposantes, tandis que d'autres usent de magie destructrices ou d'invocations particulièrement gigantesques... tout est fait pour que le lecteur en prenne plein les yeux grâce à la grandiloquence des scènes d'action, surtout en fin de série, rehaussées par le trait riche de Yang Kyu Il.

Si l'histoire a un fort aspect fantastique, elle n'en oublie pas pour autant de se resituer dans un cadre historique fort, et de nous faire découvrir le royaume de Jushin. Après la chute de ce dernier, les gouverneurs locaux imposent leurs lois, et certaines ethnies se différencient, présentant des différences notables dans leurs politiques. Et c'est ainsi que l'on verra Mun-Su défendre la valeur du peuple, en forçant les gens à se libérer de leurs entraves par leurs propres moyens. La série sait également apporter des touches plus modernes pour recadrer son contexte historiques. Ainsi, il ne sera pas gênant de voir des personnages brandir des revolvers dans ce monde de légendes. A l'époque du royaume de Jushin, le port d'armes à feu était prohibé et sa chute entraina leur trafic, faisant émerger le pays dans  L'ère moderne. Rien ne reste figé et on ressent l'évolution technologique, à l'image notamment du personnage de Yonshil. Ce maître en Taekwondo est également un inventeur de génie et saura insérer sa science dans ce monde en proie à la modernité. Cette dernière est également symbolisée par les colons européens, qui semblent alors en clivage total par rapport à ce peuple vivant encore selon ses mythes. En effet, les auteurs créeront la surprise en évoquant l'arrivée d'armées étrangères dans ce monde de traditions coréennes. Une partie du récit narrera même le voyage de Mun-Su en Angleterre dans son passé. Si au départ les européens paraissent bien trop ancrés dans le réel et totalement dépassés par les créatures régnant au Jushin, comme si nous n'avions pas nous aussi notre lot de contes et de légendes, le flash-back du séjour du héros redressera le tir en montrant des éléments de magie noire. Certaines créatures sont mêmes assez proches de leur homologues coréennes, comme si les auteurs voulaient montrer l'omniprésence du Mal dans le monde. Au final, l'œuvre réussit un certain mélange des genres, où les éléments très modernes côtoient presque anachroniquement les créatures mythologiques, et où l'ambiance épique se mêle allègrement avec celle d'un western à la sauce coréenne.