L'installation d'un trio iconique
Quant à l'autre mise en place phare, elle provient indéniablement du trio principal qui se forme autour de Masaru, l'orphelin pourchassé, Narumi, le jeune garçon costaud et au grand coeur, et Shirogane, la marionnettiste aussi sublime et agile que surdouée quand il s'agit de manipuler sa marionnette Arlequin.
Le trio pourrait apparaître classique, surtout au vu de débuts de relations standards et qui évolueront beaucoup sur la longueur (Narumi et Shirogane se font peu confiance au départ, mais ça changera beaucoup), mais Fujita est plus malin que ça en dégageant déjà, chez chacun d'eux, un peu plus de complexité, un début de background, et des pointes d'originalités.
Ainsi, on découvre en Masaru un enfant innocent mais pas bête pour autant (il sent bien quand on lui ment, et sait sur qui il peut réellement compter), et qui se révélera même beaucoup intelligent que les autres gosses de son âge,en plus de posséder une mémoire photographique qui sera très utile au fil de l'oeuvre. Orphelin traqué de toutes parts, il regrette d'être trop faible à son jeune âge, et les révélations des toutes dernières pages du tome 1 constitueront forcément un énorme choc bousculant déjà son existence-même.
Quant à Shirogane, derrière sa beauté, sa souplesse, son caractère, ses grands talents dans le maniement d'Arlequin, on découvre une fille fiable, qui semble n'être née que pour protéger Masaru et qui affiche donc une détermination sans failles dans cette mission, mais chez qui on finit également par ressentir une part de mystère. Quels sont les secrets de sa naissance et de sa famille ?
Enfin, alors que Narumi aurait pu juste être un héros au grand coeur et particulièrement costaud (il a appris différents styles de kung-fu en Chine pendant sa jeunesse, et sait donc impeccablement se battre), il faut noter chez lui non seulement une pointe de mystère (dans le fond, pourquoi a-t-il choisi de protéger un enfant qui n'a aucun lien avec lui ? Lui-même ne semble pas encore prêt à parler des raisons les plus profondes), mais aussi une originalité: la maladie qui le touche, nommée Zonapha, qui le contraint à devoir régulièrement faire rire les autres sans quoi il mourra. Une idée pouvant apparaître saugrenue sur le coup voire juste loufoque, mais que Fujita tâche d'expliquer de manière assez crédible sur le plan "biologique", et qui aura en réalité une importance capitale au fur et à mesure que l'intrigue progressera.
Tout simplement, le mangaka fait de ces trois personnages principaux des êtres qui nous intriguent beaucoup d'emblée, dont on a envie de découvrir toutes les facettes, et que l'on veut forcément voir évoluer dans leurs liens et leurs tourments. Chacun d'eux a ses forces, mais aussi ses faiblesses, ses zones plus sombres, ses mystères, et il est alors impressionnant de voir tout ce que le mangaka parvient déjà à installer autour d'eux.
Première escalade d'intensité...
A partir de cette installation redoutablement efficace des premiers concepts et des personnages principaux de Karakuri Circus, Fujita n'a plus qu'à déjà déballer une véritable montée en puissance dans le volume 2, à partir des révélations fortes de la fin du premier volume.
Alors prisonnier de son oncle Zenji qui veut faire de lui son fils adoptif de gré ou de force afin de récupérer l'héritage, Masaru a appris, via les lettres laissées par son père, l'effroyable vérité sur sa naissance, sur l'unique raison de sa venue au monde: depuis toujours, il n'était qu'un appât, comme si sa vie n'avait aucune autre valeur que cette fonction cruelle. Et non seulement il doit encaisser le choc de cette révélation, mais en plus il doit faire face à un tonton prêt à tout, y compris à la violence sur son propre neveu si jeune, pour parvenir à ses fins. Mine de rien, cela donne déjà une bonne idée de l'ambiance assez dure qui parsèmera régulièrement la série, en ayant marqué nombre de lecteurs à son époque, et en ayant contribué à faire de la série une pierre angulaire du genre.
Mais dans le même temps, la propriété de Zenji est, en un rien de temps, devenue le théâtre d'un vaste affrontement. Face au gang des ravisseurs engagé par le tonton de Masaru, le gang des tueurs emmené par Ashihana passe à l'action avec un objectif clair: éliminer le petit garçon. Et dans tout ça, personne ne sait que les plans du défunt père de Masaru sont en train de se dérouler exactement comme il le souhaite... à moins que les deux jeunes gens ayant juré de protéger Masaru ne changent la donne: Narumi et Shirogane sont là eux aussi, déterminés à entrer dans le manoir, à élimioner les ennemis sur leur route s'il le faut, et à récupérer l'enfant. Mais entre ces crises de zonapha de Narumi et des pièges mortels à foison en plus des présences ennemies, Fujita nous offre un cocktail détonnant qui ne nous lâche jamais.
Il faut dire que, pour ça, le mangaka a vraiment de la ressource, entre les affrontements de marionnettistes léchés et bourrés de designs de marionnettes toujours aussi chouettes, les différents pièges que renferment les lieux, les actes assez odieux envers son neveu d'un Zenji qui campe un premier méchant vraiment détestable à souhait, les différents imprévus pouvant surgir à tout moment à l'image des crises de zonapha de Narumi...
Il semble alors impossible de s'ennuyer au fil de cette lecture qui est menée tambour battant et qui ne nous lâche jamais... Et pourtant, il ne s'agit même pas de ce que Kazuhiro Fujita réussit le mieux ici, car le mangaka a évidemment à coeur de poursuivre le développement et l'évolution de ses trois personnages principaux, qui nous montrent tous des choses fortes et passionnantes.
... et première prise d'épaisseur des personnages
De ce côté-là, on pense en premier lieu à Narumi, et plus spécifiquement à sa relation qui se bâtit toujours plus puissamment avec Masaru et Shirogane. Le costaud au coeur d'or démontre toute sa détermination à protéger le petit garçon, cet enfant qu'il ne connaissait pourtant même pas peu de temps auparavant.
Mais c'est aussi sur Shirogane qu'il a désormais un impact réel, pour ce qui sera l'un des beaux enjeux du volume 2: faire prendre conscience à la jeune fille que sa vie a une valeur autre que celle d'une marionnette. L'heure est alors venue, idéalement, de découvrir les grandes lignes du passé, de l'enfance de Shirogane. Une enfance dure et stricte, passée loin du Japon, dans notre cher pays, à Quiberon en Bretagne, avec un objectif bien précis de la part de ses "éducatrices". La manière dont elle a été éduquée dans un seul but, et comme si elle n'était elle-même qu'une marionnette n'ayant pas besoin de volonté propre. Et ce passé de Shirogane est une chose que Fujita, dans sa construction narrative, amène vraiment bien en proposant assez tôt, avant ces révélations, quelques cases de souvenirs si mystérieux et étranges qu'ils piquent forcément la curiosité, avant que tout ne se dévoile plus tard. A l'arrivée, on cerne pleinement pourquoi Shirogane est ainsi, pourquoi elle est incapable de sourire, pourquoi elle semble n'accorder aucune importance à sa propre vie, pourquoi elle estime qu'elle n'a absolument aucune valeur si elle n'a pas avec elle sa marionnette Arlequin pour protéger Masaru... mais devant elle, il y a précisément un Narumi qui tient à la vie, qui n'a aucune envie de mourir comme s'il ne valait pas plus qu'un simple pantin, et qui est bien décidé à faire comprendre à sa partenaire la valeur de son existence et à souligner les émotions qu'elle peut montrer. A ce titre, on adorera alors de plus belle l'intelligente symbolique que prend la maladie de zonapha de Narumi, cette maladie l'obligeant, pour ne pas mourir, à provoquer chez les gens ces rires, ces émotions heureuses dont Shirogane se pense incapable.
Cet aspect est vraiment brillamment mené par le conteur hors-pair qu'est Fujita... Et pourtant, ce n'est peut-être pas encore que qui vient toucher le plus fortement, car un autre aspect vient prendre une importance centrale et elle aussi parfaitement menée: l'évolution de celui qui donne son prénom à ce premier grand arc, Masaru. Porté par ce que Narumi lui a montré et dit, et par la détermination que ce dernier et Shirogane montrent pour le sauver, le chétif petit garçon se métamorphose pour enfin acquérir une certaine forme de cette force qu'il voulait tant et qu'il regrettait tant de ne pas avoir. Non, il ne sera pas qu'un vulgaire appât. Oui, il mérite de vivre, par lui-même. Alors il osera surpasser ses peurs. Même attaché et avec le corps couvert de bleus sous les coups, il ne lâchera rien, résistera du haut de sa petite taille. S'il doit "mourir", ce sera uniquement pour tuer le pleurnicheur qui est en lui. Et tout ça, il le fera en démontrant bien des prises de risques, mais aussi bien des qualités comme sa mémoire, son intelligence, ses négociations avec Ashihana qui prend une tout autre saveur que le simple méchant ici, voire même certaines habiletés avec les marionnettes.
De Mister Carotte, le 14 Janvier 2024 à 09h35
je crois que la fnac vend les 6 premier tommes à 6€ parce qu'il y a eu des défauts sur les livres, mais peut-être que c déjà fini🤔?
De Sonic the Hedgehog, le 05 Janvier 2024 à 14h41
Kazuhiro Foujita, mon héros!!...