Le Bateau-Usine - Actualité manga
Dossier manga - Le Bateau-Usine

L'horreur d'un lieu de travail sans lois


On pourrait presque diviser la lecture du manga Le Bateau-Usine en deux parties, la première des deux étant la plus longue et nous invitant à suivre les horreurs et les méthodes douteuses commises par l'intendant sur ses employés.

Rapidement, l'histoire nous expose l'état lamentable du navire sur lequel doivent travailler ces ouvriers, machinistes, marins et pêcheurs, ainsi que les aberrations légales : la loi sur la navigation ne s'appliquait pas à ce type de bateau, mais la loi sur les établissements industriels non plus alors que le navire est une véritable usine flottante. De ce fait, l'intendant Asakawa peut diriger les choses absolument comme il veut, et il ne s'en prive pas. Il n'hésite pas à envoyer quasiment au suicide des pêcheurs en les faisant monter dans des chaloupes en pleine tempête, les punit s'ils reviennent sans leur canot (car c'est une perte économique pour l'entreprise), se fiche que ses hommes soient contraints de somnoler dans des caisses dans des conditions insalubres, ne laisse aucun repos aux malades qu'il accuse d'être inutiles et qu'il punit dès lors qu'ils deviennent incapables de travailler (si bien que la mort rôde et finit par s'abattre), n'hésite pas à aller jusqu'aux tortures physiques pour imposer la crainte de sa personne (par exemple, les coups fusent régulièrement, et il finit par punir au fer rouge les moins bons travailleurs)...





Constamment, l'intendant dévoile un comportement où il fait totalement primer les bénéfices de l'entreprise, le rendement, les sous, sur le bien-être, le moral et la vie de travailleurs dont il se fiche royalement. Son comportement pourrait paraître un peu trop caricatural et exagéré de nos jours et dans notre société, mais est-ce vraiment le cas ? N'oublions pas que le récit se déroule en 1920, mais qu'il garde quelque chose de très actuel en nous rappelant que, depuis, des lois ont été créées pour tenter d'éviter ça (même s'il reste toujours beaucoup à faire), des hommes se sont battus au fil des décennies pour acquérir des droits, et qu'il est important de veiller à ce que ces droits ne soient pas ternis. A l'heure où certains projets de ces dernières années (comme la Loi Travail, entre autres), ont continué de menacer une partie de ces droits chèrement acquis dans le but d'enrichir toujours plus une élite, Le Bateau-Usine apparaît plus que jamais d'actualité.


Un récit anticapitaliste toujours actuel


Le pamphlet anticapitaliste du Bateau-Usine est visible déjà assez clairement, mais il apparaît d'autant plus effrayant et actuel en dépeignant à travers Asakawa tout un tas d'autres choses qui, elles, sont encore et toujours appliquées.

En tête, toutes les inhumaines stratégies visant à "diviser pour mieux régner". Cela commence par le cas de Miyaguchi, un ouvrier qui finit par se cacher pour se reposer tant il n'en peut plus : l'intendant annonce qu'il offrira des cigarettes et une serviette à qui le retrouvera.

Puis on le voit tenter de créer une relation de concurrence entre le camp des marins et celui des pêcheurs et ouvriers, concurrence qu'il décide d'accentuer en récompensant les meilleurs travailleurs.





Avec cette concurrence malsaine, tout à fait dans l'esprit de ce qu'appliquent nombre d'entreprises aujourd'hui, il tente d'occuper l'esprit des travailleurs, histoire de moins leur laisser l'occasion de réfléchir sur leur situation et de tenter de s'organiser pour se rebeller...
  
  


© Takiji Kobayashi, Go Fujio 2006 / Higasiginza Shuppansha, Tokyo

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