Le Nouvel Angyo Onshi

Une narration particulière

       
Publié en tant que shonen manga, Le Nouvel Angyo Onshi se devait de respecter bon nombre des codes de ce style. Pourtant, on découvrira très rapidement que les auteurs arrivent à les utiliser, tout en les détournant subtilement. Le premier chapitre de la saga tend d'ailleurs presque à la parodie du genre : un vagabond de passage arrive dans un village dévasté, régi par l'assistant d'un gouverneur véreux. Le jeune homme va alors sauver une jeune fille dont la mère a été capturée, et qui doit être exécutée bientôt... et pourtant, tout va se retourner d'un seul coup, en l'espace de quelques cases seulement ! Autre exemple lors de la mort de Mon-Ryong dans le chapitre suivant, qui prend totalement au dépourvu le lecteur, si bien qu'il y aura un temps d'arrêt sur la scène pour réaliser. En très peu de temps, les auteurs nous font bien comprendre que nous ne sommes pas au bout de nos surprises !

Le caractère épisodique des premières histoires rappelle également le démarrage de la plupart des titres du genre, mais peu à peu, les récits vont finir par s'allonger et se complexifier, dès lors que le lourd passé du héros commencera à être évoqué... Pourtant, le récit ne tombera jamais dans une logique trop linéaire, et même les arcs que l'on estime durer se régleront assez vite, à l'image de celui centré sur les Walbins. Aux ennemis les plus charismatiques s'opposeront une bande d'alliés à la cause de Mun-Su qui grandira peu à peu, avec son lot de fidèles, de personnages issus du clan adverse convertis au gré des aventures, ou encore de ceux qui ont trahi leur général d'antan avant de se rallier à nouveau à sa bannière. Le tout peut sembler bien classique, mais Youn In-Wan a l'intelligence de ne jamais laisser les histoires s'enliser dans des combats auxiliaires interminables. Si certains seconds rôles ne brillent pas autant qu'on ne pourrait le penser, ce n'est pas un oubli de la part du scénariste mais bel et bien parce que l'histoire tourne surtout autour de son héros Mun-Su. La quête de puissance habituelle n'a pas vraiment de place dans cette œuvre, car notre Angyo Onshi est bien loin de sa puissance d'antan, victime d'une malédiction qui l'empêche de fournir de gros efforts. Ainsi, le voilà obligé de faire confiance aux autres, et l'habituelle thématique de la force de l'amitié prend ici plus un sens de loyauté, de rassemblement sur des convictions partagées. Ajoutons aussi que si les affrontements sont souvent très physiques, les évènements les plus majeurs se jouent souvent grâce à la force des mots, des paroles, voire des ruses que peut déployer Mun-Su. Si l'on peut voir certaines phases d'entraînement, l'accent n'est jamais mis sur la hausse de pouvoir des personnages, et leur évolution est souvent bien plus psychologique que physique. Si les ennemis, Ajite en tête, sont souvent des surhommes capable de tour réduire à néant en un battement de cil, Mun-Su apparait alors beaucoup plus humain et fragile. Si l'on peut trouver dans le récit quelques guérisons miracles, elles ne se feront jamais sans conséquences, et certaines scènes feront preuve d'un grand fatalisme face à la Mort. Preuve en est, une fois encore, que si l'œuvre sait user des codes du genre, elle en connait également les limites et sait garder les pieds ancrés dans son monde, cruel et impitoyable.