Le Conte de la Princesse Kaguya - Actualité manga
Dossier manga - Le Conte de la Princesse Kaguya

A l'origine, un conte fondateur


Le Conte du Coupeur de Bambou, ou Taketori-no-Okina, est considéré comme le plus ancien conte écrit du Japon, et il est également le plus populaire de son pays, à tel point que le nombre d'oeuvres ayant puisé des inspirations poussées ou mineures dedans sont légion.

Du côté du manga, cela va du thriller fantastique Princesse Kaguya de Reiko Shimizu à l'album jeunesse Kaguya, princesse au clair de lune paru aux éditions nobi nobi!, en passant par le shôjo écolo Please Save my Earth, le titre d'action The Moon Sword, le shônen Moonlight Act de Kazuhiro Fujita... pour ne citer que quelques mangas parus chez nous.

L'animation n'est pas en reste avec les seconds films d'Inu Yasha ou de Sailor Moon, un épisode de la comédie Lamu, ou plus récemment la série animée Nobunaga The Fool qui s'offre un "mix" historique avec le personnage de Jeanne Kaguya d'Arc.

Les références à ce conte s'étendent également au jeu vidéo avec un passage du jeu Okami ou le jeu Lunar - Eternal Blue, ou même au ballet et au théâtre.

Ultime exemple de sa popularité : il aurait apporté son nom au mont Fuji.

C'est donc à un véritable emblème nippon qu'Isao Takahata s'est attaqué avec Le Conte de la Princesse Kaguya, sans pour autant y perdre ses thématiques phares, comme nous le verrons.





Première partie : vie à la campagne, jeunesse, épanouissement... et mystère


Par rapport au conte original, Isao Takahata a pris quelques libertés, en occultant le final, et en approfondissant la jeunesse de Kaguya.

Le film commence fort logiquement sur une première partie croquant cette jeunesse au fin fond de la campagne japonaise de l'époque, autant dire que c'est du pain bénit pour Takahata, qui a tout le loisir de croquer toute la poésie champêtre dont il est si friand. Surnommée "pousse de bambou" par les autres enfants à cause de sa faculté à grandir très vite, la fillette passe du statut de bébé qui apprend à marcher et imite les grenouilles sous l'oeil très bienveillant de ses parents, à celui d'enfant joyeuse vagabondant dans la nature avec ses amis, dont un qui est très proche d'elle et la protège, puis à celui de très belle jeune fille, à même de conquérir les coeurs.

Avec un gros travail sur les décors naturels, les bois, les fleurs et les animaux, ou les petites aventures des enfants qui affrontent des sangliers, chapardent des melons, chassent un faisan, chantent ensemble en marchant, ou sautent joyeusement de façon dansante comme dans Heidi, le réalisateur croque une vie campagnarde joyeuse, insouciante, et également dotée de cet aspect communautaire qu'il avait tant approfondi dans Pompoko...

Mais déjà, on devine que le mystère plane autour de la jeune fille, qui, en plus de grandir très vite, a quelques instants d'absence, des moments de mélancolie qu'elle ne comprend pas elle-même, à l'image de celui du chant. Et tandis que sa fille grandit dans la joie, le coupeur de bambou, lui, continue de découvrir dans sa plantation des choses merveilleuses comme envoyées par une puissance inconnue : de l'or, des étoffes de luxe... tout ce qu'il faut pour offrir à sa fille une vie plus idéale, une vie plus digne de sa beauté, une vie de princesse à la capitale. Mais cette nouvelle vie la rendra-t-elle heureuse ?





Deuxième partie : vie en ville, portrait d'époque, arts, et mélancolie


Commence alors la deuxième et plus longue partie du film : celle de la vie de Kaguya à la capitale.

Et plus encore que dans la partie à la campagne qui était pourtant déjà excellente sur ce point, on se prend une véritable claque sur la peinture d'époque. Les décors, avec ces bâtiments détaillés et ces vues légèrement floues ou dominées par le blanc, évoquent un peu des peintures anciennes ou des estampes, pour un résultat captivant. A vrai dire, le film mériterait d'être revu rien que pour admirer ces décors, qui doivent beaucoup au travail de Kazuo Oga. A cela s'ajoutent les nombreux détails sur la vie de l'époque, sur les vêtements avec de superbes étoffes, sur les activités de haut rang comme le koto, sur les moeurs comme l'épilation des sourcils, les dents noircies, la calligraphie ou le banquet...

Kaguya devra découvrir tout ça, bien malgré elle, la jeune fille conservant d'abord la joie qu'elle affichait à la campagne en en faisant voir de toutes les couleurs à sa préceptrice, puis comprenant qu'elle devra réellement s'appliquer à cette bonne éducation... au risque de commencer à perdre sa joie et son insouciance. Kaguya intrigue à nouveau, épaissit le mystère autour d'elle, notamment quand elle montre d'incroyables prédispositions naturelles au koto dès qu'elle s'y met sérieusement. Mais pendant qu'elle perfectionne son statut de princesse et attire vers elle les plus nobles hommes du pays, c'est la mélancolie qui grandit en elle. Partagée entre une mère qui reste un soutien bienveillant, mais faible, et un père qui ne se rend pas compte des malheurs qu'il crée à force de vouloir faire d'elle une fille digne, Kaguya se renferme, devient plus froide, surtout envers ses prétendants qu'elle repousse parfois presque méchamment.

On a pu lire certaines critiques reprochant au film la trop grande froideur de Kaguya vis-à-vis de ses parents et de ses prétendants, or celle-ci n'est pas totale (Kaguya reste proche de sa mère par exemple), et cette froideur apparente s'explique parfaitement dans le fait qu'elle ne trouve absolument pas sa place dans le monde noble de la capitale, ses pensées étant sans cesse tournées vers les souvenirs nostalgiques de son enfance insouciante à la campagne, entourée de ses amis qui ne sont plus qu'un souvenir. Aussi, quand elle se rend compte des malheurs parfois très graves que cause sa froideur confiant parfois à des caprices, la jeune fille devra connaître une forme de rédemption logique.

Loin d'enjoliver les choses, Isao Takahata conserve son ton réaliste malgré les éléments fantastiques, un ton réaliste qui a toujours été présent dans ses oeuvres, là où son compère Hayao Miyazaki fait volontiers un peu plus dans le fantaisiste et le grand public. Cet aspect réaliste résonne jusque dans la dernière ligne droite du film, où se dévoile enfin la véritable nature de Kaguya, avant un final profondément mélancolique. Mais évitons d'en dire trop sur le final, si ce n'est qu'il pourra apparaître un peu longuet aux yeux des connaisseurs du conte.
  
  
  

© 2013 by Ghibli / Walt Disney Studios Entertainment

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