Des personnages imposants
Bien entendu, si l'oeuvre d'Hiroi et de Kozaki fonctionne aussi bien, c'est en grande partie dû à son casting qui, à l'image de son scenario, ne brille pas forcément par son originalité lorsqu'on le regarde de loin mais qui, pourtant, possède une dose de charme suffisamment grande que pour convaincre sans tarder. Et question charme, l'héroïne éponyme de la série qu'est Kyoko se pose là. Mystérieuse, elle n'en demeure pas moins attachante et attirante juste comme il faut afin de mener à bien son rôle principal. Mais, outre son caractère et son apparence, ce qu'il est agréable de constater c'est que la demoiselle évoluera tout au long du récit. Cela se traduit à la fois dans son apparence (on peut au passage souligner l'excellent boulot de Kozaki à ce sujet, même si l'on y reviendra plus en détails par la suite) mais aussi dans son comportement qui changera au fur et à mesure qu'elle en apprendra plus sur elle-même. Mais au delà de ça, ce qui est ici intéressant, c'est également le fait que Kyoko ne portera pas à elle seule la série sur ses épaules, que du contraire. Ray, son partenaire, se montre au fil du temps pratiquement aussi important qu'elle. C'est en tout cas une certitude quant au charisme qu'il dégage. Encore une fois, un personnage comme Ray sent quelque peu le réchauffé tant il est l'exemple type du vieux flic bourru qui cherche à se venger avant de tourner la page pour de bon, et pourtant. Et pourtant, il en impose de par la manière dont la chose est amenée et de par les quelques détails qui font qu'il est celui qu'il est et non pas un simple archétype. Il en va d'ailleurs de même pour Mitamura, leur supérieur et celui qui s'est occupé de l'éducation de Kyoko, tout en gardant pas mal de zones d'ombre pour lui qu'il n'éclairera qu'au compte-goutte. En définitive, ce qui fait avant tout la force de ce trio que l'on peut considérer comme étant les trois têtes d'affiche de la série, c'est avant tout l'alchimie qui opère entre chacun d'entre eux et qui est parfaitement bien transmise au lecteur.
En marge de ce trio principal, on retrouvera également toute une palanquée de personnages plus ou moins réussis venant et repartant au fil de l'intrigue et de ses rebondissements. Si certains sont réussis et se montrent même drôlement sympathiques, d'autres seront en revanche un peu plus dispensable ou, en tout cas, pas vraiment à leur place dans l'univers dépeint. Je pense par exemple à Miki Sugiura qui a bien du mal à trouver un minimum de crédit au travers de ses différentes interventions. Toujours est-il qu'à l'une ou l'autre exception près, chacun de ces personnages a au moins le mérite de laisser une trace, de marquer de leur empreinte l'oeuvre lors de leur passage et rien que cela, c'est déjà plus que satisfaisant.

Une profondeur inattendue
Si Kyoko Karasuma se veut avant tout être une série d'action rondement menée et divertissante à souhait, elle n'en est pas pour autant complètement décérébrée, bien au contraire. Au fil des chapitres, et alors que le conflit entre oni et humains s'expose au grand jour, il devient assez aisé de faire le parallèle entre cette société qui lutte contre une "invasion" à laquelle ils ne sont pas préparés, d'une race qui leur est étrangère et le métissage progressif de grandes villes telles que Tokyo ou d'autres un peu partout dans le monde avec les nuances qu'elle entraine dans la mesure où, comme le dit Mitamura lui-même de manière explicite à un moment donné, tout ne se résume pas aux extrêmes noir et blanc. Et ces nuances de gris qu'il faut bien garder à l'esprit s'appliquent également pour l'opposition entre le respect des traditions et de la religion et l'avancée vers une société moderne et tournée vers la science qu'on retrouve également dans le récit. Ces thématiques s'inscrivent par ailleurs dans le personnage de Kyoko elle-même puisqu'elle doit, justement, composer avec sa condition particulière et le fait qu'elle se trouve à la frontière entre ces oppositions.
Bien entendu, tout cela reste malgré tout mineur et le discours qui est donné reste relativement simpliste et ne se veut aucunement trop insistant ou encombrant que pour gêner ceux qu'il n'intéressera pas. Ceci dit, il reste néanmoins bel et bien présent et vient s'ajouter à la densité de l'univers dont je parlais au début du dossier, méritant ainsi d'être signalé.
© Ohji Hiroi / Yusuke Kozaki - Gentosha Comics Inc.
De geoff [1324 Pts], le 02 Mai 2012 à 01h24
Effectivement, très intéressant ce dossier sur Karasuma. Cela fait un moment qu'elle est sur ma liste d'achat, et je crois bien que je vais craquer ce mois ci pour la série !
Merci en tout cas pour l'analyse detaillé de la série !
De JohnDoe [599 Pts], le 27 Avril 2012 à 20h47
Un très bon dossier, comme d'habitude serais-je tenté de dire !
Un dossier qui met en évidence les (nombreuses) qualités du titre, sans omettre les (quelques) défauts mineurs.
Un dossier qui donne envie de découvrir la série, en espérant une parution française pas trop lointaine pour le tome 10.